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Opinions

Maroc : un viol collectif permanent (opinion)

Par Yacine Temlali
août 29, 2017
Maroc : un viol collectif permanent (opinion)

Les incivilités criminelles se multiplient au Maroc, dans une société où les droits des citoyens ne sont pas toujours reconnus*.

 

 

Le viol collectif d’une handicapée mentale par des mineurs dans un bus à Casablanca n’est ni le premier ni ne sera le dernier, n’étant que la manifestation ultime d’un viol collectif permanent exercé par les lois scélérates du royaume, niant les libertés et les droits citoyens au Maroc.

Les incivilités criminelles se multiplient au Maroc, allant crescendo dans une sorte de descente aux abîmes de l’immoralité sociétale généralisée, ce mixte de l’illégalité de lois injustes mâtinées de religiosité.

Car tout est empreint de patine religieuse, ou se voulant tel, au royaume de Sa Majesté, Commandeur des croyants. Aussi, ce qui est légal au Maroc se veut d’abord halal, conforme à une vision de la foi islamique selon une lecture antédiluvienne, où l’islam est détourné de sa vocation première qui était libertaire ainsi que cela a été incarné par le soufisme.

 

Retour du refoulé

 

La terre marocaine ne manque pourtant pas de sépultures soufies et l’esprit de cet islam des origines est le fonds commun de l’imaginaire populaire.

Aussi, sa veine libertaire se retrouve-t-elle aujourd’hui dans le comportement incivil du fait du milieu de contraintes légales, l’arsenal liberticide répressif à outrance des lois marocaines, particulièrement dans la vie intime des Marocains.

De fait, dans l’inconscient collectif, elle manifeste un retour du refoulé ; c’est ce qui est évident chez les jeunes, de la manière hideuse que l’on voit, et qui n’est que son effet dévastateur. D’où le dernier viol collectif dans un bus, œuvre de mineurs ; c’est dire à quel point le crime commence tôt, dans l’école de la rue, se muant quasiment en un trait ludique inconscient, favorisé par l’environnement légal scélérat.

Un tel crime n’est ni le premier ni ne sera le dernier. En effet, généré par la législation du royaume qui brime la société, sa jeunesse en premier, elle l’amène à se révolter à sa manière, et ce à la mesure de la scélératesse des lois niant tout droit à vivre paisiblement et sereinement leur vie, notamment privée.

Au vrai, les lois liberticides en vigueur forment le terreau, dans l’imaginaire populaire, des crimes des jeunes, dont ce dernier viol collectif qui n’est qu’une manifestation du viol collectif permanent de la législation exercé sur les libertés citoyennes.

 

Législation criminogène au Maroc

 

Qu’on ne s’y trompe donc pas ! Les horreurs que vit le Maroc, et que l’on retrouve aussi ailleurs au Maghreb, sont le fruit de la législation obsolète du pays qui encourage au mal, directement ou indirectement, en prétendant vainement cultiver la vertu.

Le vice est dans de telles lois immorales, car niant droits et libertés légitimes des citoyens, plus impératifs encore à reconnaître en notre époque, âge des foules par excellence.

Ainsi, pour prendre un exemple d’actualité, ne pas admettre l’égalité successorale des sexes en matière d’héritage au nom d’une fausse lecture de l’islam, c’est maintenir la femme dans un statut inférieur. Ce qui en fait une proie toute destinée aux délinquants, des mâles s’illusionnant, du fait de la loi même, de se croire supérieurs, estimant d’autant mieux que tout leur est permis qu’ils excipent de la bénédiction de la foi confirmée par la loi.

Prenons un autre exemple des sujets tabous dont on ne veut parler, alors qu’ils sont éloquents sur le refus des droits au différent à travers l’admission. Il s’agit de cet emblème du différent absolu qu’est l’homosexuel en terre d’islam, qu’on stigmatise avec la consécration de l’homophobie.

Cela implique toute une catégorie de la population, n’ayant même pas le droit de vivre sa sexualité librement.

Pourtant, son droit à une intimité souveraine est bien garanti dans la religion sur laquelle on se base, et est une constante anthropologique, socialement incrustée dans les traditions marocaines où il est loisible de tout faire en catimini, donc en privé.

Fatalement donc, pris par leurs émois en cette postmodernité qui est l’ère des sens en effervescence, les gens sont amenés à enfreindre les lois illégitimes, à tort ou à raison. D’où le viol du bus, mais aussi toutes les autres agressions dont on a parlé ou qu’on a tues.

Le viol du bus de Casa est et restera — hélas! — permanent tant qu’on n’aura pas aboli les lois qui les permettent, ces textes qui stigmatisent et infantilisent, donnant naissance, non pas à des citoyens responsables, mais à des criminels en puissance ou en acte.

Ce sont de telles lois qui sont à l’origine, dans le meilleur des cas, des suicides dans les milieux jeunes, en constante augmentation, ou du phénomène d’expatriation clandestine ; au pis, elles donnent lieu aux crimes, comme le dernier viol collectif, ou encore le ralliement des rangs terroristes.

 

Défi méditerranéen

 

Une réforme juridique d’ampleur est donc urgente impérativement, donnant ses droits et libertés à la société dans la vie privée à défaut de la juger mûre pour une démocratie qui ne soit pas un simple théâtre d’ombres comme c’est le cas actuellement.

Toutefois, une telle réforme n’est ni facile à faire ni possible eu égard aux jeux géostratégiques qui impliquent le Maroc, et tous les pays du Maghreb, dans une destinée les dépassant. On l’a vu, d’ailleurs, avec la dernière initiative de la Tunisie en matière d’égalité successorale et la levée de boucliers qu’elle a entraînée.

Aussi, qu’on veuille le reconnaître ou non, la réforme législative d’envergure au Maroc (et c’est aussi le cas de la Tunisie), ne peut se faire que dans le cadre d’un système de droit qui soit en vigueur et qui veillera à permettre des avancées réelles. Ce qui implique l’investissement de l’Union européenne, d’une manière ou d’une autre, dans les avancées en termes d’États de droit du Maghreb. Cela est d’autant plus incontournable au Maroc que la présence européenne y est bien patente sur son territoire.

Affirmons-le donc haut et fort : la réforme impérative des lois scélérates au Maroc, et ailleurs au Maghreb est bel et bien un défi méditerranéen, car son absence augmente les périls en cette mer commune, alors que son advenue y instaurera la paix. Aussi faut-il s’y atteler incontinent.

S’agissant du Maroc plus particulièrement, l’Europe — dont la France, incontournable au royaume — est appelée à rééditer le rôle joué pour désamorcer la crise qui a suivi les événements du Coup du peuple tunisien en 2011 ; ce qui a donné lieu à la constitution actuelle du Maroc.

Or, les droits et libertés qu’elle a prévus sont demeurés lettre morte. Il s’agira de les mettre en vigueur dans les meilleurs délais en articulant le Maroc, démocratie virtuelle, à la démocratie réelle en Europe.

Ainsi aura-t-on une chance, en abolissant son terreau légal, d’en finir avec le viol collectif permanent qui défigure le Maroc et la bonhomie, réelle pourtant, de son peuple ; les lois scélérates, agissant en douceur, mais sans discontinuer, en arrivant à altérer la psychologie populaire paisible à la base.

 

(*) Nous republions les articles de Farhat Othman, avec son aimable accord. Cet article a été publié initialement sur son blog.

 

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