Alors qu’il devait être présent physiquement à son procès, fixé initialement pour dimanche avant qu’il soit reporté, le journaliste, Ihsane El Kadi, n’a pas été extrait de la prison d’El Harrach. Il a dû intervenir par visioconférence. « Ce qui confirme la poursuite des dépassements à son encontre », soutient Me Abdellah Heboul, un de ses avocats. Dans cet entretien, l’avocat explique que ce choix du juge est contraire à la Loi.
Propos recueillis par Mohamed. I
Que pensez-vous du déroulement de la première audience du procès d’Ihsane El Kadi et de la décision de la juge de le reporter au 26 mars prochain?
Le tribunal a reporté le procès pour convoquer le représentant de la personne morale, c’est-à-dire la société « Interface Média », citée dans l’affaire. La juge a également ordonné la présence de la partie civile, représentée par l’autorité de régulation de l’audiovisuel, en plus des témoins, ce qui est conforme au déroulement normal de tout procès. Ce qui n’est pas normal, en revanche, c’est de ne pas avoir ramené Ihsane El Kadi pour comparaitre physiquement et de décider de le juger plutôt à distance à travers un appel vidéo. Une décision qui viole les articles 441, 441 bis et 441 bis 1 à bis 10 du code de procédure pénale.
Sur quelles bases juridiques les juridictions se sont appuyées pour tenir le procès à distance ? S’agit-il d’une autre violation qui s’ajoute à celles qui vous ont conduit à le boycotter ?
Le procès à distance est une mesure introduite dans le Code de procédure pénale à la faveur de l’amendement du 30 août 2020. Sa mise en place était liée à la crise sanitaire, la pandémie de la Covid-19. Et la Loi a défini avec précision dans quels cas il est possible de recourir au procès par visioconférence. L’article 441 bis stipule, en effet, « pour les nécessités du bon fonctionnement de la justice ou du maintien de la sécurité ou de la santé publique ou lors de catastrophes naturelles, ou pour des raisons de respect du principe des délais raisonnables, les juridictions peuvent recourir à la visioconférence dans les procédures judiciaires dans le respect des droits et des règles prévus dans la présente loi ». Dès lors, la non extraction de Ihsane El Kadi est contraire à la loi et il est du devoir du parquet de mobiliser la force publique pour le faire comparaître physiquement.
La juge a répété à plusieurs reprises à l’attention de Ihsane El Kadi : « qu’elles étaient ses demandes ? », ce qui a été interprété par certains comme étant une prédisposition à le libérer s’il en avait formulé la demande. Qu’en pensez-vous ?
Il est du devoir du tribunal d’ordonner la présence physique de l’accusé pour la comparution-même s’il ne le demande pas-, en vertu de l’article 344 qui stipule « qu’au jour indiqué pour la comparution à l’audience, le prévenu en état de détention y est conduit par la force publique » .Mais il était clair que Ihsane El Kadi a été très surpris par la programmation de son procès à distance. C’est pourquoi il a demandé son extraction.
A la lumière de l’audience d’hier (dimanche, ndlr), peut-on s’attendre à la révision de la position de Ihsane El Kadi et sa défense concernant le boycott du procès ?
Je ne peux pas anticiper les événements, mais jusqu’à présent, il n’y a aucun développement suggérant la réunion des conditions d’un procès équitable. Au contraire, le fait que Ihsane EL Kadi n’ait pas assisté physiquement au procès est un indice de la poursuite des abus contre lui.