L’avocat du barreau d’Alger, Me Khaled Bourayou, est revenu mardi sur les affaires de corruption qui ont marqué le règne de Bouteflika. Des affaires où des ministres ont été impliqués mais qui n’ont vu jusqu’ici que des lampistes comparaitre devant les juges.
Pour Maître Khaled Bourayou, l’Etat de droit doit avant tout commencer par la refonte du système judiciaire. Abordant les moyens juridiques pouvant être actionnés pour connaitre la vérité sur l’état de santé de Bouteflika et sa capacité à se porter candidat à sa propre succession, Me Bourayou estime que « la problématique est liée à la liberté des juges du Conseil constitutionnel et à l’appoint qu’ils peuvent apporter dans la construction d’un Etat de droit ». « Il faut refonder le système judiciaire de manière à ce que les juges puissent avoir plus de liberté. Autrement, l’Algérie restera pour encore longtemps un Etat police et d’abus d’autorité », a-t-il souligné sur Radio M, la web radio de Maghreb Emergent. Me Bourayou s’est ainsi interrogé sur la marge de manœuvre des magistrats qui siègent au sein de la Commission nationale de supervision de l’élection présidentielle, au moment où la tutelle est sous contrôle total du clan présidentiel.
Un gouvernement au cœur de la corruption
Pour Khaled Bourayou, L’Algérie a connu une « croissance florissante des affaires» sous Bouteflika avec des affaires Sonatrach 1et 2 « et probablement une affaire Sonatrach 3 qui va se rapprocher d’avantage du clan présidentiel ». « Jamais l’Algérie n’a connu un gouvernement aussi engagé dans les affaires que celui de Bouteflika. C’est un gouvernement au cœur du système de corruption », a-t-il dit. Des affaires où des ministres en poste sont nommément cités mais pas pour autant inquiétés.
Le DRS a été restructuré à cause de Chakib Khelil
Ce constat a amené Me Bourayou à conclure que la restructuration du puissant Département du renseignement et de la sécurité (DRS) « n’obéis pas à une stratégie sécuritaire mais c’est le fruit des affaires impliquant Khelil ». « Je suis contre le fait que le DRS puisse disposer d’une police judiciaire pour enquêter sur les affaires de corruption qui est du ressort de la justice mais je dois avouer que les rapports d’enquêtes du DRS sont plus courageux que ceux des juges d’instruction », a-t-il dit.
Khaled Bourayou considère que cette la restructuration des services de sécurité « aurait été une bonne chose si elle procédait d’une bonne intention ou d’une conception d’un état de droit ». Une fois le DRS neutralisé, Bouteflika s’est ainsi assuré le contrôle total du pouvoir judiciaire avec « une justice totalement instrumentalisée au service du pouvoir. »
Saadani a innocenté Khelil à la place du juge
Abordant l’un des volets de la charge de Amar Saadani contre le DRS et sont patron, le général Mohamed Mediène dit Toufik, Me Bourayou considère que le secrétaire général du FLN a non seulement « innocenté Chakib Khelil », mais il est allé jusqu’à jeter le doute sur les conditions d’enlèvement des moines de Tibhirine et de l’assassinat de Boudiaf. « Il a engagé la responsabilité de l’Etat. Si nous avions une justice indépendante, le parquet aurait demandé au ministre de s’autosaisir pour exiger à Saâdani d’apporter les preuves de ces accusations. Chose qui n’émanerait pas d’un ministre qui est aussi membre du bureau politique du FLN de Saâdani ! », s’est-il exclamé.
Me Bourayou cite un autre exemple, encore plus édifiant : Dans le procès Khalifa en 2007, le ministre des Finances de l’époque, Mourad Medeleci, qui n’est autre que l’actuel président du conseil constitutionnel, avait dit au juge que le rapport sur les infractions de Khalifa Bank adressé par le gouverneur de la banque d’Algérie, Abderrahmane Keramane, « avait disparu de son bureau! ». « C’était une saisine sur des infractions. Et sa disparition relève d’une faute grave. Or, C’est Keramane a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle! », s’est-il étonné avant de conclure : « En Algérie, ce sont les gros poissons qui passent à travers les mailles du système judiciaire, non pas les petits. »