Pour l’ancien président de la Ligue algérienne des droits de l’homme, la détention préventive, depuis 5 ans, des accusés impliqués dans l’affaire Sonatrach 1 est une « véritable condamnation préventive ».
Me Miloud Brahimi, qui était mardi l’invité du direct de Radio M, la radio web de Maghreb Emergent, a démenti les informations selon lesquelles le mandat d’arrêt lancé contre Chakib Khelil, l’ex-ministre de l’Energie, a été annulé sous prétexte de vice de procédure. Le fait que ce dernier n’ait pas répondu à la convocation de la justice algérienne, a-t-il indiqué, le met formellement et juridiquement en « état de fuite » puisqu’un mandat d’arrêt a été émis contre lui par l’Algérie.
Lors de son intervention, l’ex-président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH) a également fait le « débriefe » de la folle journée de dimanche dernier, qui devait voir se tenir au tribunal criminel près la Cour d’Alger le procès tant attendu dit de « Sonatrach I ».
Pour rappel, ce procès a finalement été ajourné à la prochaine session criminelle et les sept accusés vont rester en prison. Inculpés pour des faits de corruption, entre autres charges, ils sont en détention depuis un peu plus de 5 ans. C’est là un des faits qui ont interpellé Me Miloud Brahimi. « J’ai fait des études de droit, j’ai pratiqué et enseigné le droit. C’est la première fois de ma vie que je suis en face d’une détention dite préventive aussi prolongée. N’ayons pas peur des mots, c’est une véritable condamnation préventive », s’est-il exclamé n’hésitant pas à qualifier cette situation de scandaleuse.
L’avocat a souligné que la procédure de la détention préventive a bien été respectée mais, a-t-il tenu à préciser, « la Constitution a été gravement violée » car la Loi suprême du pays, a-t-il rappelé, pose le principe universel de la présomption d’innocence.
« L’opinion publique a été chauffée à blanc »
Il convient de rappeler que les avocats des accusés étaient partagés entre ceux qui étaient en faveur de la tenue du procès et ceux qui étaient pour le report. Me Brahimi a affirmé comprendre parfaitement les deux positions sans prendre partie pour l’une ou l’autre. Il a estimé qu’il y avait moyen d’apaiser l’atmosphère entourant ce procès en le reportant tout en accordant la liberté provisoire aux détenus.
Pour l’invité de Radio M, les avocats qui ont demandé le renvoi du procès « avaient peur que le contexte (qui entoure celui-ci, NDLR) ne fonctionne contre leurs clients ». Il s’est dit incapable de dire de combien de temps le procès sera différé. « Le président (du tribunal, NDLR) a dit que le dossier était renvoyé à la prochaine session: cela peut être le mois prochain voire dans deux ou trois années. » Il a rappelle que le procès Khalifa en 2013 avait été renvoyé mais que deux ans après, « on ne voit toujours pas les choses venir ».
« La lutte contre la corruption, un combat de tous les jours »
Me Brahimi a estimé qu’on ne peut pas lutter contre la corruption en faisant passer devant l’opinion publique, « chauffée à blanc », quelques dossiers : »Il faut faire en sorte que ce type de procès n’existe plus. Au lieu que d’attendre que les choses s’accumulent pour faire un procès gigantesque, il aurait fallu gérer les dossiers de corruption au jour le jour ».
Sans tomber dans le « cliché » qui veut que l’Algérie soit le pays « le plus corrompu au monde », Me Brahimi a déclaré qu’elle était « un pays corrompu comme le sont les autres pays » mais que la façon de lutter contre ce fléau « n’est pas la bonne ».
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