« La semaine éco » d’El Kadi Ihsane a 20 ans d’âge. Elle a débuté sur le quotidien El Watan en janvier 2005, s’est poursuivie en co-publication sur Maghreb Émergent dix ans plus tard. Elle s’est interrompue la semaine du 22 février 2019. L’histoire politique du pays connaissait alors une renversante accélération. Les enjeux économiques passaient au second plan. Les années suivantes consacraient la montée dominatrice de l’image face à l’écriture et le succès des émissions économiques de Radio M, le café des experts éco (CEE) en particulier, justifiait en creux « la disparition » de la chronique hebdomadaire.
Le Covid, la crise du quotidien El Watan dans le déclin de la presse papier, les menaces sur nos activités éditoriales ont perpétué l’absence de « la semaine éco ». Il n’en reste pas moins que son solde est respectable. Plus de 14 années consécutives d’analyse de la conjoncture politique algérienne et mondiale au travers des faits marquants de la semaine. Les archéologues du futur n’auront pas besoin de carotter la glace qui se sera posé, ou pas, sur cette partie du globe pour tout apprendre sur le climat des affaires de cette période de notre géologie locale.
« La semaine éco » en dira beaucoup plus. Elle avait commenté d’année en année, les incidences de la loi Khelil des hydrocarbures, les privatisations effectuées et celles manquées, le fonds souverain algérien avorté, l’impasse de la bourse d’Alger, l’essoufflement des IDE dans le pays, la montée des oligarques derrière le FCE, le souffle des subprimes sur le monde, la LFC de 2009 de Ahmed Ouyahia, le retentissement du printemps arabe sur les salaires publiques, les retards de la transition énergétique algérienne, la polémique sur le gaz de schiste, le cout du non-Maghreb, la corruption dans les grands contrats d’équipement, les arbitrages budgétaires de la task force de 2016, le débat sur le financement non conventionnel, la faiblesse de l’investissement privé, des exportations hors hydrocarbures ou du rythme de la digitalisation.
Des thèmes aux allures de bulletin de santé de l’économie des années Bouteflika. Que les décideurs auraient, pour une bonne partie, bien fait de lire. Et de traiter. C’est la suite des évènements, et leur sort personnel, qui le préconise.
Ma « semaine eco » revient aujourd’hui. Comme une évidence professionnelle. Il me parait que l’éclairage de l’actualité économique est un exercice d’urgence clinique plus aigu qu’il y a vingt ans, lorsque je l’ai entamé. J’ai cessé de suivre assidûment l’actualité économique du pays fin décembre 2022 pour cas de force majeure.
Sur la télévision publique, seule informative en prison, le pays est entrain de réaliser un miracle économique depuis cinq ans grâce aux orientations présidentielles. Depuis un peu plus de deux mois que j’ai recouvert ma liberté, je tente de renouer avec la réalité du vécu. La mise à jour est inégale. Les acteurs de société sont faciles d’accès. Ce sont les citoyens que l’on côtoient dans les taxis, les cafés, les marchés, les stades, au quartier. Leur ressenti est un indicateur de conjoncture à vif. Ceux qui montrent les tendances à temporalité plus lourde ne disent presque plus rien. Les experts se taisent. Je parle ici des indépendants. Ceux qui ne vont pas enjoliver le tableau pour plaire au pouvoir. Ils ont un alibi solide, en dehors de celui de redouter des représailles de tout type. La visibilité en data de l’économie a régressé ces dernières années : Commerce extérieur, emploi, politique monétaire, enquête de sectorielle, rapports du CNES, la caisse à outils s’est dégarnie pour les analystes. De ce point de vue, le recensement général de l’agriculture de 2024 apparait pour les observateurs comme la meilleure nouvelle depuis longtemps, à contre-tendance de l’appauvrissement de la production des données et de leur publication. Faudra donc souvent faire sans, dans cette nouvelle saison de la « semaine éco ».
Deux faits m’ont interpellé cette semaine. Le premier est planétaire. Le président Trump ne veut pas se contenter d’une guerre commerciale déclarée au reste du monde. Il entend défendre ses intérêts en déployant des Marines partout où ils seraient contrariés : Panama, Groenland, dans les tunnels de Gaza… L’impact de Trump 2 sur l’économie mondiale promet d’être aussi colossal que dévastateur dès 2025. Ce sera un fil rouge dans cette chronique. L’autre fait est domestique. Marqueur temporel. La production de pétrole s’est établie à son plus bas niveau depuis 2020, avec 907 000 barils-jour à fin 2024. L’information a suscité discussion. Ce serait la conséquence de la politique de réduction des quotas de l’OPEP. Mais pas seulement. La déplétion des gisements algériens est en marche accélérée depuis le plateau record de 2005-2008, comme le montre le graphe ici.
L’Algérie est déjà passée sous les 800 000 barils-jour au milieu des années 80. La question est de savoir s’il est possible d’assister dans l’avenir à un 3e âge pétrolier algérien après le 2e âge qui correspond à la relance de la prospection grâce à la loi de 1986 (partage de production) et au développement de la province de Hassi Berkine à partir de 1995.
La réponse unanime de la communauté des géologues est non. Sauf à hériter de grands volumes de pétrole de schiste dans le sillage d’une exploitation optimale du gaz de schiste. Peu probable. La production de gaz décline plus lentement. Elle permettra de mieux gérer la transition vers le renouvelable. L’autre graphe qui éclaire l’avenir énergétique du pays est celui de la consommation domestique des produits pétrolier . Elle explose. Il dit que la diversification hors hydrocarbures est une urgence. Ce sera l’autre fil rouge de la « semaine éco » en 2025.