L’ancien président de la Ligue algérienne des droits de l’homme préconise la légalisation de la fonction d’intermédiaire, aujourd’hui réprimée par des « textes juridiques datant de 1978 » dont il attribue la paternité à l’ancien ministre Belaïd Abdesselam.
Pour Maître Miloud Brahimi, qui était hier mardi l’invité de Radio M, le procès de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest qui va bientôt s’ouvrir sera le procès de la fonction d’intermédiaire plus probablement que celui des versements de rétro-commissions à des responsables économiques ou politiques, rétroc-commissions dont il ne sait pas si elles seront évoquées au cours du procès à venir.
L’ancien président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH) préconise une nécessaire légalisation de la fonction d’intermédiaire, qui est aujourd’hui réprimée par des « textes juridiques datant de 1978 » dont il attribue la paternité à l’ancien ministre Belaïd Abdesselam.
Selon Miloud Brahimi, le cadre juridique en vigueur criminalise une activité utile à l’installation et au déploiement des entreprises étrangères en Algérie . « Comment voulez-vous, s’écrie-t-il, que les sociétés étrangères s’installent en Algérie alors qu’elles ne savent même pas comment louer une chambre d’hôtel ou contacter une administration ? »
Pour Miloud Brahimi, qui « ne connaît aucun autre pays au monde interdisant la fonction d’intermédiaire », l’Algérie aurait « tout intérêt à organiser dans la légalité et la transparence l’activité de ces facilitateurs d’affaires en la distinguant clairement des dérapages éventuels qui relèvent de la corruption ». Dans le prolongement de cette démarche de réforme nécessaire du cadre juridique des affaires, il se déclare également favorable à l’organisation et à la légalisation de la fonction de lobbying à l’image des pratiques en cours par exemple auprès des commissions européennes.
Pénalisation de l’acte de gestion et « justice-spectacle »
Fidèle à une position qu’il défend depuis de nombreuses années, Miloud Brahimi décrit également un monde des gestionnaires du secteur public « terrorisé » par les lois en vigueur qui continuent de pénaliser l’acte de gestion. Cette dernière, qui constitue dans le contexte algérien la « forme archaïque du délit politique », permet périodiquement, selon lui, au système politique algérien de gérer les hommes et les intérêts dans le cadre d’une « justice-spectacle », dont il dénonce une nouvelle manifestation dans le procès en cours de l’affaire dite Sonatrach 1.
Miloud Brahimi crédite, néanmoins, le président Boutéflika d’une démarche « sincère », concrétisée par les orientations données en 2011 . Des orientations dévoyées par la « loi ridicule du 2 août 2011 », qui n’a rien changé au statut pénal des gestionnaires du secteur public.
L’avocat algérien, qui s’est retiré des groupes de travail constitués depuis 2011 pour réformer les textes en vigueur, observe avec scepticisme l’évolution des réunions qui continuent d’associer sur ce thème des hauts fonctionnaires des ministères économiques et de la justice sans déboucher sur des résultats concrets. Il ne comprend pas les délais fixés à une réforme en réalité « extrêmement simple », qui passe par « l’abrogation de trois articles de loi » et doit viser éliminer la responsabilité pénale des cadres du secteur public vis-à-vis de leurs actes de gestion pour la remplacer par une « responsabilité et des sanctions professionnelles », prononcées par les organes sociaux des entreprises. « Tout le monde peut se tromper, conclut ironiquement Miloud Brahimi, « la preuve c’est qu’on peut faire appel de leur décisions ».