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Nabni lance un chantier autour de la liberté de manifester et de s’exprimer en Algérie

Par Maghreb Émergent
mai 5, 2019
Nabni lance un chantier autour de la liberté de manifester et de s’exprimer en Algérie
« La liberté de rassemblement et de manifestation : Se réapproprier l’espace public reconquis le 22 février 2019 », est le troisième « Chantier de refondation » du Think-Tank NABNI.

Ces mesures pour consacrer la liberté de se rassembler et de manifester pacifiquement : Création d’ « Espaces d’Expression Populaire Libre » et pérennisation du « Vendredire ».

Voici le texte intégral du troisième chantier de NABNI (Notre Algérie Bâtie sur de Nouvelles Idées » :

La journée historique du 22 février 2019 a vu le Peuple reconquérir l’espace public dans toutes les régions du pays. Les jeunes ont bravé la peur et la répression1 et ont permis à un mouvement historique de naitre, qui se réappropriation la rue pacifiquement, tous les vendredis, ainsi que d’autres jours de la semaine. Avant cela, les manifestations étaient légalement interdites dans la capitale, et interdites, de fait, sur le reste du territoire. Ce Chantier propose quatre mesures pour ne plus jamais retourner à l’avant-22 février, et pour pérenniser et célébrer cette reconquête de l’espace urbain par le Peuple :

  1. Constitutionnaliser et protéger le droit de rassemblement public et de manifestation pacifique.

L’Article 48 de la Constitution de 1996 (amendée trois fois depuis) consacre, en théorie, les libertés d’expression, d’association et de rassemblement. L’Article 49 vient en théorie garantir le droit de manifestation pacifique, mais soumet ce droit à une loi sensée l’encadrer. En pratique, c’est ce cadre légal qui a été utilisé pendant des décennies pour interdire les manifestations et les rassemblements publics (demande d’autorisation à la Wilaya, interdiction totale dans la capitale, etc.).

Nous proposons que dans la nouvelle Constitution ou dans le prochain amendement constitutionnel, l’Article 49 soit remplacé par un Article plus explicite et plus engageant en termes de libertés de manifester pacifiquement, en s’inspirant des constitutions les plus claires et les plus protectrices en la matière, par exemple, celles du Royaume Uni, de la Suisse, de la Tunisie, de l’Allemagne, de l’Afrique du Sud ou du Mexique.Une nouvelle formulation, inspirée de ces pays, prendrait la forme suivante :

Le droit de réunion, de rassemblement et de manifestation pacifique dans l’espace public est garanti pour tous. Chaque citoyen ou groupes de citoyens est libre d’exprimer son point de vue publiquement, de se réunir et de manifester dans l’espace public, sans autorisation ni notification préalable, tant que cela est fait de manière pacifique et non violente, sans atteinte aux droits humains, aux libertés et à l’intégrité physique et morale d’autres citoyens, y inclus les agents d’autorité et de sécurité publique. Aucune restriction ne pourra être imposée dans l’exercice de ces droits, autres que celles garantissant la sécurité publique, la prévention d’activités criminelles ou l’interdiction de port d’arme.

  1. Des « Espaces d’Expression Populaire Libre » dans chaque ville du pays.

En s’inspirant du « Speakers’ Corner » (Espace des Orateurs) institué à Londres en 1872 et de son histoire (voir ci-dessous), nous proposons que chaque ville du pays délimite un endroit spécifique en son centre (par exemple, une place, une impasse, un espace au sein d’un parc, un escalier, etc.), qui soit institué « Espace d’Expression Populaire Libre ». Un tel espace est apparu spontanément près de la Place Maurice Audin à Alger, sous forme d’un escabeau avec l’écriteau «الخــطـباء ركــن .«Ces Espaces prendraient le nom de l’Espace du 22 février 2019. Ils seraient :

 

  • Libres d’accès à toute heure de la journée, pour y débattre, y présenter publiquement des idées, y faire des discours et s’y concerter. • Ils seraient gérés par la société civile locale (fiches de réservation en ligne, disposition d’une estrade et de bancs, maintenance et nettoyage, etc.).
  • La prise de parole y serait réservée de manière prioritaire aux citoyens et acteurs de la société civile. Les partis politiques et syndicats pourraient y intervenir, mais la propriété de ces espaces et la priorité d’intervention reviendraient aux citoyens et aux acteurs de la société civile. Une coordination avec les écoles et lycées de la ville permettrait une participation des plus jeunes.
  • Aucune autorisation ni notification préalable ne devra être déposée auprès des autorités locales pour s’y exprimer. Aucune interdiction de prise de parole, de contrôle d’identité ou de censure ne pourra avoir lieu dans ces Espaces—en dehors de ceux dictés par un impératif indéniable de protection de l’intégrité physique et morale des citoyens, et de sécurité publique.
  • La distribution de tracts, le déploiement de slogans, d’affiches ou de banderoles y seront totalement libres, à l’exception de ceux qui véhiculent des messages de haine, d’insulte, de violence ou remettant en cause l’intégrité territoriale du pays ou les Constantes Nationales telles que définies dans les Articles correspondants de la Constitution.
  • Dans certaines grandes villes, si la société civile locale, les autorités locales ou le Fonds Citoyen pour la Protection et la Promotion des Libertés Démocratiques pouvait le financer, l’Espace d’Expression Populaire Libre pourrait même inclure des webcams urbaines, une borne WiFi, ainsi qu’un microphone sécurisé pour que les interventions puissent être suivies en direct sur Internet. Ces « Speakers’ Corner 2.0 » seraient une première mondiale.
  • Dans certaines villes, la société civile locale pourrait s’organiser pour que les débats puissent aboutir à des revendications. Par exemple, un ‘’chargé du dialogue public’’ au niveau de chaque mairie/wilaya pourrait assister aux débats du vendredi et en rendre compte publiquement.

III. Pérenniser le « Vendredire » : décréter que les parcours et points de rassemblement du Hirak dans plusieurs villes soient institués zones piétonnes ouvertes tous les vendredis.

Les marches du vendredi se succèdent sans se ressembler entièrement : les revendications évoluent au gré de l’évolution de la situation politique, la réponse des autorités varie de conciliante à provocatrice (en particulier dans la Capitale), et la colère alterne avec la joie de s’exprimer librement. Mais on y retrouve systématiquement leur caractère pacifique, souriant et unanime dans le rejet du système politique actuel et de son personnel. Elles se caractérisent aussi par une mixité extraordinaire en termes d’origine sociale des manifestants, de leurs âges, de leurs sexes et de leurs orientations politiques. Afin de maintenir cette magnifique occasion de voir notre société se retrouver, dans toute sa diversité, à s’exprimer chaque semaine dans la rue autour d’un idéal commun, nous proposons de pérenniser le « Vendredire » en décrétant que les parcours, places ou avenues des manifestations du Hirak dans les villes de plus de 200.000 habitants, soient transformées en zones piétonnes le vendredi. Nous ne suggérons pas que tous les vendredis soient jours de manifestation, mais que cette liberté de se rassembler, de s’exprimer et d’échanger (même sans objectif politique particulier) soit maintenue, particulièrement les vendredis après-midi.

  1. Une « Journée citoyenne des libertés démocratiques » : le 4ème vendredi du mois de février.

Nous appelons à ce que le 4 ème vendredi du mois de février soit célébré comme Journée citoyenne des libertés démocratiques, commémorant le début du Mouvement du 22 février. Une occasion de faire le point sur les acquis réalisés, mais surtout une occasion d’identifier les nouvelles revendications de libertés démocratiques qui resteront à conquérir.

Le Collectif NABNI, avril 2019.

NABNI invite les citoyens à partager leurs avis sur ce Chantier en nous écrivant à [email protected]

 

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