Les robots tueront-ils l’emploi ? On connaît le débat à propos du couplage entre robotisation et intelligence artificielle et de ses conséquences. Pas un jour ne passe, sans un dossier spécial sur ce thème avec de nombreuses craintes exprimées et des prédictions toujours très alarmistes.
L’humanité serait-elle engagée dans une voie dangereuse où, demain, le travail n’appartiendra qu’à une minorité de privilégiés tandis que la majorité sera cantonnée aux aides ou aux tâches subalternes ? Les robots, sous toutes leurs formes, nous remplaceront-ils dans la grande majorité des tâches, qu’elles soient répétitives ou délicates à mener (comme par exemple un diagnostic médical ou la lecture d’une radiographie).
L’exemple d’ABB
Le sujet reste ouvert mais le pire n’est pas forcément inéluctable. Dans un entretien accordé à la presse suisse dominicale, Peter Voser, le président du groupe industriel zurichois ABB esquisse des pistes intéressantes et pour le moins inattendues. Selon lui, la numérisation tant honnie présente tout de même quelques avantages importants dont une contribution positive en matière de baisse des délocalisations (et donc de lutte contre le chômage). Le mécanisme est simple. Avec des robots, on améliore la productivité et, surtout, on peut agir sur la production avec plus de flexibilité. Peter Voser cite ainsi l’exemple d’une usine d’ABB, en Allemagne, (site de Manheim) où la numérisation a permis un gain de 30% de la productivité et où la chaîne de fabrication permet, désormais, de faire sortir des séries limitées de moins de 100 appareils. Dans ce cas précis, les robots sont programmés et pilotés par des travailleurs ultra-qualifiés. La taille réduite de la série permet à ABB de s’adapter à des demandes individualisées ou à viser un segment particulier de clientèle. Et cela sans passer par la traditionnelle recherche des coûts faibles de main-d’œuvre pour financer de grandes séries (et amortir ainsi les coûts de fabrication et de conception).
La numérisation peut donc, dans certains cas, permettre de rapprocher le lieu de fabrication et le lieu de vente. Du coup, cela permet de maintenir de l’emploi voire d’en créer. Bien entendu, il faut se garder d’en faire une règle absolue. Les délocalisations sont loin d’avoir cessé, au cours de ces dernières années. Il faudra attendre, encore un peu, avant de conclure que le robot sauve l’emploi local.
L’enjeu de la formation
Mais quelle que soit l’évolution, le patron d’ABB insiste sur un point fondamental. Pas de numérisation efficace sans formation. Et il ne s’agit pas, selon lui, du simple parcours académique mais bien de ce qui vient après. Pour Voser, deux seuils de retours «à l’école» sont, désormais, identifiés. Entre 35 et 40 ans mais aussi, et c’est peut-être le plus important, à 50 ans. Pour le premier seuil, les mentalités sont habituées à une telle exigence. Par contre, imaginer des formations à 50 ans, alors que dans nombre de pays c’est l’âge où les employeurs cherchent à faire partir les intéressés en pré-retraite, relèvera d’un grand changement de paradigme. Mais on le sait, rien ne semble pouvoir arrêter la robotisation. Cela rend, donc, indispensable la réflexion sur les questions de formation continue et de recyclage.