Pour l’Invité de l’entretien de RadioM la webradio de Maghreb Emergent, M. Thierry Perret, journaliste, écrivain, spécialiste du Mali et de l’Afrique de l’Ouest, la complexité de la question nord malienne nécessite l’implication des pays régionaux, à leur tête l’Algérie, en plus de l’appui international. Il met également en garde contre les risques du phénomène de trafic de drogue lequel a repris dans la région du Sahel.
Le journaliste français Thierry Perret, spécialiste des questions de l’Afrique de l’Ouest et du Mali en particulier, estime que la crise du nord malien sera encore plus compliquée et complexe en 2015, vu son ampleur. Il précise sur Radio M, la webradio de Maghreb Emergent, que cette question reste le verrou pour toutes les autres questions du développement économique et social du pays.
Commentant les perspectives fédéralistes évoquées par de nombreux observateurs de la question comme solution éventuelle à la résolution de cette crise, Thierry Perret, considère que la solution fédéraliste ne se pose chez aucun des acteurs de cette question malienne. Car l’enjeu de toutes les négociations politiques actuelles « est de faire en sorte que le Nord soit complètement réintégré au sud ». Et d’ajouter : « Ceux qui connaissent la structure socioculturelle du Mali savent très bien qu’il est faux de dire qu’il y a un sud et un nord au Mali. Cela tient à sa longue histoire extrêmement interpénétrée. Les nordistes vivent au sud, et vice versa, et les liens familiaux sont diversifiés et ramifiés », argumente-t-il, en soulignant que « la tentation de déconnexions est plus un fantasme qu’une réalité admissible ». Toutefois, cet ancien journaliste de RFI (Radio France Internationale), note que les populations du sud sont lassées de cette crise du nord qui perdure depuis des décennies, car elles considèrent que cette question a empoisonné le processus démocratique au Mali, sans pouvoir arriver à un résultat ». Pour M. Perret, le sud (du Mali) a besoin d’être soulagé de cette question du nord, et le gouvernement est à ce fait polarisé, car il a besoin de régler cette question-là pour passer à l’étape suivante du traitement des questions socio-économiques aussi compliquées ».
Le Mali est devenu une pièce de l’échiquier des problèmes sous régionaux
Les accords de 2006 d’Alger n’ont pas pu réduire les risques sécessionnistes de l’Azawad bien que les conditions aient été favorables, notamment avec la présence d’un gouvernement légitime de Amadou Toumani Touré élu à Bamako, affirme le journaliste, qui rappelle que ces accords sont intervenus dans un contexte sécuritaire qui a commencé à se dégrader dans les années 1990 et qui a poursuivi sa dégradation jusqu’en 2012. Pour Thierry Perret « à ce moment-là, on était dans un dialogue inter malien, avant que le Mali devienne une pièce de l’échiquier des problèmes sous régionaux ».
Pessimiste quant à la résolution de ce conflit du nord Mali en 2015, M. Perret, estime tout de même que « le processus est encore rattrapable, vu les succès sur le terrain des opérations françaises spectaculaires ». En supposant que les groupes djihadistes perdent leur ancrage auprès des populations du nord, à travers la consolidation du rôle de l’Etat auprès de ces dernières, beaucoup de choses auront déjà avancés, dit-il. Pour ce journaliste, les pistes d’avenir à moyen et à long terme, seront « d’aider les pays de la sous-région notamment le Mali, à renforcer leur armature étatique, qui est apparue très fragilisée ». L’Algérie a, à ce propos, un rôle très important à jouer, commente l’invité de Radio M, et cela compte tenu de sa puissance économique et démographique. Un rôle qu’elle exerce davantage et pleinement, note-il, en pensant que l’Algérie doit reprendre son rôle de plaque tournante pour les pays de l’Afrique, à travers, par exemple, l’aide aux universitaires et à la classe moyenne. « En recevant massivement des étudiants et des gens en formation de cette sous-région au lieu de recevoir des réfugiés », observe-t-il. L’aide économique que pourrait apporter l’Algérie à son voisin du sud sera portée ainsi, par la multiplication des échanges socio-culturels ». Le journaliste français estime qu’une intégration maghrébine aiderait aussi le Mali dans le recouvrement de sa stabilité, a-t-il préconisé.
Le chef d’ Ansar Eddine Ag Ghali a opté pour la position la plus extrême
Mais l’Algérie ne peut-elle agir seule compte tenu de la complexité de ce conflit, qui nécessite l’implication de la communauté internationale qui veut qu’il y’ait un meilleur accord possible, relève M. Perret. Selon lui, le couple Paris-Alger, doit également trouver un mode de fonctionnement pour travailler ensemble afin d’appuyer le développement du Mali et de ses voisins. Surtout que les relations entre ces deux pays connaissent dernièrement une embellie et un resserrent des liens, économiques notamment. Thiery Perret rappelle, toutefois, l’erreur commise par ces deux pays dans les années 1990, en comptant sur celui qui était le chef de la rébellion touareg à l’époque Ag Ghali, devenu aujourd’hui, le chef du groupe djihadiste Ansar Eddine : « Ag Ghali a opté pour la position la plus extrême mais aussi la plus porteuse », tient à préciser Thiery Perret.
Enfin, M. Perret regrette le fait que les occidentaux aient laissé le Mali et les Etats du Sahel gérer eux-mêmes un certain nombre de problèmes d’intégration « pervertis par un environnement sécuritaire menaçant », en appelant à la mise en place d’une réponse internationale, en plus du renforcement des capacités des Etats du Sahel pour faire face au jihadisme et au trafic de drogue international.
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L’entretien en vidéo : http://bit.ly/1xHK2v4