Le nombre croissant de tournages qui ont rapporté quelque 280 millions de dirhams (3,4 milliards de dinars) qui ont été investis par des étrangers en 2016.
Tourner en décors naturels dans l’Egypte des pharaons, en Algérie ou dans un pays en guerre au Moyen-Orient, sans avoir à souffrir de lenteurs administratives ni prendre de risques sécuritaires ? Quoi de mieux que le Maroc pour le faire ? C’est d’ailleurs le choix d’un nombre croissant de réalisateurs et de producteurs. Ainsi, American Sniper, Des hommes et des Dieux, The Mummy où le dernier James Bond Spectre, ont été tournés au Maroc. S’il n’est pas nouveau, l’engouement des industries du cinéma occidentales pour le royaume s’est accentué ces dernières années ; il est le fruit d’une stratégie voulue par les autorités marocaines. Une approche reposant d’abord sur un atout de taille : un pays aux multiples paysages, puis des facilités accordées aux productions et enfin, un contexte géopolitique en faveur d’une localisation des tournages outre Oued Aghbil.
« Marketter » le produit Maroc
Artistiquement d’abord. Le Maroc est sans conteste un musée à ciel ouvert, avec ses sites historiques, héritage du rayonnement bérbèro-arabo-andalou. Le pays représente ce que l’imaginaire occidental conçoit comme la beauté orientale. Les cinéastes y trouvent des milliers de sujets et de paysages. Tourner au Maroc, c’est un peu perpétuer l’œuvre de Martin Curtiz et de son légendaire «Casablanca».
Le Maroc est un « beau produit » et nos voisins ne sont pas les derniers quand il s’agit de marketter. Le marketing du produit Maroc se fait de manière plus soutenue depuis l’avènement de MVI, et repose sur une stratégie à deux axes. En parallèle à une approche touristique pure – Tours operators, hôtels, activités – il s’agit aussi de promouvoir une image, un concept de ce que serait le Maroc selon ses promoteurs, un havre de paix pour les touristes et les investisseurs. Quoi de mieux que le cinéma ?
Alors, on crée des événements, des festivals. Le plus connu étant celui de Marrakech, se déroulant en chaque mois de décembre, au meilleur de la saison touristique. Ce festival n’a sans doute aucune valeur ajoutée au Cinéma en tant qu’art, mais participe pleinement à la promotion de la ville hôte et du pays qu’elle représente. La présence de stars mondiales dans la ville ocre, relayée par la presse et les médias, donnent cette image d’un pays paisible, beau et ouvert.Voilà pour la Partie rêve, mais Il faut aussi faire du business.
La Bataille de l’attractivité est aussi cinématographique
Depuis plusieurs années, le Maroc multiplie les initiatives pour attirer le maximum de tournages sur son sol. C’est un apport en devise non négligeable et un secteur créateur d’emplois certain. Le nombre croissant de tournages qui s’y déroulent chaque année (Long et Court métrages, clip et documentaires) ont rapporté quelque 280 millions de dirhams (3,4 milliards de dinars) qui ont été investis par les étrangers en 2016.
C’est le Centre cinématographique marocain, le CCM (1), qui dirige l’action. Vénérable institution datant de 1944 et dépendant du ministère de la Communication, elle est dirigée depuis peu par Sarim Fassi-Fihri. Ce dernier est l’un des plus grands producteurs marocains en exercice, il est aussi propriétaire d’un des grands studios de tournage du pays, CINEDINA. Un chef d’entreprise privée à la tête d’un organisme public, cela ferait crier ailleurs, mais pas au royaume, où l’on confie la direction de l’action publique à ceux qui ont fait leurs preuves dans le privé, et tant que ça marche, on ne se soucie pas trop d’éventuels conflits d’intérêt.
Revenons à l’action. Depuis qu’il est à la tête du CCM, M. Fassi-Fihri est le grand promoteur de la destination Maroc, auprès des grands Studios mais aussi auprès des autorités. Sa dernière victoire est l’adoption par le gouvernement (inscrit dans la loi de finances 2016 et promulgué en juillet 2017) du remboursement de 20% des frais de tournage au Maroc. Ces frais sont toutes les dépenses effectuées au Maroc et en Dirhams, pour les productions dont le budget dépasse les 10 millions de dirhams (120 millions de Dinars).
Ce décret est censé attirer les investissements étrangers dans le cinéma, mais aussi la création de filiales locales, et permettre au pays de se placer dans la course de la région MENA, dans laquelle on retrouve La Jordanie (2) ou la Tunisie (3) qui sont dotés d’arguments qu’ils font valoir. Les incitations financières ne sont pas les seuls atouts du Maroc. Depuis quelques années, le pays s’est doté de studios de tournage de niveau mondial à Ouarzazate et à Casablanca, fruits d’investissements étrangers ou marocains. S’ajoute à cela l’expérience qu’accumulent les différents professionnels locaux dans la production cinématographique et les autorités civiles et militaires qui fournissent des aides humaines et matérielles substantielles, voire extraordinaire, comme en 2014 ou une partie de l’autoroute Marrakech-Agadir fut fermée pendant deux semaines pour les besoins du tournage de Mission Impossible 5.
Une industrie naissante mais menacée
Pourtant, des voix s’élèvent et s’inquiètent. Celles-ci dénoncent une industrie cinématographique tournée vers l’export, les productions nationales ne profitant pas de l’embellie. Elles restent souvent élitistes ou confidentielles, avec des entrées en régression et une tendance à la baisse du nombre de tournage de films marocains.
En effet, le pays souffre comme ses voisins du Maghreb d’un manque de salles de cinéma et une industrie de DVD pirate florissante, empêchant l’émergence d’un marché qui rétribuerait les créateurs.
D’autre part, d’autres s’inquiètent de l’intrusion de la politique dans le 7ème art, qui aurait nuit à l’image d’ouverture que veut véhiculer le pays, à l’image des polémiques sur la censure de « Much Loved » de Nabil Ayouch, ou la censure partielle de EXODUS de Ridley Scott en 2014. Ces incidents ont non seulement porté atteinte aux œuvres cinématographiques mais ont également écorné l’image de tolérance qui est censée garantir la liberté de création.
Sources :