Il y’a quelques jours, MM. Elalamy père et fils occupaient le devant de la scène médiatique marocaine. Bien que les raisons aient été différentes, l’intérêt de la presse révèle une attraction à la dimension familiale très marocaine. Petit portrait.
Commençons par le père. Moulay Hafid Elalamy alias MHE. Il y’a quelques jours, il signait avec le groupe chinois Haite pour la création d’une cité industrielle au nord du Maroc, non loin de Tanger Med. 10 milliards de dollars seront investis sur 10 ans avec 100.000 emplois créés pour le développement de la «Cité Mohammed VI Tanger Tech». Le but étant d’attirer des compagnies chinoises et leur savoir-faire dans la région, pour dynamiser l’industrie automobile et aéronautique qui s’y développe depuis quelques années. Ce « dynamisme » est à mettre en partie au bénéfice de MHE. Reconduit sans surprise dans le nouveau gouvernement El Othmani, il reste à la tête d’un super ministère taillé sur-mesure, regroupant l’Industrie, le Commerce, l’Investissement et l’Économie numérique. Son bilan est brillant ou mitigé, selon si on voit le verre a moitié vide ou a moitié plein.
Son Plan d’accélération Industrielle (PAI 2014-2020) repose sur un modèle d’écosystèmes par secteurs, selon lequel un géant industriel mondial est incité à s’installer au Maroc, géant qui attirera à son tour tout un réseau de fournisseurs et de sous-traitants, le tout sera regroupé dans une zone franche ou une région définie, moyennant des incitations fiscales et des conventions d’emplois et de formation. La liste n’a pas de quoi faire rougir les firmes internationales. Siemens, PSA, Boeing, Renault et récemment les chinois Haite, s’installent au Maroc avec une couverture médiatique que MHE maitrise d’une main de maître. Ceci pour le verre a moitié plein.
Pour le verre a moitié vide, et malgré le déluge d’annonces, les milliers d’emplois et de millions de dollars d’investissement, le Plan de M. Elalamy repose selon ses détracteurs sur des exonérations fiscales trop généreuses et le pari sur une main d’œuvre à bas coût, élément qui ne peut pas être un avantage compétitif durable. Par ailleurs, le Maroc continue de souffrir d’un chômage chronique à près de 10%, et d’une balance commerciale largement déficitaire à plus de 16 milliards de Dollars.
Mais MHE n’est pas homme à se laisser impressionner par la critique. Comme Donald J. Trump, son parcours d’homme d’affaires qui a réussi plaide pour lui et c’est pour cela qu’on l’a choisi pour mener à bien l’industrialisation du Maroc.
Tout comme ses collègues du RNI, il fait partie de cette classe d’hommes d’affaires qui font de la politique, sans vraiment en faire dans le sens idéologique du terme. Il leur est demandé de faire réussir l’économie marocaine tout comme ils ont fait prospérer leurs propres affaires, et personne ne veut s’encombrer d’éventuels conflits d’intérêts.
Faisant partie des grandes fortunes du royaume (la sienne est estimée à plus de 650 Millions de dollars) Moulay Hafid Elalamy est président de Saham, groupe qu’il a fondé en 1995 et a su faire grandir depuis 22 ans. Avec un Chiffre d’affaires dépassant le milliard de dollars, le groupe s’est diversifié et ses activités vont de l’offshoring à l’Education et la Santé mais c’est surtout l’Assurance qui constitue l’activité phare et cœur de métier du groupe. Et c’est à la tête de Saham Assurance que Moulay M’hamed Elalamy, le fils, a été propulsé comme directeur Général exécutif en février dernier.
Le fils «sur les rails pour succéder au père»
Présentant les résultats de l’exercice 2016, La presse n’a pas tari d’éloges sur le fils Elalamy : elle l’a trouvé «charmeur», à «l’aise» malgré ses 27ans, ayant «réussi un exercice périlleux» et «sur les rails pour succéder au père». En somme, un autre coup médiatique de la part de MHE : le fils est certes l’héritier, mais il doit prouver qu’il a les qualités pour succéder à son père. Il faut prouver que Saham est bien plus qu’un groupe familial et qu’il sera à la hauteur pour gérer la branche assurance.
C’est justement la lourde tâche qu’attend Elalamy fils. Il succède à Ahmed Mehdi Tazi, ayant démissionné en Janvier 2017 à la suite de l’annonce d’un redressement fiscal gigantesque de 130 millions de Dirhams – environ 12 millions d’Euros. Cette charge fiscale vient grever le bénéfice net de Saham Assurance qui baisse de 17% en 2016. Une baisse qu’un groupe comme Saham ne peut supporter, car coté à la bourse de Casablanca, il ne doit pas décevoir les prestigieux investisseurs qu’il compte dans son tour de table comme Wendel, Bertelsmann ou Abraaj Capital.