La demande mondiale pour le pétrole brut produit par l’Opep restera sous pression au cours des prochaines années, conclut un rapport interne à l’organisation qui devrait alimenter les débats entre pays membres sur le bien-fondé de continuer à défendre les parts de marché en favorisant la baisse des cours.
Ce projet de rapport sur la stratégie à long terme du cartel, que Reuters s’est procuré, prévoit que l’offre de brut de l’Opep — dont l’objectif de production reste fixé à 30 millions de barils par jour (bpj) — devrait légèrement reculer jusqu’en 2019 par rapport à son niveau de cette année, sauf ralentissement plus rapide qu’attendu de celle des producteurs rivaux, dont font partie les Etats-Unis et la Russie.
Ce rapport de 44 pages estampillé « CONFIDENTIEL » inclut une annexe dans laquelle figurent des commentaires de deux pays membres, l’Algérie et l’Iran, proposant un retour de l’Opep à sa stratégie antérieure de soutien aux cours via l’ajustement de l’offre.
Téhéran recommande ainsi de « conclure un accord sur un prix du pétrole juste et raisonnable pour les six à douze prochains mois » et de fixer un plafond de production pour l’Opep révisable tous les six à douze mois.
Les ministres des pays de l’organisation doivent se réunir le 4 décembre à Vienne pour décider d’une éventuelle prolongation de la stratégie actuelle, qui vise à faire baisser les cours pour pénaliser l’offre des pays dont les coûts de production sont supérieurs à ceux de l’Opep.
Depuis l’adoption de cette stratégie en novembre de l’an dernier, la production du cartel a augmenté mais la baisse des cours s’est accentuée, plombant les recettes pétrolières des pays membres.
Le rapport prévoit une lente remontée des prix au cours des prochaines années avec un cours moyen du panier Opep à 55 dollars cette année et une hausse de cinq dollars par an qui le porterait à 80 dollars en 2020.
Hausse de la part de marché à très long terme
L’Arabie saoudite, soutenue par d’autres riches Etats producteurs du Golfe, défend la stratégie actuelle et n’entend pas la modifier, estimant qu’elle constitue une politique appropriée à long terme.
Le projet de rapport conforte le scénario selon lequel cette politique finira par profiter à la part de marché de l’Opep en faisant baisser la production de pétrole de schiste et de gaz naturel liquéfié à partir de 2020.
« Avec l’évolution de l’offre non-Opep, celle de brut de l’Opep devrait monter à long terme, pour atteindre 40,7 millions de bpj en 2040. De plus, la part du brut Opep dans l’offre mondiale en 2040 serait de 37%, au-dessus de son niveau actuel, qui est d’environ 33% », précise le rapport.
A très long terme, les auteurs du rapport prévoient un cours du baril nominal de 162 dollars, soit l’équivalent de 95 dollars de 2014.
Le document inclut toutefois un graphique illustrant un scénario dans lequel l’offre non-Opep résisterait mieux, soulignant ainsi l’incertitude sur l’évolution future de la demande pour le brut de l’Opep.
« La production de brut de l’Opep, dans ce scénario, atteindrait son point bas à 28,7 millions de bpj en 2023 », précise-t-il.
« La différence qui en résulterait pour le brut de l’Opep en 2040 équivaudrait à 9,4 millions de bpj, ce qui souligne les défis pour décisions d’investissement à long terme des pays membres. »
L’Opep publie tous les cinq ans un rapport stratégique à long terme. Celui de 2010 ne présentait pas le pétrole de schiste comme un concurrent sérieux pour le brut de l’organisation.
Le rapport à long terme, rédigé par les services de recherche de l’Opep à Vienne, précise généralement qu’il ne préjuge pas de la position officielle de l’organisation, ni d’aucun de ses pays membres.