Les partis politiques au Maroc, où sont produits plus de 30.000 tonnes de cannabis en moyenne chaque année, veulent légaliser par un débat parlementaire la culture de cette plante. A des fins (politiques) inavouées.
Dans son rapport 2014, l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) rapporte que le Maroc »reste toujours le premier producteur de résine de cannabis sur le continent et l’un des premiers au monde, même s’il semble, d’après certaines informations, que la production y soit en recul ». Plus que jamais, la culture et la commercialisation du cannabis sont au devant de l’actualité au Maroc, un pays pointé du doigt par les européens comme étant le principal fournisseur des réseaux de contrebande. L’OICS relève que 42 % du cannabis dans le monde est produit au Maroc, alors que près de 72 % du haschich confisqué l’année dernière provient de ce pays. Le commerce illicite du cannabis rapporte en moyenne 10 milliards d’euros chaque année aux réseaux de trafiquants, et moins de 8000 dirhams par mois aux cultivateurs, concentrés dans les régions du Rif. Globalement, il y aurait plus de 800.000 familles qui vivent directement ou indirectement de la culture du cannabis, selon des rapports de l’organisation des Nations-Unies contre le crime et la drogue (ONUDC), qui n’a plus été autorisée depuis 2003 par les autorités marocaines à effectuer ses enquêtes sur la culture de cette plante. Dès lors, les spécialistes de la lutte contre la production et le trafic de drogues travaillent à partir d’estimation sur la base des saisies, notamment en Europe, et au Maghreb, ainsi que qu’en Egypte.
Maroc: Faut-il légaliser le cannabis ?
En 2013, les producteurs marocains de cannabis ont atteint le volume de 38.000 tonnes et 760 tonnes de cannabis transformé en résine (kif). Officiellement, la production marocaine de cannabis s’étale sur un peu plus de 47.000 hectares, principalement dans les montagnes du Rif. La France, l’Espagne et l’Europe en général sont les premiers marchés des trafiquants marocains, l’Algérie étant devenue selon des experts, une zone de transit du fait de la sévérité des contrôles douaniers et policiers aux frontières maritimes du Royaume. Au Maroc, pourtant, le débat est ailleurs. A l’approche des élections locales et législatives de septembre 2016, plusieurs partis, ceux de l’opposition comme ceux de la majorité loin de ces chiffres alarmants, les partis politiques marocains veulent positiver sur la culture du cannabis qui fait vivre plus d’un million de familles marocaines des régions pauvres du Rif. Ces partis, dont le PJD (au pouvoir) n’hésitent plus à demander officiellement la légalisation de la culture du cannabis et l’instauration d’un débat parlementaire. L’Istiqlal, le plus vieux parti politique marocain, a déjà proposé fin 2013 un projet de loi dans ce sens, suivi et soutenu dans cette démarche par le PAM (Parti de l’Authenticité et de la Modernité), qui a même approché et sensibilisé les producteurs du Rif.
De la chira aux crèmes, le cannabis dans tous ses états
La proposition de loi de l’Istiqlal voudrait que la culture du cannabis soit limitée à cinq régions : Al Hoceima, Chefchaouen, Ouazzane, Tétouan et Taounate, alors qu’une agence étatique devrait se charger de contrôler l’exploitation et la commercialisation. Ce projet de loi, introduit par le groupe parlementaire de l’Istiqlal, reprend dans ses grandes lignes la proposition du collectif marocain pour l’usage médical et industriel du Kif (CMUMIK), en fait une législation qui, tout en sanctionnant le trafic de drogue, autorise l’exploitation du Kif à des fins médicales et industrielles (médecine, cosmétiques, …). L’idée de l’Istiqlal est reprise par le Parti de l’Authenticité et de la Modernité de Fouad Ali El Himma, ancien ministre délégué à l’intérieur, proche du Roi. A l’hiver 2014, les deux partis ont organisé deux grandes rencontres à Bab Brerred, dans le Rif, auxquelles avaient assisté plus de 1.000 producteurs de cannabis. Objectif : fédérer ces ‘’agriculteurs’’ en coopératives de production dans la perspective de la légalisation de cette culture, et les soustraire à la loi, pour ne plus être persécutés par les services de sécurité. Avec l’objectif cependant d’avoir les voix de ces cultivateurs lors des prochaines élections.