Outre un conflit de compétences entre le ministère des Transports et le ministère des Travaux publics, un désaccord se fait jour sur le l’emplacement de cette nouvelle grande infrastructure portuaire : Gouraya ou Ténès.
Au plaidoyer de l’ex-ministre des Transports, Amar Tou, en 2013 sur la nécessité d’un port de grande envergure entre Dellys, à l’est d’Alger, et Ténès, à l’ouest, beaucoup se sont interrogés sur l’opportunité d’une telle infrastructure. D’autres, au contraire, estiment qu’il soulagerait le port d’Alger, saturé. Le départ de Amar Tou a quelque peu ralenti ce projet, mais l’étude de réalisation fait son petit bonhomme de chemin.
Tout a été relancé mardi 4 novembre, avec l’annonce du Premier ministre au sujet de la réalisation de ce port entre Cherchell et Ténès. « Le nouveau port d’Alger, qui s’étendra sur une superficie de plus de 1.000 hectares, sera réalisé en eaux profondes, dans la zone située entre Cherchell (wilaya de Tipaza) et Ténès (wilaya de Chlef) », avait indiqué Abdelmalek Sellal, selon qui ce projet sera essentiellement financé par la Société de gestion des participations des ports (SGP-Sogeports).
Le ministère des Transports a déjà lancé, au cours du 1er trimestre 2014, un appel d’offres national et international restreint pour l’étude de la recherche d’un site pour ce nouveau port commercial. Selon Abdelkrim Rezal, directeur des études au ministère, »les capacités du port d’Alger, la plus importante infrastructure portuaire du pays, vont arriver un jour à saturation ; c’est pourquoi les pouvoirs publics ont envisagé la création d’un Greenfield port, un espace ouvert loin de la ville ». « On cherche un lieu ouvert avec la possibilité de faire des extensions des côtés terre et mer », a-t-il ajouté.
La réalisation d’un nouveau port avec un grand tirant d’eau permettra l’accostage de navires de gros tonnage. Actuellement, les marchandises destinées à l’Algérie sont transbordées notamment aux ports de Giatora (Italie) et celui d’Algesiras (Espagne) car la profondeur des eaux dans la plupart des ports algériens ne dépasse pas 11 mètres, selon des experts maritimes.
Gouraya ou Ténès ?
Selon une source portuaire à Alger, il y a un conflit de compétences entre le ministère des Transports et celui des Travaux publics. »Le ministère des Travaux publics veut conduire l’étude de réalisation de ce port et tout le projet, alors que le ministère des Transports a déjà mis en route une étude de faisabilité. Il y a des arbitrages qui doivent être faits », a précisé la même source sous couvert d’anonymat.
Au ministère des Transports, l’étude de réalisation penche pour la ville côtière de Gouraya, à quelque 40 km à l’ouest de Cherchell. Une ville qui a déjà un port de pêche mais qui a l’inconvénient de n’être desservie que par une étroite route nationale et a le dos aux montagnes du Dahra, autant de caractéristiques géographiques loin des spécificités requises pour une telle infrastructure portuaire. Autre facteur négatif, la région n’est pas totalement débarrassée des groupes terroristes qui se terrent dans les montagnes du Dahra.
Au sein des milieux portuaires à Alger, on murmure que le choix de Gouraya serait lié au fait que le secrétaire général actuel du ministère des Transports est originaire de cette ville. »Il est dans l’ordre logique des choses qu’il privilégie son village », estime un cadre au fait du dossier.
L’autre choix devrait être celui du port de Ténès, près du cap éponyme, qui offre l’avantage d’être en eaux profondes et qui a déjà l’infrastructure de base requise, notamment le réseau routier, et sa proximité avec l’autoroute est-ouest et le réseau ferroviaire à partir de Chlef (58 km), en attendant la réalisation de l’autoroute Ténès-Tissemsilt, en passant par la ville de Chlef. Des atouts techniques qui devraient être pris en compte, estime-t-on dans les milieux portuaires à Ténès.
Un projet qui ne fait pas l’unanimité
Le projet de nouveau port dans la région centre a ses partisans et ses adversaires. Pour un expert de Naschco, une filiale de la Compagnie nationale algérienne de navigation (CNAN), il »ne peut qu’être bénéfique pour l’économie nationale ». Il recommande, pour cette infrastructure, l’amélioration des aires de stockage et des voies de circulation rapide. Un responsable au sein de l’entreprise portuaire de Ténès (EPT), a déclaré à Maghreb Emergent que ce projet décongestionnerait les structures portuaires du centre du pays, non sans relever que l’avis d’appel d’offres lancé par le ministère des Transports est biaisé : pourquoi à l’est de Ténès (entre Damous et Ténès), qui est une zone de montagnes, de relief accidenté, au lieu de l’ouest de Ténès, avec des accès faciles à la mer ? » s’est-il interrogé.
Le désengorgement des ports commerciaux ne demande pas nécessairement la réalisation de nouveaux ports ou de ports à sec, mais une exploitation plus rationnelle de ceux existants, a expliqué Said Tefili, un expert en management portuaire. Selon lui, les wilayas du centre totalisent à elles seules 4.000 hectares, soit environ 40 km2 de ports à sec, de magasins et d’aires de transit temporaire : » Si on ajoute ces espaces aux capacités du port d’Alger, 244 hectares, on aura le plus grand port au monde ! Ce n’est pas un problème d’espace mais de gestion des flux de marchandises. »
L’Algérie compte actuellement dix ports commerciaux dont neuf datent de l’époque coloniale : Alger, Annaba, Arzew (Oran), Bejaïa, Djendjen (Jijel), Ghazaouet (Tlemcen), Mostaganem, Oran, Skikda et Ténès (Chlef).