« Marquée dès l’origine par le rapport colonial, l’application de la loi de 1905 à l’islam est restée, depuis, dans une sorte de régime d’exception » estime-t-elle dans un rapport publié mercredi. Ce document propose que les mosquées en France puissent être financées par des contributions des fidèles.
La fondation Terra Nova a publié mercredi un rapport intitulé « L’émancipation de l’islam de France ». Le texte préconise d’intégrer au moins deux nouvelles dates importantes dans le compte des jours fériés, dont l’Aïd-el-Kébir. Il plaide aussi pour la création de mosquées de proximité.
Dans son introduction, le rapport rappelle que le 3 juillet 1924, « l’Emir Khaled, petit-fils du fameux Emir Abd-el-Kader, écrivit au président du Conseil nouvellement élu, Edouard Herriot, pour lui demander l’application au culte musulman de la loi de séparation des cultes et de l’Etat ». Cette demande venue d’Algérie resta sans réponse, comme, par la suite, les demandes envoyées au général de Gaulle par l’Association des oulémas réformateurs algériens en 1943 et 1944. En effet, l’extension des dispositions de la loi de 1905 aux trois départements algériens, prévue par un décret de 1907, ne fut jamais mise en œuvre, est-il ajouté.
« Marquée dès l’origine par le rapport colonial, l’application de la loi de 1905 à l’islam est restée, depuis, dans une sorte de régime d’exception. Le contentieux historique de la colonisation et le souvenir des violences de la guerre d’Algérie ne pèsent pas seuls sur les mémoires contemporaines. Au-delà du seul cas algérien, aussi emblématique soit-il, c’est tout un rapport complexe de paternalisme d’Etat, d’habiletés juridiques et de méfiance culturelle avec lequel nous nous débattons », ajoute le rapport de Terra Nova.
Le document souligne qu’aujourd’hui, « nous n’avons pas seulement à rattraper le temps perdu mais aussi à surmonter les préjugés et les malentendus issus de cette longue surdité ». « Nous plaidons pour la création de mosquées de proximité », ajoute-t-il.
Pour Terra Nova, il convient de favoriser le financement de la construction des mosquées par les fidèles eux-mêmes car il manque actuellement environ un millier de lieux de culte en France pour que les fidèles pratiquent dans des conditions décentes. Et de citer l’exemple avorté de la grande mosquée de Marseille au budget trop lourd pour la communauté des fidèles… Avec un budget aussi important, le projet n’était possible qu’avec l’aide d’un Etat étranger, ce qui a, comme il était prévisible, compliqué le processus et finalement conduit à l’échec.
Le rapport indique clairement : «Nous n’avons pas besoin de mosquées cathédrales, qui coûtent très cher et pour lesquelles il est difficile de mobiliser des financements. Nous plaidons pour la création de mosquées de proximité, qui coûtent moins cher, et dont la taille peut être adaptée à la démographie de la communauté musulmane considérée. »
Sur un autre chapitre, il est indiqué que « le cas des fêtes religieuses montre bien l’ambiguïté de la neutralité française, une neutralité marquée par l’héritage chrétien ». Sur les onze jours fériés officiels en France, quatre sont liés à des fêtes chrétiennes ou catholiques (Ascension, jeudi de Pentecôte, Assomption de la Vierge, Noël), deux sont des lundis chômés suivant des fêtes religieuses chrétiennes (lundi de Pâques et lundi de Pentecôte). « Aucun ne concerne les fêtes solennelles des autres religions », note la Fondation, qui dénonce la « situation d’une République laïque qui garde des traces de l’organisation catholique des temps collectifs, sans que ces grands moments ne correspondent, pour la grande majorité des Français, à des fêtes religieuses ».
Les jours fériés retenus, reconnaissant le pluralisme religieux et qui seraient bien des jours fériés nationaux, pourraient être l’Aïd-el-Kébir – qui célèbre le sacrifice d’Abraham par des abattages rituels – et le Kippour (jour du grand pardon). Ils remplaceraient les deux lundis fériés qui « ne correspondent à aucune solennité particulière ».
Le rapport envisage également la promotion de la création d’une faculté de théologie musulmane à l’université de Strasbourg. Le régime concordataire maintenu en Alsace et Moselle concerne les cultes dits reconnus (église catholique, église réformée et luthérienne, judaïsme). En tant que culte non reconnu, l’islam ne bénéficie pas du financement public pour rémunérer les imams mais les collectivités locales sont libres de financer les édifices de culte.
De même, le document de Terra Nova estime nécessaire le réajustement des effectifs des aumôniers musulmans dans les aumôneries pénitentiaires et hospitalières. Ses rédacteurs s’appuient sur la garantie de l’exercice des cultes prévue dans la loi de 1905 sur la laïcité pour justifier cette dernière demande.