Réviser les subventions, les remplacer par des dispositifs plus ciblés, plus adaptés. Naji Benhassine, du collectif Nabni, prône une révision de fond de formes d’aide de l’Etat aux plus vulnérables.
La subvention occupe une place centrale dans la réforme économique. FMI et Banque Mondiale ont été, pendant longtemps, présentés comme des monstres, soucieux de limiter de manière drastique les dépenses de l’Etat dans les pays en crise, pour imposer la rigueur budgétaire et affamer les pauvres. Dans un pays à tradition populiste comme l’Algérie, le sujet est extrêmement sensible. Il demeure porté, sur le plan idéologique, par des partis d’extrême gauche, comme le Parti des Travailleurs de Mme Louisa Hanoune, et le Parti socialiste des Travailleurs (PST). Il est aussi mis en œuvre par la bureaucratie traditionnelle, ainsi que par des partis qui, comme le FLN, ont démissionné sur le pan des idées.
La contestation de la subvention dans sa forme traditionnelle est, quant à elle, désormais portée par de nouveaux courants, plus innovants, qui remettent en cause la méthode, non les objectifs affichés par le soutien des prix. En Algérie, la subvention a connu une véritable dérive. Elle « n’est ni juste, ni efficace », affirme M. Naji Benhassine, du collectif Nabni. M. Benhassine cite son propre cas. « Ce matin, j’ai mis un plein d’essence à 1.000 dinars. Concrètement, cela veut dire que le gouvernement m’a donné un chèque de 4.000 dinars, qui représente la valeur de la subvention du carburant », dit-il. « Pourtant, ajoute-t-il, je ne fais pas partie des couches qui ont besoin de subvention ».
Adapter l’aide, pas la supprimer
Pourtant, il ne s’agit pas de supprimer l’aide de l’Etat aux plus vulnérables. Il faut simplement l’adapter, rétablir le côté ajustement, tout en faisant en sorte qu’elle ne déstructure pas l’économie et n’altère pas l’efficacité économique, souligne M. Benhassine. C’est un coup de pouce aux plus vulnérables, pas à des produits consommés par tout le monde, ou par des gens appartenant à des couches aisées, comme le carburant. C’est donc la méthode qui est contestable, non l’idée de subvention.
La révision doit aussi être menée par petites touches, sans remous, si possible. Elle doit être accompagnée de nouvelles mesures de soutien aux plus vulnérables, par le biais de dispositifs plus complexes, et plus difficiles à élaborer. « On a entre cinq et sept ans pour mettre en place le dispositif nécessaire, car cela demande du temps », dit-il.
De plus, les subventions actuelles ne sont pas soutenables sur le long terme. Elles sont coûteuses, et génèrent des gaspillages énormes. Le trafic de carburant aux frontières en est l’exemple le plus connu. On ne sait même pas à combien s’élèvent les pertes et les gaspillages.
Manque de transparence
M. Benhassine déplore d’ailleurs que l’impact des subventions, comme tout le reste de l’économie, ne soit pas mesuré avec précision, en raison du manque de transparence de l’économie algérienne. « Il y a peu de chiffres, peu de données », dit-il. Il affirme qu’il y a pourtant « nécessité de rendre publiques les données, comme celles du plan quinquennal, pour pouvoir évaluer ce qui a été fait ». Il se demande d’ailleurs « ce qu’il y a dans le plan quinquennal », afin qu’on puisse savoir comment est dépensé l’argent public,sur quels résultats il débouche, et en évaluer l’efficacité.
C’est l’un des principes phares défendus par Nabni, et développé par M. Benhassine : le principe selon lequel tout responsable doit rendre compte de sa gestion. Par souci de contrôle, mais aussi par souci économique, car savoir où va l’Algérie, ce qu’il a produit, permet de prendre les bonnes décisions en matière d’investissement et d’utilisation de l’argent. Inutile de dire que l’Algérie fait l’inverse.