La présente contribution analyse les raisons de la baisse du cours des hydrocarbures, et ses impacts sur le prix de cession du gaz qui est indexé sur le cours des hydrocarbures. Il est coté le 21 février 2016 à 1,8 dollars le MBTU contre 4/5 dollars il y a de cela une année. Le gaz représente plus de 33% de la valeur des recettes de Sonatrach qui irrigue l’ensemble de l’économie algérienne.
Attention aux analyses euphoriques qui induisent en erreur les autorités du pays. Les bourses n’ont pas réagi positivement à l’entente Venezuela, Qatar, Russie, Arabie Saoudite puisque le cours du baril du Wit a été coté à 31,95 dollars le Wit et 33,10 dollars le Brent avec un cours dollar/euro 1,112 dollar un euro. A un cours inférieur à 1,10 dollar un euro, le Wit se coterait à 29 dollars le baril et le Brent à 31 dollars (1). Etant entendu que le niveau des réserves se calcule en référence au coût, au vecteur prix international et de la concurrence des énergies substituables pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables
1.-Premièrement, le ralentissement des pays émergents, le Brésil-Inde et surtout de la Chine se répercute sur toute l’économie mondiale. La décision récente de la dévaluation de la monnaie chinoise peut être le signe précurseur d’une très grave crise mondiale future. Dans la mesure où l’on ne s’est pas attaqué aux fondamentaux de la crise à savoir la suprématie de la sphère financière spéculative sur la sphère réelle, la distorsion entre la dynamique économique et la dynamique sociale. A ce déséquilibre offre/demande, s’ajoute la surproduction par rapport à la demande où existe un écart de plus de 2 millions de barils, l’OPEP dépassant largement son quota de 31,5 millions de barils/jour.
Deuxièmement, l’introduction du gaz/pétrole de schiste américain qui bouleverse toute la carte énergique mondiale, a fait passer la production américaine de pétrole de 5 millions de barils/jour à plus de 10 actuellement.Le Congres américain a décidé récemment d’autoriser les exportations notamment vers l’Europe. Avec les dernières découvertes technologiques aux USA, (le fondement de tout développement étant l’économie de la connaissance ), le cout plancher moyen pour le pétrole gaz-schiste, contredisant les prévisions de certains experts qui avaient prédit un coût croissant, éliminant bien entendu les gisements marginaux, et pour les grands gisements un cout plancher entre 25/40 dollars . A cela, s’ajoutent les nouvelles mutations énergétiques mondiales, la réduction de plus de 50% du coût des énergies renouvelables- qui à horizon 2020 pourront devenir rentables grâce aux économies d’échelle-, sans compter le charbon avec le recyclage du CO2 dont les réserves mondiales dépassent les 200 ans, le grand boom attendu étant l »hydrogène horizon 2030 qui bouleversera la carte énergétique mondiale
Troisièmement, les rivalités au niveau de l’OPEP bien que cette organisation ne représente que 33% de la production mondiale commercialisée. L’Arabie Saoudite est le seul pays producteur au monde actuellement qui est en mesure de peser sur l’offre mondiale, en relation avec la stratégie des USA (n’existant pas de rivalités stratégiques) déterminant le prix plancher. Cette baisse des prix rentre dans le cadre d’enjeux géostratégiques notamment pour affaiblir la Russie et sert les intérêts stratégiques des États-Unis et de l’Arabie saoudite, assure Thomas Friedman dans le New York Times. L’Algérie, représente moins de 2% du quota OPEP, 0,7% des réserves mondiales de pétrole (10 milliards de barils) , et moins 2% de gaz naturel(données officielles du gouvernement algérien 2700 milliards de mètres cubes gazeux selon le conseil des ministres tenu en 2015). L’on va vers l’épuisement du fait de la forte consommation intérieure et des subventions généralisées source de gaspillage. Je ne parlerai pas du Venezuela qui est en semi faillite, la dette extérieure dépassant les 70% de son PIB et ses réserves de change moins de 15 milliards de dollars.
Quatrièmement, la stratégie expansionniste russe à travers le géant Gazprom, qui a toujours profité de la baisse du quota OPEP pour prendre des parts de marché. Et ce, à travers les nouvelles canalisations, le North et le South Stream (gelé temporairement) approvisionnant l’Europe (125 milliards de mètres cubes gazeux). La Russie a besoin de financement,(pompe plus de 10 millions de barils jour ). Les tensions en Ukraine n’ont en rien influé sur ses exportations en Europe où sa part de marché a été de 30% entre 2013/2014 et investissant récemment pour le marché asiatique à travers les canalisations. La Russie et l’Iran, malgré des discours diplomatiques, privilégieront dans un proche avenir leurs intérêts propres.
Cinquièmement, du retour probable sur le marché de la Libye pouvant aller vers plus de 2 millions de barils/jour, de l’Irak avec 3,7 millions de barils jour (deuxième réservoir mondial à un coût de production inférieur à 20% par rapport à ses concurrents) pouvant aller vers plus de 8 millions de baril jour et surtout l’Iran, qui déversera à court terme plus d’un million de barils jour et pouvant aller jusqu’à cinq millions de barils jour d’exportation dès 2017/2018. L’Iran qui verra ses avoirs débloqués entre 60/ 100 milliards de dollars. L’Iran possède 160 milliards de barils de pétrole et 34.000 milliards de mètres cubes gazeux traditionnels (2ème réservoir après la Russie) a besoin de financement pour reconstruire son économie totalement dévastée et qui ne respectera vraisemblablement pas son quota, idem pour l’Irak et la Libye. Signalons. Par ailleurs, les nouvelles découvertes dans le monde en Afrique, en Amérique latine, en Asie, notamment en offshore en Méditerranée orientale, 20.000 milliards de mètres cubes gazeux explique en partie les tensions au niveau de cette région, et le Mozambique qui pourrait être le troisième réservoir d’or noir en Afrique ce qui accroître l’offre.
Sixièmement, les perspectives, horizon 2017-2020 ont pour objectif stratégique de renforcer l’efficacité énergétique grâce à une transition énergétique maîtrisée, avec d’importantes résolutions lors de la rencontre de la COP21 à Paris sur le réchauffement climatique notamment dans le bâtiment et le transport. Le réchauffement climatique selon un rapport récent de la CIA est une menace pour l’humanité, pire que le terrorisme, expliquant la position officielle actuelle du président américain et ce dès 2030 qui implique une économie d’énergie d’environ 20% horizon 2020 et 30% horizon 2030. Les tendances sont à un nouveau modèle de consommation énergétique car si la Chine et l’Inde avaient le niveau de vie et le même modèle de consommation actuel que l’Europe et les USA, il faudrait selon les spécialistes trois à quatre fois la planète actuelle, l’avenir de l’humanité. (Voir mon intervention au Sénat français à l’invitation de mon ami Jean ¨Pierre Chevènement -décembre 2014 sur la transition énergétique). Aussi une nouvelle division et spécialisation internationale avec la concentration de l’industrie manufacturière en Asie (Chine/ Inde approchant 3 milliard d’habitants) nécessitera un nouveau modèle de consommation énergétique, reposant sur un bouquet énergétique dont les énergies fossiles classiques.
Septièmement, l’occupation par les terroristes de champs pétroliers et gaziers et les écoulements au marché noir notamment en Irak pour un baril entre 30/40 dollars.
Huitièmement, l’évolution des cotations du dollar et l’euro, toute hausse du dollar, bien que n’existant pas de corrélation linéaire, pouvant entrainer une baisse du prix du baril. La décision de la FED de faire remonter le taux d’intérêt US aura certainement un effet négatif sur le cours
2.-Il s’agit d’analyser sans passion et avec objectivité les impacts de l’entente Russie Arabie Saoudite-Qatar et Venezuela devant tenir compte de la stratégie des USA et de leur entente avec l’Arabie Saoudite. Cette entente Arabie Saoudite/Russie est contre nature car concurrentielles. Il y aura lieu de tenir compte du relèvement du taux de la FED qui aura un impact décroissant sur le cours du pétrole, de la production de la Norvège de l’entrée de l’Iran, de la forte probabilité de l’accroissement de la production de l’Irak, de la Libye et de l’entrée d’autres pays notamment en Afrique des importantes découvertes en méditerranéen orientale. Et surtout il s’agit d’analyser les différents scénarios de l’évolution de la croissance de l’économie mondiale, le FMI prévoyant le risque d’une bulle financière horizon 2017/2018, et notamment des USA, de l’Europe et des pays émergents dont la Chine, croissance en berne (35/40% de la consommation de matières premières, l’Inde, le Brésil, l’Argentine et du futur modèle de consommation énergétique mondiale allant vers un Mix énergétique. L’erreur stratégique est de raisonner sur un modèle passé de consommation énergétique linéaire. C’est pourquoi la réaction des bourses face à cette annonce a été mitigée. Pour l’Algérie, la rationalisation des choix budgétaires est une solution urgente de court terme. La baisse des cours étant de longue durée, le gouvernement doit prendre le scénario le plus pessimiste éviter des choix hasardeux ayant peu d’impacts économiques et sociaux à terme. L’objectif est maintenant de concevoir une vision stratégique à moyen et long terme, sinon cela équivaudrait à du replâtrage. Donc à court terme, pour ne pas toucher le niveau de vie des couches les plus défavorisées, déjà mal en point, une rigueur budgétaire s’impose, et l’Etat à travers tous ses démembrements, doit donner l’exemple. Un rapport de la Banque mondiale concernant les infrastructures en Algérie montre des surcoûts variant de 20 à 30% par rapport aux normes internationales. Une réorientation de la politique socio-économique est nécessaire, tenant compte des nouvelles et importantes mutations tant technologiques, économiques que géostratégiques mondiales, si l’on veut éviter le scénario dramatique des impacts des années 1986, qui risquent d’être plus intense, du fait des tensions géostratégiques et d’une jeunesse nouvelle aspirant à un modèle de consommation des pays développés. Il s’agit de corriger certaines erreurs de politique économique comme la généralisation à tous les secteurs de la règle des 49/51% où l’Algérie supporte tous les surcoûts pouvant s’appliquer aux segments stratégiques qu’il s‘agit de définir avec précision, dans le cas contraire, il ne faut s’attendre à attirer les PMI/PME étrangères ayant un fort potentiel de savoir-faire et de création d’emplois durables comme viennent de le souligner aux autorités algériennes la majorité des chancelleries occidentales à moins que l’Algérie supporte tous les surcoûts. L’on doit éviter l’illusion de l’ère mécanique du passé le fondement du développement reposant en ce XXIe siècle, sur l’économie de la connaissance et la bonne gouvernance et enfin éviter l’’illusion quant le bâtiment va tout va et donc revoir l’actuelle politique reposant essentiellement sur les infrastructures et le bâtiment n’étant également qu’un moyen. Pour relever les défis, à la portée de l’Algérie, une gouvernance renouvelée s’impose. Combien d’entreprises algériennes privées et publiques font de la recherche développement R-D). Je conseille au gouvernement de concilier équité et flexibilité du marché du travail et à mes amis du patronat non de distribuer de l’argent pour certains jeunes mais de favoriser la formation tenant compte des nouvelles mutations technologiques mondiales. L’Algérie, sans chauvinisme, a toute les potentialités pour surmonter cette étape difficile, contrairement aux années 1986, a une dette extérieure inférieure à 4 milliards de dollars, des réserves de change comme mis en relief précédemment supérieurs à 140 milliards de dollars. Des stratégies d’adaptions sont nécessaires pour l’Algérie devant réorienter son modèle de consommation énergétique. L’Algérie peut réaliser cette transition hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, sous réserves d’un changement profond de comportements de nos responsables habitués à dépenser sans compter, impliquant donc certaines conditions. Cela renvoie à l’instauration de l’Etat de Droit, de la bonne gouvernance, de la moralité des dirigeants et de la constitution d’un front social interne solide. La situation est grave et la sécurité nationale est menacée. L’Algérie a besoin de rassembler en ces moments difficiles tous ses enfants, tenant compte des différentes sensibilités, source d’enrichissement mutuel, au lieu de diviser sur des sujets secondaires. L’on doit éviter la sinistrose, devant prévoir des stratégies d’adaptation pour dépasser la situation actuelle et surtout d’éviter de réitérer le scénario des impacts de la crise de 1986. L’Algérie dispose des compétences lui permettant de dépasser la crise pétrolière. Il est nécessaire d’avoir une vision positive de l’avenir et d’éviter les positions et comportements défaitistes car, l’Algérie dispose de tous les atouts pour créer la richesse hors économie de la rente ».
(1) -Synthèse de la conférence du Professeur des universités expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL le 17 février 2016 Université de Sidi Bel Abbès- faculté des sciences économies, des sciences de gestion et des sciences commerciales)