Le procès en appel du journaliste et directeur de Radio M, Ihsane El Kadi, s’est déroulé ce dimanche 4 juin, à la Cour d’Alger. Un procès dont son déroulement aurait été un cours utile à donner dans les facultés de droit algériennes, pour faire apprendre aux futurs avocats et magistrats, comment mieux maitriser leurs sujets.
Après la condamnation à 5 ans de prison dont trois ans ferme, les citoyens et les médias présents, ce dimanche, à la cour d’Alger s’attendaient à voir et à entendre des éléments de preuves qui incriminent le journaliste Ihsane El Kadi. Ce qui s’est passé est tout à fait le contraire.
Selon les plaidoyers du collectif des avocats de la défense ; Me Abdellah Haboul, Me Zoubida Assoul, Me Noreddine Ahmine, Me Nabila Smail, Me Mustapha Bouchachi, Me Said Zahi, Me Abdelghani Badi, Mokrane Ait Elarbi et les deux avocats du collectif international des avocates de Ihsane El Kadi, le tunisien Me Fathi Rebei et l’algéro-belge Me Baya Merad, le dossier de l’accusation est construit sur des éléments inexistants. Le procès a toute allure d’un « procès politique visant la personne physique du journaliste ihsane El Kadi et l’entité morale Interface Média ».
Lors de sa plaidoirie, Me Abdellah Haboul, un des avocats de la défense, a démontré l’inconstitutionnalité des procédures appliquées par la police judiciaire de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), relevant de la présidence de la République et les dépassements sur le code des procédures de l’instruction auprès du juge d’instruction du tribunal de Sidi M’hemed à Alger. Des dépassements qui ont marqué cette affaire depuis l’arrestation du journaliste Ihsane El Kadi, la nuit du 24 décembre à minuit à son domicile, jusqu’à la fin de l’instruction préliminaire.
En évoquant l’article 144 de la constitution algérienne, qui oblige les services de sécurité d’appliquer les procédures légales lors de l’arrestation des prévenus, l’avocat de la défense a rappelé que dans le cas de l’arrestation de Ihsane El Kadi, il n’existe aucune trace d’un mandat d’amener ou d’arrêt visant le journaliste. « C’est un droit consacré dans l’article 9 du pacte international des droits civique et politique que l’Algérie a ratifié 1989 », affirme Me Haboul.
En plus des incohérences qui ont caractérisé le déroulement de l’instruction préliminaire, les avocats ont également démontrer l’irrecevabilité du procès-verbal rédigé par les éléments de la police judiciaire relavant de la sécurité intérieure et qui « est un organe à caractère militaire et les rédacteurs du procès-verbal n’ont pas précisé leur grade ». Le même procès-verbal ne précise pas, selon l’avocat Me Haboul « les heures des interrogatoires et des pauses » et qui sont nécessaires selon l’article 52 des procédures pénales.
Aucune preuve du « financement étranger » !
Concernant les chefs d’accusations relevant des articles 95 et 95-bis du code pénal, portant sur la « réception de fonds de l’étranger à des fins de propagande » et « pour accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité et au fonctionnement normal des institutions », les avocats de la défense sont formels. Ce sont des accusations qui ne reposent sur aucune preuve matérielle.
Selon les éléments présentés par le parquet, Ihsane El Kadi, aurait reçu des fonds de l’étranger en 2020. Or que, ces fonds sont en réalité « une redevance avancée des actionnaires de l’entreprise pour payer les salaires des employés de l’agence Interface Médias », qui a traversé une crise financière difficile durant la crise de la Covid-19. « Les fonds étrangers » cité par le parquet sont en vérité, selon les avocats, un virement légal envoyé par l’un des actionnaires de l’entreprise et qui est aussi président du conseil d’administration de l’entreprise. Le parquet a découvert ce transfert légal dans une discussion privée « après la fouille électronique du téléphone d’Ihsane El Kadi.
Interrogé par le juge sur cette question, Ihsane El Kadi a affirmé que les finances de l’agence Interface Médias, éditrice de Radio M et Maghreb Émergent, « sont générés en intégralité de l’activité de l’agence de communication, qui fournit depuis plus de 10 ans des prestations en relation publique, publicité, création des contenus, formations et autres activités ». Il ajoute que ce modèle existe en Algérie et tous les médias sont gérés par des agences de communication.
Procureur ou régulateur ?
Dans son plaidoyer, qui manquait de cohérence, le procureur de la république auprès de la Cour d’Alger s’est positionné, avant de prononcer son réquisitoire, en régulateur de médias et de l’activité journalistique. Il n’a évoqué les éléments de l’accusation qu’en une seule partie sur « le financement étranger » sans apporter aucune preuve.
Le procureur a plaidé avec un ensemble d’allusions et de jugements sur le métier de journalisme. Pour écarter l’idée que « la presse est le quatrième pouvoir », le procureur a déclaré que « l’Algérie est un pays jeune et notre ouverture sur l’audiovisuel est récent, nous ne nous pouvons pas se mettre dans le même niveau des pays développés » et « cette activité a besoin de l’accompagnement de l’État ». Une déclaration qui fait allusion à l’inexistence de médias indépendants ou d’un quatrième pouvoir en Algérie.
Ignorant l’aspect réglementaire et légale dans lequel exerce Radio M, depuis plus de 10 ans (entreprise enregistrée auprès du centre national du registre de commerce), le procureur a illustré son plaidoyer par des exemples qui n’ont aucun rapport avec l’activité en question. Il évoque en exemple des activités comme « la vente d’armes ou des munitions nécessitent une autorisation du ministère de la Défense nationale ou de la vente des engrais qui nécessaire une autorisation du ministère de l’Agriculture ».
Pourtant, la loi qui régit l’activité des médias électronique est autorisée à titre déclaratif dans la constitution algérienne de 2020 et la loi organique sur l’information de 2012. L’activité ne nécessite aucune autorisation, étant donné que l’agence éditrice est enregistrée auprès du CNRC.