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Quand la justice refuse de faire son travail, la rue est appelée à la suppléer (opinion)

Par Yacine Temlali
mai 4, 2016
Quand la justice refuse de faire son travail, la rue est appelée à la suppléer (opinion)

A Adrar, des lycéens sont sortis dans la rue pour protester contre le calendrier des examens. Il fait trop chaud en juin, disent-il, il faut avancer les examens au mois de mai. Ce qui signifierait, concrètement, que l’année scolaire s’arrêterait en avril. Anti-pédagogique, irrationnel, disent les pédagogues. Mais qu’importe ? Les protestataires, des élèves cette fois-ci, ont appris que les autorités finissent toujours par céder sous la pression. Alors, ils occupent la rue, et ils y restent.

 

 

Le non-Etat est en marche. En ce printemps 2016, chaque jour apporte un indice supplémentaire du démantèlement de ce qui fait l’Etat algérien.

La gouvernance, le vivre-ensemble, les institutions et les valeurs communes sont attaqués de manière si méthodique qu’on finit par se demander s’il s’agit d’un simple engrenage que personne n’est en mesure de contrôler, encore moins de contrer, ou, au contraire, si c’est le fait d’un plan méticuleusement mis en pratique, un « complot ourdi » par quelque force du mal qui veut « détricoter » l’Etat algérien?

Il n’est même pas nécessaire, ici, d’évoquer les faits politiques de premier plan, comme l’absence physique du chef de l’Etat ou l’absence de réunion du conseil des ministres pendant des mois. Non. De simples actes, parfois d’une grande banalité, collectés au milieu de la semaine, suffisent pour révéler des comportements défiant la loi et les valeurs qui permettent à une société d’avancer.

Qu’ils soient le fait de représentants du pouvoir, de l’opposition ou de la rue importe peu, car le résultat est le même : la rue ne respecte plus un pouvoir devenu si faible qu’il ne parvient plus à exercer son autorité.

A Adrar, des lycéens sont sortis dans la rue pour protester contre le calendrier des examens. Il fait trop chaud en juin, disent-il, il faut avancer les examens au mois de mai. Ce qui signifierait, concrètement, que l’année scolaire s’arrêterait en avril. L’année serait ainsi amputée de cinq mois. Anti-pédagogique, irrationnel, disent les pédagogues. Mais qu’importe ? Les protestataires, des élèves cette fois-ci, ont appris que les autorités finissent toujours par céder sous la pression. Alors, ils occupent la rue, et ils y restent.

 

Légitimité

 

Populisme et démagogie ont fait le reste. Des parents d’élèves soutiennent les revendications de leurs enfants, selon des écrits de presse. Sans se rendre compte de l’absurdité de la demande. Députés et sénateurs sont à leur tour entrés dans le jeu. Ils revendiquent, ils exigent des mesures urgentes pour avancer les dates d’examen.

Face à eux, les représentants de l’Etat se font tout petits. La ministre de l’Education, en position délicate et attaquée de toutes parts, ne sait plus quel brasier affronter, elle qui part avec un handicap de fond : c’est une ministre du quatrième mandat.

Quant à l’administration locale, elle est tiraillée, comme toujours, entre deux tendances : agir, pour survivre, et ne rien faire, précisément pour éviter de porter le chapeau. C’est le chemin le plus court pour achever le peu de légitimité qui lui reste.

Ce manque de légitimité est d’ailleurs au centre de tous les problèmes. C’est cette légitimité des représentants de l’Etat que remettent en cause les enseignants contractuels quand ils exigent que l’examen pour le recrutement d’enseignants soit organisé de la même manière que le bac.

Sous-entendu : l’examen est une simple procédure destinée à avaliser des recrutements décidés ailleurs. La conclusion est terrible : le futur enseignant ne fait confiance ni à l’administration en place ni à l’enseignant en exercice, considéré comme complice d’une tricherie à grande échelle.

 

Injustice et bureaucratie

 

A El-Asnam, dans la wilaya de Bouira, c’est un fait divers qui a enflammé la ville. Un jeune homme a été passé à tabac par des policiers, toujours selon les comptes rendus de presse. Une injustice, encore une autre. Les policiers ont oublié qu’ils incarnaient l’Etat. Ils ont fait valoir la force face à un homme en situation de vulnérabilité, lui causant de sérieuses blessures.

Résultat : deux jours d’émeute et des dégâts psychologiques graves, avec une frange de la population aujourd’hui convaincue que les représentants de l’Etat ne sont pas dignes de leur fonction et que le seul moyen de se faire entendre et d’obtenir que justice soit faite est de brûler la ville.

A Bejaïa on ne se contente pas de si peu. On ferme à la fois la route nationale et la voie ferrée. Toujours selon la même logique : face à l’administration, seul le rapport de force finit par payer.

 

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