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Quel avenir énergétique pour l’Algérie (contribution)

Par Maghreb Émergent
mars 17, 2019
Quel avenir énergétique pour l’Algérie (contribution)

La sécurité énergétique à moyen et long terme s’imposera d’elle-même à partir des ressources énergétiques existantes ou à mettre en évidence dans le futur, ainsi que de la nécessité de revoir complètement le modèle de consommation énergétique actuel.

L’Algérie est un pays dont les ressources énergétiques conventionnelles en hydrocarbures sont relativement importantes. Elles ont certes donné naissance à une industrie des hydrocarbures de rang international et permis à ce jour la disponibilité d’une énergie qui a contribué à développer peut-être beaucoup de secteurs, mais ont surtout constitué une rente qui a permis la réalisation de toutes les infrastructures et les programmes sociaux, sans donner naissance à de nouvelles richesses durables susceptibles de prendre le relais à long terme.

L’état des lieux des ressources en hydrocarbures, l’évolution de leur exploitation, ainsi que l’évolution future de la consommation interne qui découle des usages actuels, nous obligent à envisager plusieurs scenarios qui tiennent compte de toutes les possibilités.

Le constat qui découle de toutes les hypothèses nous amène à affirmer que la solution globale ne peut plus provenir d’un simple arbitrage entre cette rente qui demeure encore nécessaire pour plusieurs années, et la mise en œuvre d’une transition énergétique au même titre que ce qui se passe dans le monde entier.

La sécurité énergétique à moyen et long terme s’imposera d’elle-même à partir des ressources énergétiques existantes ou à mettre en évidence dans le futur, ainsi que de la nécessité de revoir complètement le modèle de consommation énergétique actuel.

Par contre le développement économique ne pourra plus être assuré par la rente pétrolière à long terme, y compris si un jour l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels devient possible. C’est ce qui correspond au principal défi auquel il faudra faire face à travers des réformes globales, profondes, et courageuses.

ETAT DES LIEUX DES RESSOURCES ET DE LAPRODUCTION D’HYDROCARBURES

Le premier constat de base que nous devons prendre en considération découle de l’état des lieux des ressources et des capacités de production et de mise à disposition de l’énergie dont a besoin l’Algérie aujourd’hui, en 2030, et plus loin encore jusqu’en 2050 :

1 : Les réserves globales d’hydrocarbures en 2016 étaient de 8 Milliards de Tonne équivalent pétrole dont 4 Milliards de Tonne équivalent pétrole seulement sont prouvées, le reste étant probable et possible.

2- Les réserves de gaz naturel en 2016 étaient de 5.500 Milliards de Mètre-cube dont 2.400 Milliards de Mètre-cube seulement sont prouvées, le reste étant probable et possible.

3- Si on rajoute celles dites non conventionnelles on aura presque 30.000 Milliards de Mètre-cube techniquement récupérables.

4- Les réserves d’hydrocarbures liquides (Pétrole, Condensat et GPL) en 2016, étaient de 3 Milliards de Tonne équivalent pétrole (26 Milliards Baril équivalent pétrole) dont seulement 1,9 Milliards de Tonne équivalent pétrole (16 Milliards de barils) sont prouvées, le reste étant probable et possible.

5- Je ne citerai pas dans le cas présent les ressources potentielles non découvertes qui continueront à être recherchées par la Sonatrach et ses partenaires, dans la mesure où nous ne sommes pas surs de pouvoir les découvrir et surtout de le faire au meme rythme que l’épuisement des réserves connues à ce jour du fait de leur complexité technique, leur taille, et par conséquent leur incertitude, ce qui nous empêche de bâtir des scénarios aussi bien optimistes que pessimistes. Il est ainsi inutile de les prendre en considération meme si leur découverte va être faite, dans la mesure où leur exploitation ne surviendra progressivement qu’au-delà de 2030 ou 2035, ce qui en fera des ressources qui viendront tout juste ralentir (ou peut être compenser ?) la réduction des réserves actuelles à cet horizon.

6– Le dernier point que je souhaite rappeler concerne la production globale commercialisée qui est passée de 171 Millions de Tonne équivalent pétrole en 2006 à 152 Millions de Tonne équivalent pétrole en 2015, soit une baisse de 19 Millions de Tonne équivalent pétrole, c’est à dire 11% par rapport à 2006. Il y a certes une légère reprise depuis 2016, puisque cette production est passée à 174 Millions de Tonne équivalent pétrole en 2018, mais pendant ce temps, la consommation interne a elle aussi grimpé de 35 à 60 Millions de Tonne équivalent pétrole entre 2006 et 2018, c’est-à-dire presque le double, alors que les exportations ont diminué de façon régulière, puis légèrement repris entre 2016 et 2018. 

ETAT DES LIEUX DES CAPACITES DE PRODUCTION D’ENERGIE

Le deuxième constat concerne les capacités actuelles de production d’énergie :

1- 19.000 Mégawatt installés dont 30% en cycle combiné, c’est-à-dire la technologie à haut rendement et ne consommant pas autant de gaz que les centrales thermiques ou à vapeur en principe appelées à être remplacées d’ici 2030 ou plus tard.

2- 11.000 Mégawatt en cours de réalisation d’ici 2024, en principe tous en cycle combiné aussi.

3- 11.000 Mégawatt prévu à l’horizon 2028, dont semble-t-il 6.000 Mégawatt avec des ressources renouvelables, dont le solaire quel que soit la technologie, ce détail étant du ressort des spécialistes et des technologies qui évolueront d’ici là.

4- Inutile de s’attarder sur les 350 Mégawatt en énergies renouvelables actuellement en fonction parceque c’est dérisoire par rapport au reste, et surtout par rapport au projet initial de 22.000 Mégawatt à l’horizon 2030 qui me semble maintenant impossible à atteindre et nécessairement à reporter au-delà de 2030.

Il est donc évident que la source d’énergie principale continuera à provenir du gaz naturel et que la consommation interne de ce dernier continuera à croitre sans aucun doute bien au-delà de 2030.

ETAT DES LIEUX DES CONSOMMATIONS ET DES BESOINS

Le troisième constat concerne la consommation ou les besoins énergétiques actuels et leur évolution à long et très long terme, par rapport aux capacités de production, aux volumes pouvant être produits, et à l’arbitrage entre les différents usages, parcequ’il va falloir classer la rente parmi les usages, du moins à moyen et long terme.

Je propose de nous focaliser surtout sur les produits pétroliers liquides dans le secteur du transport en particulier, et le gaz naturel pour produire l’électricité, et alimenter le secteur résidentiel et l’industrie :

1- La production actuelle d’hydrocarbures liquides (pétrole, condensat et GPL) est de 75 Millions de Tonne équivalent pétrole dont environ 16 Millions de Tonne équivalent pétrole à consommer sur le marché national. A noter qu’environ 36% de cette production se fait en association avec des partenaires étrangers.

2- La production commerciale de gaz est d’environ 95 Milliards de Mètre-cube par an et on en consomme actuellement 45 Milliards de Mètre-cube, mais au rythme d’une progression de 8% par an en moyenne, nous aurons besoin de 67 Milliards de Mètre-cube en 2028 et probablement 70 en 2030. Ces prévisions tiennent compte des besoins domestiques et industriels qui vont continuer à croitre et des capacités de génération électrique qui continueront à être essentiellement à base de gaz naturel, parceque dans le meilleur des cas le programme des ENR ne dépassera pas 7 à 10.000 MW sur les 22.000 prévus depuis 2011.

Là aussi et sans remettre en cause ou douter des efforts que le gouvernement entreprend pour engager une transition énergétiques, force est de constater que le modèle de consommation énergétique actuel basé sur les hydrocarbures va se poursuivre bien au delà de 2030.     

PERSPECTIVES 2030-2050

Tenant compte des réserves conventionnelles prouvées en liquides et en gaz naturel, ainsi que d’une hypothèse de maintien du niveau de production actuel grâce à une possibilité de contribution des réserves probables et possibles actuellement non développées, on peut dire sans crainte que la sécurité énergétique de l’Algérie est garantie à l’horizon 2030 et meme 2035.

Il faut cependant tenir compte du fait que plus de la moitié de la production d’hydrocarbures liquides et gazeux, est actuellement exportée et continuera à l’être non seulement pour assurer la rente nécessaire à l’économie du pays, mais aussi pour assurer la rémunération des productions en association qui correspondent à 36% pour les liquides et 20% pour le gaz naturel. Mais pour éviter de mauvaises interprétations je signale bien sûr que cela ne signifie pas que les partenaires ont droit à ces pourcentages de productions comme rémunération, leur part de production étant sujette à une fiscalité pétrolière qui ferait que dans le meilleur des cas le partenaire n’aurait droit en retour qu’à environ 20 à 25% de la production en Association. Il est par conséquent certain que c’est la rente qui se réduira d’ici quelques années, et ce d’autant plus qu’il n’y a aucune visibilité en matière d’évolution du prix du baril de pétrole.   

C’est pour cette raison toute simple que les véritables défis de la prochaine décennie et des décennies qui suivront sont :

– D’abord économiques parceque la solution est dans la création de nouvelles richesses de substitution aux hydrocarbures qui constituent de nos jours 22% du PIB, 34% des recettes fiscales, et 95% des recettes d’exportation. Je ne m’attarderai pas sur ce volet qui peut faire l’objet d’une session ou d’un débat plus large et à part. Sans être moi-même spécialiste en économie, il me semble qu’avec un tableau de bord caractérisé par ces indicateurs, ainsi qu’un taux d’inflation de 4,6%, une planche à billet qui a déjà dépassé les 6.000 Md DA, des réserves de change de 74 Md $ (un peu plus d’une année d’importations), 1.378.000 chômeurs entre 19 et 49 ans (Réf. CARE 2019), le principal défi à venir est économique et non de sécurité énergétique.

C’est un package dont la solution n’est pas dans les hydrocarbures, et ce d’autant plus que depuis 2006, la production globale d’hydrocarbures a baissé en moyenne de 0,8% par an, soit un cumul d’environ 10%, alors que les exportations d’hydrocarbures sont de plus en plus tirées par le gaz naturel, dont le rôle est capital pour la sécurité énergétique de l’Algérie au-delà de 2030.

– Le deuxième défi auquel il faut s’atteler dès maintenant pour être au rendez-vous au-delà de 2030, consiste à renouveler la ressource énergétique qui est aujourd’hui essentiellement constituée d’hydrocarbures, et il n’y a que 3 solutions :

  • Modifier de façon radicale le modèle de consommation énergétique en agissant dans deux axes : un mix énergétique largement basé les énergies renouvelables, des politiques d’économie d’énergie radicales qui passent par la fin des subventions et la vérité des prix en matière de consommation. Il y a déjà un indice qui a toute sa signification : la stagnation de la consommation des produits raffinés suite à une légère augmentation du prix des carburants en 2016 , et bien sur un réduction des importations de véhicules.
  • Au meme titre que tous les pays du monde, l’Algérie continuera à avoir besoin de pétrole et de gaz au-delà de 2030, non seulement en tant que ressource énergétique mais aussi en tant que matière première pour de nombreuses décennies. Les réserves conventionnelles actuelles ne permettront pas de faire face aux besoins des décennies 2030-2050. Aussi faut-il se préparer à exploiter les immenses ressources non conventionnelles dont regorge le sous-sol algérien. Les problèmes liés à leur exploitation sont d’abord d’ordre financier, technologique, et logistique. Il ne faut pas nier qu’ils le sont aussi au point de vue environnemental tout comme les hydrocarbures conventionnels, mais il faut faire confiance au progrès technologique qui avance à une vitesse impressionnante de nos jours pour apporter les solutions adéquates.
  • La formation et l’innovation pour contribuer à l’avènement de ces deux solutions, et peut être d’autres solutions à long terme parceque les progrès technologiques sont susceptibles de nous réserver bien des surprises en matière de sources d’énergie, y compris l’abandon partiel des hydrocarbures.

Ces défis ne sont pas propres à l’Algérie et doivent s’inscrire dans les profondes mutations qui sont en train de changer le monde entier à tous les points de vue :

  • Economique, pour assurer son développement à partir de sa propre production de nouvelles richesses.
  • Energétique, pour adapter son modèle de consommation aux ressources disponibles et à l’obligation d’en préserver une partie pour les générations futures.
  • Environnemental pour que ce qui précède se fasse en tenant compte de la préservation de toutes les autres ressources naturelles, de tous les besoins de la population, et des risques climatiques.
  • Humain, parceque c’est ce dernier qui doit innover et mettre en application son intelligence au service de la communauté.
  • Et bien sûr politique pour garantir une bonne gouvernance de tout ce qui précède.

Abdelmadjid Attar : Consultant – Ancien PDG de Sonatrach & Ministre des Ressources en Eau.

NB : Intervention de Mr. Attar Abdelmadjid au cours de la Conférence NAPEC à Oran le 10 Mars 2019

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