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Quelle rentabilité pour les usines de montage de voitures en Algérie ? (contribution)

Par Yazid Ferhat
avril 1, 2017
Quelle rentabilité pour les usines de montage  de voitures en Algérie ? (contribution)

L’objet de cette présente contribution n’est pas de rentrer dans les polémiques  mais de poser objectivement la problématique   de la rentabilité future des usines de montage de voitures en Algérie.

 

Tout opérateur, et ce, de par le monde, est mu par la seule logique du profit. L’Etat  régule par  un cahier de charges précis pour préserver les intérêts supérieurs du pays. Car, les  contraintes internationales sont là et face aux mutations mondiales, la filière automobile connait des restructurations, des fusions et des délocalisations des grands groupes, avec des capacités de production élevées.  La presse algérienne s’est faite l’écho récemment  de la volonté de plusieurs opérateurs algériens de  se lancer dans des projets de construction  de voitures. L’Algérie fabriquerait ainsi des voitures françaises, italiennes, iraniennes, chinoises, sud coréennes  et   allemandes etc. Face aux mutations mondiales, quel est le seuil de rentabilité de tous ces mini -projets de voitures ?  Plusieurs questions se posent auxquelles toute politique économique cohérente  doit  répondre.

-Premièrement, qu’en sera-t-il avec l’épuisement inéluctable des hydrocarbures en termes de rentabilité économique et non de découvertes physiques sur le  pouvoir d’achat des Algériens? Dans ce cas par rapport au pouvoir d’achat réel, (alimentaires, habillement notamment plus les frais de loyer et téléphone)  et avec le nivellement par le bas des couches moyennes, que restera –il en termes de pouvoir d’achat réel pour acheter une voiture, le niveau d’endettement  ayant une limite ?

 Deuxièmement, faute d’unités industrielles spécialisées,  renvoyant  à l’économie de la connaissance afin de favoriser des sous-traitances   intégrées, quelle sera la balance devises des unités  projetées ? D’autant plus que la majorité des inputs    (coûtant plus cher avec le dérapage  du dinar) seront presque importés devant inclure le coût de transport, également la formation adaptée aux nouvelles technologies et les coûts salariaux.

-Troisièmement, les normes internationales, du seuil des capacités au niveau mondial  se situent entre 200.000 et 300.000/an pour les voitures individuelles, environ 100.000 unités/an  pour les camions/ autobus et évolutives avec les grandes concentrations depuis 2009. La comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables quel est donc le seuil de rentabilité pour avoir un coût compétitif par rapport aux normes internationales et  aux nouvelles mutations de cette filière ?   La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total c’est comme un ordinateur, le coût ce n’est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%,  ces mini projets seront –ils   concurrentiels en termes du couple coûts/qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales ?

-Quatrièmement, quelle est la situation de la sous-traitance  en Algérie pour réaliser un taux d’intégration acceptable qui puisse réduire les couts ? En faisant une comparaison avec les pays voisins où le taux d’intégration est plus élevé par rapport à l’Algérie, des experts ont souligné lors  forum à El Moudjahid  en ce mois de mars 2017  qu’en Tunisie,  le nombre des entreprises sous-traitantes représente 20% des entreprises industrielles (1.000 entreprises de sous-traitance parmi 5.000 entreprises industrielles), alors qu’au Maroc, le taux est de 28% (2.000 entreprises de sous-traitance sur 7.000 sociétés industrielles). Et que le  secteur industriel représente actuellement 5% seulement du PIB, alors que  les besoins exprimés en matière d’équipement industriel et de toute autre composante industrielle et de pièces de rechange sont globalement de 25 milliard de dollars. Le nombre d’entreprises sous-traitantes recensées en Algérie est globalement autour de 900 000 entreprises, mais  97% de ces entreprises étant des PME, voire de toutes petites entreprises (TPE) avec moins de 10 employés et qu’  environ 9000, soit 1%  activent pour le secteur industriel, le reste opérant  soit dans le secteur commercial, la distribution, les services, le BTPH

Cinquièmement, dans une vision cohérente de la politique industrielle tenant compte de la forte concurrence internationale et des nouvelles mutations technologiques dans ce domaine,  ne e fallait –il pas par commencer de sélectionner deux ou trois constructeurs algériens  avec un partenariat étranger gagnant/gagnant maitrisant les circuits internationaux avec un cahier de charges précis  leur donnant des avantages fiscaux et financiers en fonctions de leur capacité. Ainsi  pour un taux d’intégration variant entre 0 et 10% les avantages doivent être limitées au maximum  et devant leur fixer un deuil  de production ne dépassant pas 5000 unités/an afin d’éviter que durant cette période certains opérateurs soient tentés dans une logique de rente, d’arriver à plus de 30.000/50.000 unités/an sans intégration, accroissant par  là, la  facture d’importation en devises des composants.  

-Sixièmement,   construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local alors que l’objectif du management stratégique de toute entreprise n’est –il pas ou régional  et  mondial afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale, cette filière étant  internationalisée avec  des sous segments s’imbriquant au niveau mondial ? Comment dès lors ces micro-unités souvent orientés vers le marché intérieur, réaliseront le taux d’intégration prévue de 40/50% au bout d’environ cinq années , risquant de fermer  (faillite ne pouvant faire face à la concurrence internationale) après avoir perçu tous les   avantages qui constituent des subventions supportées par  le trésor public d’où l’importance d’une régulation stricte de l’Etat pour éviter des transferts de rente au profit d’une minorité rentière? 

– Septièmement, une politique industrielle sans la maitrise du soir est vouée inéluctablement à l’échec avec un gaspillage des ressources financières. Aussi  l’industrie automobile étant devenue capitalistique, (les tours à programmation numérique éliminant les emplois intermédiaires) quel est le nombre d’emplois directs et indirects créés, renvoyant  à la qualification nécessaire tenant compte des nouvelles technologies appliquées à l’automobile ?

– Huitièmement,  quelle sera le coût et  la stratégie des réseaux de distribution pour s’adapter à ces mutations technologiques?

-Neuvièmement, ces voitures fonctionneront-elles à l’essence, au diesel, au GPLC, au Bupro,   hybride ou au solaire renvoyant d’ailleurs à la politique des subventions généralisées  dans les carburants qui faussent l’allocation optimale des ressources ?En 2015,  Pour le type de carburant utilisé, l’essence représente 65% et le gasoil 34%, l’utilisation du GPLC étant marginale.  Évitons donc  la précipitation pour des raisons de prestige, l’Algérie étant une petite nation et soyons pragmatique loin de l’activisme qui peut conduire le pays à une impasse.

– Dixièmement, comment pénétrer le marché mondial à terme avec la règle des 49/51% , aucune firme étrangère de renom ne pouvant accepter cette règle rigide dans le  cadre des exportations mondiales et donc  avec le  risque que l’Algérie supporte tous les surcoûts conduisant  à l’endettement d’autant plus que l’Algérie risque de connaitre des tensions budgétaires entre 2017/2020?

En conclusion, je ne suis pas contre la mise en place d’une industrie mécanique mais cette dernière doit être menée avec cohérence, pragmatisme et réalisme.  C’est que le marché  mondial de voitures en perpétuelle mutation  est un marché oligopolistique où quelques firmes contrôlent les circuits internationaux. Il semble bien que certains responsables algériens oublient que la mondialisation est bien là avec des incidences politiques et économiques, voulant perpétuer un modèle de politique industrielle dépassé des années 1970’ qui ne peut que conduire le pays à une grande dépendance et à l’endettement à terme.Je ne rappellerai jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside en la recherche développement, que le capital argent n’est qu’un moyen et que sans l’intégration de l’économie de la connaissance, aucune politique économique ou tout  projet n’a d’avenir, en ce XXIème siècle , face à un monde turbulent et instable où les innovations technologiques  sont en perpétuelle évolution. L’Algérie doit investir  tant dans les institutions démocratiques  que dans  des segments où elle peut avoir  des avantages comparatifs : l’agriculture, le tourisme important gisement, les nouvelles technologies et dans des  sous segments de filières industrielles tenant compte des  profonds changements technologiques et une importante restructuration  de cette filière qui est internationalisée.Il y a  par ailleurs lieu de tenir compte que l’économie algérienne  est irriguée par la rente des hydrocarbures qui détermine fondamentalement le pouvoir d’achat des Algériens. L’inflation qui est de retour  induit  la détérioration du pouvoir d’achat. Le revenu global  doit être corrigé devant tenir compte de la répartition du revenu et du modèle de consommation par couches sociales, un agrégat global ayant peu de significations.  

(*)  Professeur des Universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL

 

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