Cette présente analyse aborde le volet stratégique de la nécessaire transition énergétique pour l’Algérie.
1- Loin de l’euphorie de l’accord de Paris, la 23e conférence climat de l’Onu (Cop23) ses signataires se réunissent à nouveau à Bonn, en Allemagne, du 6 au 17 novembre 2017 avec selon l’ONU trois objectifs.
– Premièrement, faire avancer les négociations sur l’accord de Paris accord ratifié en décembre 2015, par 168 pays et même tout juste signé par le Nicaragua longtemps seul État réticent, l’accord de Paris stipule une maîtrise du réchauffement mondial sous 2°C voire 1,5°C, par rapport au niveau d’avant la révolution industrielle, sans toutefois fixer d’objectif contraignant par pays. Beaucoup d’experts doutent de sa faisabilité et le Giec, le groupe des experts climat de l’ONU, doit produire à l’automne 2018 un rapport sur cette question.
-Deuxièmement, empêcher d’autres pays de rejoindre la position Donald Trump qui avait confirmé que les États-Unis le 1er juin 2017 se retireraient de l’accord de Paris, considérant que le texte « désavantageait » son pays. Pour autant, la décision du président américain ne pourra entrer en application qu’à partir de 2019 et une délégation américaine sera présente à Bonn. Si le risque semble modéré, il n’est pas impossible que certains pays, qui redoutent les règles auxquelles ils seront soumis, puissent eux aussi se désengager de l’accord de Paris, au même titre que les États-Unis. À ce titre, une attention toute particulière sera portée au cas de la Russie, seul pays du G20, avec la Turquie, qui n’a pas ratifié le texte à l’heure actuelle. Troisièmement, sensibiliser la planète à la situation des îles pacifiques.
-Troisièmement, sécuriser la planète car aux quatre coins du globe, 2017 a vu se répéter des désastres qui, selon les scientifiques, devraient encore s’intensifier : super-ouragans aux Antilles et en Floride, feux d’une intensité inédite au Portugal ou en Californie, sécheresse durable en Afrique de l’Est. Au point que 2017 « sera probablement une année record en termes de coût humain, social et économique des catastrophes naturelles, » selon le Programme de l’Onu pour l’environnement (PNUE).
Cependant, il ne faut pas être utopique, les énergies fossiles notamment le gaz, pendant encore longtemps 2017/2025, seront la principale source d’énergie. Mais gouverner est prévoir, il appartient aux gouvernements africains d’ores et déjà, de faire face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales irréversibles axées sur le MIX énergétique entre 2020/2030, de préparer la transition énergétique, étant une erreur de raisonner sur un modèle de consommation énergétique linéaire du passé. Aussi, l’énergie engageant la sécurité des Nations, la stratégie des énergies renouvelables doit s’inscrire dans le cadre de la définition claire et datée d’un nouveau modèle de consommation énergétique axée sur un Mix énergétique, par l’évaluation des ressources pour atteindre les objectifs fixés qui devront préparer les industries de l’avenir, les nouvelles technologies et les industries écologiques, objet de la nouvelle révolution économique 2020/2040.
2.-Selon le rapport de Bloomberg New Energy Finance (BNEF), il s’agira d’investir pour couvrir la demande mondiale en énergie environ 2100 milliards de $ d’ici à 2040 pour les énergies fossiles, à mettre face aux 7.800 milliards investis en renouvelables. Il est sans doute intéressant de noter qu’avec 3. 400 milliards pour le solaire et 3100 milliards pour l’éolien, ces deux énergies renouvelables semblent être clairement celles qui se taillent la part belle car de nature à produire durablement de l’électricité à des niveaux de coûts inférieurs à ceux des centrales à énergie fossiles. La Chine connaît une croissance rapide de l’énergie solaire et se place depuis 2015 au premier rang du marché mondial du solaire photovoltaïque (avant l’Allemagne). Elle fait d’ailleurs état d’une politique éminemment volontariste qui lui permettrait d’afficher dans les 25 ans à venir les plus fortes baisses d’émissions de CO2. Ainsi, à elle seule, la Chine compte déjà pour 40 % dans les nouveaux TWh fournis par les énergies renouvelables. La Chine a engagé 103 milliards de dollars, soit 36 % du total mondial, ce qui représente une hausse de 17 % de son effort annuel. Les investissements ont également fortement augmenté au Chili, en Inde, au Mexique, en Afrique du Sud , au Pakistan et au Maroc. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, la production d’électricité d’origine renouvelable augmentera de 40/60% % 2017/2020 et fourniront plus du tiers de l’électricité mondiale ave une accélération entre 2020/2030. Les derniers ouragans dévastateurs posent la problématique de la sécurité mondiale, dont celle de l’Algérie, et de l’urgence d’une transition énergétique. Les études de l’ONU prévoient une sécheresse sans pareille au niveau de l’Afrique du Nord, entre 2020 et 2025. « Les gouvernements devraient hâter l’arrêt des subventions aux énergies fossiles, qui s’élèvent toujours à environ 500 milliards de dollars par an », a préconisé le 01 novembre 2017 le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Angel Gurría à Toronto, (Canada), dans une déclaration largement reprise par la presse mondiale ; ce qui laisse supposer des avantages comparatifs fiturs pour les énergies non fossiles. Partout dans le monde, la conjonction de l’instabilité des marchés des énergies fossiles et l’impératif de protection de l’environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre imposent une révision des stratégies énergétiques. Voilà pourquoi il va falloir en urgence, d’une part, revoir notre mode actuel de consommation énergétique et, d’autre part, exploiter toutes les formes d’énergie et en particulier les énergies renouvelables qui demeurent une alternative incontournable pour les besoins internes en énergie. Le monde connaîtra un profond bouleversement de la carte énergétique mondiale et donc une mutation énergétique en 2020, 2030 et 2040 bien qu’actuellement le poids des fossiles (charbon, gaz et pétrole) reste écrasant (78,3%), tandis que le nucléaire ne joue qu’un rôle marginal à l’échelle mondiale (2,5%). La part des énergies renouvelables est en croissance dans la production d’électricité (23,7% à fin 2015 contre 22,8% à fin 2014), mais elle reste infime dans les transports et les installations de chauffage et de refroidissement. Cette forte proportion pour les énergies fossiles est due aux déséquilibres entre les subventions accordées par les États aux énergies fossiles et celles allouées aux renouvelables : 490 milliards de dollars pour les premières en 2015, contre 135 milliards, soit près de quatre fois moins pour les secondes. Ces blocages n’empêchent pas le secteur de totaliser désormais 8,1 millions d’emplois directs et indirects de par le monde (+ 5% en un an), dont 2,8 millions dans la branche photovoltaïque : 59 gigawatts en 2005, 198 en 2010, 279 en 2011, 283 en 2012, 318 en 2013, 370 en 2014 et 433 en 2015 dont le solaire 227 gigawatts contre 73 en 2005. 2.-L’investissement en milliards de dollars est passé de 73 en 2005, 239 en 2010, 279 en 2011, 257 en 2012, 234 en 2013, 273 en 2014 et 286 en 2015. Sous réserve d’investissements à long terme, du fait qu’actuellement ce sont les coûts de développement des technologiques et des investissements dans les équipements de production (turbines éoliennes, modules solaires, chaudières biomasse, etc.) qui pèsent sur le coût des énergies renouvelables, à l’avenir, celles-ci deviendront des énergies moins chères et aux prix stables. Concernant la baisse des coûts, l’AIE constate que le prix des systèmes photovoltaïques a été divisé par deux et parfois plus en cinq ans (entre 2008 et 2012). Aujourd’hui, rejoignant les coûts de production de l’hydroélectricité, certaines technologies comme certaines énergies renouvelables ont pratiquement atteint la parité avec les coûts de l’électricité d’autres sources d’énergie classiques si l’on tient compte des subventions allouées à ces dernières. Les énergies renouvelables disposent d’atouts essentiels pour prendre une place importante dans les bouquets énergétiques des pays, de rapprocher les sites de production des centres de consommation, de réduire la dépendance de ces pays aux énergies fossiles, contribuer à la sécurité d’approvisionnement et à l’indépendance énergétique, permettent une maîtrise à long terme des prix de l’énergie, constituer les vecteurs les plus adaptés de développement de la production d’énergie décentralisée, offrir un potentiel considérable de développement industriel et de nouvelle croissance et contribuer à limiter les impacts de la production d’énergie sur l’environnement : diminution des émissions de gaz à effet de serre, réduction des effets sur l’air, l’eau et les sols, absence de production de déchets, les installations de production d’énergies renouvelables affectent très peu l’environnement, la biodiversité et le climat. Mais, pour assurer une transition énergétique pérenne, il faut d’importants investissements, et leur adaptation, dans les réseaux électriques afin d’absorber, de redistribuer une plus grande proportion de courant produit par les énergies renouvelables pour le stockage d’énergie et gérer la demande d’unités de production d’électricité flexibles sur l’importance de décentraliser la production d’énergie afin de les rapprocher des «points de communication». Selon le rapport de Bloomberg New Energy, il est prévu un renversement des consommations énergétiques en 2025 : une chute de la demande en énergies fossiles et une nette augmentation de la demande en énergies alternatives. Cette tendance doit être analysée en tenant compte du développement exponentiel des technologies (télécommunications, Internet, multimédia…) de plus en plus électro-dépendantes, tant dans le cas de nos économies développées que dans le cas de la consommation à venir pour permettre l’accès à l’énergie de 1,3 milliard de personnes dans le monde vivant encore sans éclairage, sans télécommunications comme en Afrique.
3.- Aussi, qu’en est-il pour l’Afrique dont la majorité de la population souffre de pénurie d’énergie ? L’irradiation solaire moyenne des pays africains est, selon l’Irena (Agence internationale des énergies renouvelables), comprise entre 1 750 kWh/m2/an et 2 500 kWh/m2, soit près du double de celle de l’Allemagne (1 150 kWh/m2) qui dispose d’un parc photovoltaïque installé de l’ordre de 40 GW (soit une capacité photovoltaïque 20 fois plus importante que celle de l’Afrique). Le facteur de charge des installations photovoltaïques serait ainsi bien supérieur en Afrique que dans les pays européens. A fin 2015, l’Afrique disposait de 2 100 MW d’installations solaires photovoltaïques installées, 65% de cette capacité étant concentrée en Afrique du Sud (13% en Algérie et 9% à la Réunion). Lors des deux dernières années, le continent a plus que quadruplé la puissance installée de son parc photovoltaïque mais ce dernier reste encore modeste au regard du très grand potentiel africain car près de 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité. Selon l’Agence, cette énergie serait aujourd’hui compétitive par rapport aux énergies fossiles actuellement employées, que ce soit dans le cas d’importantes centrales ou de micro-réseaux isolés (ainsi que de systèmes domestiques). Selon l’Irena, les coûts d’investissement de grandes centrales photovoltaïques en Afrique ont diminué de 61% depuis 2012. Ils atteindraient actuellement près de 1,3 million de dollars par MW installé (la moyenne mondiale pour le photovoltaïque avoisine 1,8 million de $/MW selon l’Irena). Le président de l’Agence Adnan Z. Amin envisage encore une baisse possible de 59% de ces coûts durant la décennie à venir. L’Irena met en exergue le fait que l’énergie photovoltaïque présente pour l’Afrique une solution décentralisée et « modulaire » (avec des installations de quelques W à plusieurs dizaines de MW) pour électrifier rapidement des régions non connectées à des réseaux électriques. Selon des experts, il est vrai que les besoins énergétiques des africains se limitent à quelques KWh par habitant et par an, l’usage étant principalement l’éclairage électrique. Il n’y a pas de réseaux électriques en Afrique. Il n’y a pas d’économie d’échelle possible. Les africains payent 2 fois plus chère l’électricité que les européens. C’est toujours plus intéressant d’avoir de l’électricité à bon marché. Mais le développement industriel exige de grandes puissances et surtout de la chaleur. Certes le photovoltaïque est certes plus adapté pour des petites installations hors réseau et pour certains pays africains mais une production industrielle nécessiterait de la combiner avec le thermique. En effet, il est nécessaire, d’avoir une approche stratégique du développement des énergies renouvelables. Il faut cibler en priorité les projets qui concourent le plus à l’atteinte des objectifs, sans avoir une position tranchée entre le photovoltaïque et le thermique. Les tours solaires en Espagne ont fait leurs preuves depuis plusieurs années. Il s’agit de cerner les paramètres d’évaluation des différentes technologies. Avec la GTZ (Allemagne) la décomposition de la chaîne de valeur par composant et par coût a permis de se fixer un taux d’intégration réaliste de 70% pour le solaire thermique. Les industriels du solaire thermique convergent avec ce taux, tout en s’accordant aussi avec le niveau d’exportation d’électricité vers l’Europe. En effet l’Europe aura besoin d’importer 15% de ses besoins en 2030, soit l’équivalent de 24 GW électrique ou l’équivalent de 50 milliards de M3 de gaz par an.
Des études internationales récentes ont défini les quatre conditionnalités : -un cadre politique stable, un marché local durable de la taille de 250 MW /an ; un marché ouvert ; les technologies retenues doivent correspondre aux potentiels les plus importants à valoriser à savoir permettre un taux d’intégration, la plus grande création d’emplois, offrant la meilleure adéquation avec le marché de l’électricité et enfin, le plus important, les technologies doivent offrir le plus grand potentiel de réduction de coûts concurrençant les énergies fossiles.
En résumé, un nouveau pouvoir énergétique mondial va naitre entre 2020/2030/2040, d’où des stratégies d’adaptation si l’Algérie veut éviter l’impasse à partir des schémas classiques périmés du passé. Il s’agit donc de bien cerner les véritables acteurs et d’avoir une vision stratégique reposant non sur l’utopie mais le réalisme ne devant jamais croire que de lois et des changements d’organisations résoudront les problèmes. L’Algérie couvrira t- elle les besoins de consommation interne de 40% horizon 2030 en énergies renouvelables comme cela a été annoncé par le Ministère de l’Energie et dans ce cas quel montant de financement mobiliser ? Or, sans vision stratégique de la transition, une politique de formation adaptée, une révision de la politique des prix et des subventions en Algérie, l’investissement notamment privé local ou international dans les énergies renouvelables n’est pas rentable. Si l’Algérie veut éviter des erreurs de politique économique d’une manière générale, il s’agira forcément d’éviter toute vision linéaire du modèle de consommation énergétique en faisont confiance au génie humain. Le passage de l’ère du charbon à celle des hydrocarbures bien que les réserves de charbon sont évaluées à plus de 200 ans, ce n’est pas parce qu’il n’y avait plus de charbon, et demain d’autres sources d’énergie. Cela est dû aux nouveaux procédés technologiques qui produisent à grande échelle et qui ont permis de réduire les coûts, ce que les économistes appellent les économies d’échelle influant d’ailleurs sur la recomposition du pouvoir économique mondial et donc sur les gouvernances locales et mondiales. Pour l’Algérie, c’est la problématique de sa sécurité énergétique qui est posée, avec l’urgence d’une transition énergétique raisonnable et maîtrisée s’insérant dans le cadre global d’une transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. Cela suppose de redynamiser le conseil national d’énergie, seul habilité à définir la stratégie énergétique car relevant de la sécurité nationale, présidée par le président de la république, d’ouvrir un large débat national sur le futur modèle de consommation énergétique et de lever toutes les contraintes bureaucratiques d’environnement qui freinent l’expansion de l’entreprise créatrice de valeur ajoutée et son fondement l’économie de la connaissance. Voilà pourquoi il va falloir en urgence, d’une part, revoir le mode actuel de consommation énergétique et, d’autre part, exploiter toutes les formes d’énergie dont les énergies renouvelables qui demeurent une alternative pour les besoins internes en énergie avec les autres sources d‘énergie classiques. [email protected]
Pr A. Mebtoul- Professeur des universités expert international ancien directeur d’Etudes ministère Energie/Sonatrach 1974/2007
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