La liberté de la presse recule en Algérie et les journalistes exercent leurs fonctions dans un environnement hostile marqué par des intimidations, des poursuites judiciaires et des condamnations à la prison ferme. C’est le constat fait par Reporters sans frontières (RSF), dans son rapport annuel sur la liberté de la presse dans le monde en 2023. L’Algérie arrive à la 136è position soit une perte de deux points par rapport au classement précédent.
‘’En Algérie, la liberté de la presse est confrontée à de nombreuses lignes rouges. Le simple fait d’évoquer la corruption et la répression des manifestations peut valoir aux journalistes menaces et interpellations’’, peut-on lire dans le document qui souligne que le paysage médiatique en Algérie n’a jamais été aussi détérioré. ‘’ Les médias indépendants sont sous pression, les journalistes sont régulièrement emprisonnés ou poursuivis, et plusieurs sites Internet sont bloqués’’, note le rapport.
Le climat politique est très tendu, notamment depuis l’élection du président Abdelmadjid Tebboune, en décembre 2019. Médias et journalistes subissent de nombreuses pressions, dont la majorité est exercée par la présidence de la République, les partis politiques, les services de sécurité et les autorités locales, déplore l’ONG.
Pour cette dernière, il est très difficile pour les reporters d’effectuer leur travail de manière libre et indépendante alors que le pouvoir politique a une influence directe sur la nomination et le licenciement des responsables des médias et des autorités de régulation.
Evoquant le cadre législatif, l’organisation indique que ce dernier est de plus en plus contraignant. ‘’Si l‘article 54 de la Constitution garantit la liberté de la presse, il encadre la diffusion d’informations et d’opinions qui doivent respecter les constantes et les valeurs religieuses et culturelles de la nation”, souligne la même source qui rappelle la réforme du code pénal de 2020, qui criminalise de un à trois ans de prison la diffusion de “fausses nouvelles” et de “discours haineux” visant à porter atteinte “à l’ordre et à la sécurité nationale” ou à “la sûreté de l’État et à l’unité nationale”.
Des textes régulièrement utilisés pour condamner les journalistes. Dans ce contexte, censure et autocensure sont très répandues. Un nouveau Code de l’information de 2023 renforce l’encadrement du travail des journalistes et introduit notamment de nouvelles sanctions et une interdiction aux médias algériens de bénéficier de tout financement ou aide matérielle directe et indirecte étrangers sous peine de fortes amendes.
Le secteur privé souffre depuis 2019, et plusieurs médias et chaînes de télévision ont dû fermer, notamment car les organes de presse sont privés de publicité. Par ailleurs, les subventions d’État ne sont octroyées qu’aux médias publics ou aux médias privés proches du régime.
En outre, RSF affirme que les menaces et intimidations auxquelles sont confrontés les journalistes sont en constante augmentation. ‘’Il n’existe aucun mécanisme de protection. Les reporters critiques des autorités peuvent subir des détentions arbitraires, font l’objet d’une surveillance et sont placés sur écoute. Les journalistes indépendants ou proches du Hirak, le mouvement de contestation populaire lancé en février 2019, peuvent être la cible de menaces en ligne et de campagnes de haine lancées par des “mouches électroniques” (“doubab”), des comptes anonymes proches du pouvoir’’, déplore l’ONG.
La détention arbitraire d’El Kadi Ihsane citée dans le rapport
L’arrestation et la détention arbitraire du directeur d’Interface Médias, la société éditrice du Maghreb Emergent et Radio M, le journaliste El Kadi Ihsane ont été citées dans le rapport RSF. L’organisation qualifie les poursuites contre Ihsane El Kadi de ‘’dérive autoritaire’’. ‘’ l’Algérie (136e) a confirmé sa dérive autoritaire en poursuivant notamment le patron de presse Ihsane El Kadi. Elle perd 2 places et reste dans la catégorie des pays où la situation de la presse est considérée comme “difficile”.