Dans un contexte de mutation économique, l’Algérie et l’Union européenne s’apprêtent à entamer des consultations techniques visant à redéfinir les contours de leur accord d’association. Une délégation de la direction générale du commerce de la Commission européenne est attendue à Alger mi-novembre pour des pourparlers qui s’annoncent déterminants.
L’évaluation décennale (2005-2015) de l’accord d’association, signé en 2002 et mis en œuvre en 2005, révèle une asymétrie flagrante dans les échanges commerciaux. Les exportations algériennes hors hydrocarbures vers l’UE n’ont atteint que 14 milliards de dollars, tandis que les importations en provenance de l’Union européenne ont culminé à 220 milliards de dollars. Un déséquilibre que Diego Mellado, nouvel ambassadeur de l’UE en Algérie, reconnaît lui-même, admettant que “les clauses de l’accord n’ont pas permis à l’Algérie de diversifier ses échanges”.
Évolution du contexte économique depuis 2002
La métamorphose de l’économie algérienne constitue l’argument central en faveur d’une révision substantielle. Comme le souligne le président Abdelmadjid Tebboune, l’Algérie de 2024 n’est plus celle de 2002. D’une économie quasi exclusivement dépendante des hydrocarbures, avec une contribution industrielle marginale de 3% au revenu national, le pays s’est progressivement mué en un exportateur de produits manufacturés diversifiés, notamment dans les secteurs de l’électroménager et des biens industriels. Cette évolution structurelle justifie pleinement la nécessité d’une refonte de l’accord, programmée pour 2025.
Le bilan global des échanges depuis l’entrée en vigueur de l’accord est particulièrement révélateur : le volume commercial cumulé atteint 1000 milliards de dollars, mais les investissements européens demeurent étonnamment modestes, plafonnant à 13 milliards de dollars, majoritairement concentrés dans le secteur des hydrocarbures. Plus préoccupant encore, ces investissements ont généré des transferts de bénéfices de 12 milliards de dollars entre 2005 et 2022, suggérant un retour sur investissement disproportionné au détriment de l’économie algérienne.
Néanmoins, des signaux positifs émergent. Les échanges commerciaux ont enregistré une croissance remarquable de plus de 20% en 2023 par rapport à 2022, suivie d’une progression de 15% au premier trimestre 2024. Cette dynamique favorable pourrait faciliter les négociations à venir, qui se concentreront sur trois axes majeurs : les règles d’origine, les normes sanitaires et phytosanitaires, et les procédures douanières.
Vers un nouveau paradigme de coopération économique
Les enjeux dépassent largement le cadre purement commercial. Pour l’Algérie, il s’agit d’obtenir un accès plus équitable au marché européen et d’attirer des investissements productifs diversifiés. Pour l’Union européenne, qui qualifie l’Algérie de partenaire “privilégié, essentiel et fondamental”, l’enjeu est double : maintenir des relations stables avec un fournisseur énergétique stratégique tout en accompagnant la modernisation de l’économie algérienne.
Les consultations techniques prévues du 10 au 12 novembre ne constituent pas une procédure d’arbitrage, comme l’a précisé Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères, mais plutôt une opportunité de dialogue constructif. L’objectif, comme l’a résumé le président Tebboune, est de parvenir à un “libre-échange dans un esprit amical”, qui serve les intérêts des deux parties dans un contexte géopolitique en mutation.