Radio M – Café Presse Politique
« Je suis en Colère, la prison est une épreuve mais je le connais depuis une quarantaine d’années, je sais qu’il résistera, c’est un moment ou la résilience peut s’aiguiser » Saïd Sadi réagissait à l’emprisonnement de El Kadi Ihsane, sur les ondes de Radio M ce mercredi au Café Presse Politique. La seule émission qui résiste à la mise sous scellée de ses locaux.
Les dirigeants algériens ont décidé de réduire au silence toute voix discordante et s’inspirent du modèle turc : « L’autoritarisme, mâtiné d’une surenchère religieuse et une caisse noire, le Qatar » analyse l’ancien président du Rassemblement Pour la Culture et la Démocratie qui estime la démarche autoritaire du pouvoir « stratégiquement réfléchie »
Saïd Sadi en veut pour preuve, la manière avec laquelle le journaliste a été arrêté « une mise en scène pour terroriser les voix insoumises en Algérie, comme avec l’ISTN, des messages sont ainsi transmis pour empêcher la mobilisation internationale », « ce que je crois vain », ajoute l’homme politique exilé en France.
A chaque fois qu’un média est fermé c’est une bougie qui s’éteint, ce sont les pratiques des années 70 qui reviennent, qui pis est, elle n’est pas une politique répressive cohérente ; Radio M en est l’illustration. « Refaire ce qu’a fait Boumediene c’est une mauvaise chose, il faut savoir composer avec le présent » ironise le politique.
Pourquoi cet acharnement interroge la présentatrice Amira Bouraoui ?
« Les dirigeants ont peur, ils ont vieilli, ils ne gèrent plus les affaires de l’état, ils n’ont pas autant de moyens qu’ils le prétendent, alors pour faire face ils se réfugient dans la violence, c’est inquiétant « Répond le militant qui réfute les accusations portées contre El Kadi Ihsane, « Même l’état algérien a des relations avec les institutions européennes qui financent ses institutions, » s’indigne Saïd Sadi avant d’ajouter « j’ai suivi la conférence de presse de ses avocats, le dossier est vide ».
Ihsane est un journaliste libre qui a le devoir d’évoquer toutes les questions de la vie politique dans notre pays, à propos de l’armée « Si elle s’était retirée de la politique personne ne parlerait d’elle » « Ihsane n’a pas parlé de l’armée, c’est le chef d’état-major Said Chengriha qui en parle, l’armée est tous les jours dans la presse, le journaliste suit les activités politiques et celles de l’armée; Chengriha a un rôle politique au quotidien » égrène l’ancien responsable du RCD.
L’homme politique, opposant chevronné rappelle la lutte constante de son vieux parti pour faire rentrer l’armée dans ses casernes.
« Depuis des années nous demandons à l’armée de se retirer de la politique. Ils gèrent les institutions de l’état et ils disent pourquoi vous parlez de nous ! S’exclame Saadi.
Le militant ne croit pas à une solution dans le cadre des institutions algériennes. « Tous les partis, tous les chefs des partis ont essayé de le faire, ils ont tous échoué.
Nous avons tous perdus, nous sommes tous responsables de cette situation admet Saïd Saadi qui s’en prend aux élites. Elles n’ont pas été à la hauteur d’un moment historique fécond » regrette-t-il.
La majorité est clientélisée, « relais d’un clan du système et pour les plus audacieux, tuteurs d’une dynamique populaire qui posait de vraies questions sur la nation, les libertés, le droit. Tant que ces questions ne seront pas abordées nous vivrons des avortements successifs des insurrections», analyse-t-il.
Nous sommes réduits à l’exil, au silence ou clientélisés, c’est une période difficile, elle ne va pas durer, « affirme l’ancien patron du RCD convaincu que l’histoire va se réécrire comme dans les années 20 avec l’immigration qui a fait germer l’idée de l’indépendance et a soutenu les luttes menées en Algérie.
« On ne peut pas demander aux militants sur place d‘affronter une justice devenue folle » lance Saïd Saadi, « c’est à la diaspora de relayer le combat, elle est une source d’inspiration et elle a une responsabilité historique ».
The Times
Ihsane El Kadi est accusé d’avoir reçu des fonds de l’étranger pour commettre ou inciter à des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État, une infraction au sens large que les critiques considèrent comme « un fourre-tout pour bâillonner la presse », commente le journaliste Charles Bremner.
« Un Journaliste indépendant accusé d’« atteinte à la sûreté de l’État », appuie-t-il entretenant crescendo la psychose qui a gagné la presse algérienne, les soutiens du journaliste et l’opinion. « L’Algérie vit l’une des pires périodes de son histoire, le régime a réduit l’opposition et tous les médias au silence tandis que le système judiciaire a disparu et est devenu un instrument entre les mains du régime ».
Les propos de Me Mustapha Bouchachi, l’un des avocats de la défense, sont cités par le quotidien britannique qui rappelle les chefs d’accusations retenues et les poursuites engagées contre El-Kadi Ihsane.
« Sa nouvelle accusation est considérée comme plus grave, passible d’une peine maximale de sept ans de prison», écrit le correspondant du Times à Paris qui y voit
un mauvais signe, « le gouvernement du président Tebboune est déterminé à mettre fin à toute critique publique », relève Bremner
« Les médias internationaux militent pour la libération d’Ihsane el-Kadi, 63 ans, après son arrestation le 24 décembre et menotté, Radio M, une radio en ligne indépendante et le site d’information Maghreb Emergent, ses deux médias, ont déjà été perquisitionnés et fermés ». Informe The Times, pour qui le président Bouteflika, a été expulsé, mais l’armée n’a pas abandonné le pouvoir.
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Le CPP /Que révèle l’affaire Ihsane El Kadi ? Chronique d’une escalade liberticide