Dans un entretien au quotidien français Le Monde publié aujourd’hui, le premier ministre, Abdelmalek Sellal, a évoqué les attentats de Paris, la lutte internationale contre le terrorisme mais aussi la situation politique interne de l’Algérie, la lettre des 19 et la présence ou pas du chef de l’Etat sur le sol algérien.
Sur cette question, il démentira formellement l’information publiée par certains médias affirmant que le président Bouteflika aurait récemment quitté l’Algérie pour se faire soigner en Europe.
« C’est Boutef qui est aux commandes ! «
« Non, le président est là et reçoit cet après-midi [jeudi 19 novembre] le premier ministre maltais. Je suis en liaison tous les jours avec lui. Il n’a pas quitté le pays. Son état de santé est toujours le même. Il suit les affaires du pays et donne ses instructions au jour le jour», a-t-il soutenu devant son intervieweuse.
Cette dernière saisira cette réponse pour rebondir sur la lettre des 19 qui faisait justement allusion à qui était aux commandes du pays. Sellal réitère son affirmation en assurant que « le pays est dirigé par le président de la République. Je le sais car je suis son Premier ministre. Les grandes décisions ne sont prises que par lui-même ou avec son assentiment. Il a la vision sur tout ».
« Le terrorisme nécessite une réponse globale »
Concernant les attentats du 13 novembre à Paris et une éventuelle similitude avec la situation qui prévalait en Algérie dans les années 90, Sellal n’a pas raté l’occasion pour rappeler que « l’Algérie a vécu seule une décennie de lutte contre le terrorisme pendant que certains s’interrogeaient ‘’qui tue qui ?’’ et remettaient même en cause l’action du gouvernement ».
Le premier ministre ajoutera dans ce sens: « nous avons vécu en Algérie ce qui se passe aujourd’hui dans certains pays, notamment en France. Nous connaissons bien cette question. Mais nous avons mis un terme à ces violences. Au début, c’est vrai, par une politique du tout-sécuritaire mais qui a été suivie par une politique de réconciliation nationale prônée par le président Bouteflika et qui a donné des résultats, puisque le pays connaît depuis la stabilité ».
Interrogé sur la solution préconisée par l’Algérie, Sellal estime qu’il est nécessaire d’avoir « une réponse globale du monde civilisé face au phénomène Daech ». Il explique dans le même sillage qu’ »aller aux Nations unies est la meilleure solution : il est nécessaire que l’ensemble des pays jouent le jeu dans cette affaire, sinon nous n’arriverons pas à venir à bout de ces groupes ».
Dépasser les divisions pour faire face à Daech
Aussi, Sellal a mis, en exergue, les contradictions existantes dans les approches des uns et des autres pour apporter une réponse au phénomène du terrorisme. Il a cité à titre d’exemple la situation en Syrie. « Ces différents pays qui agissent par mouvements interposés. Daech profite de ces divisions internationales et arrive, comble du comble, à exporter du pétrole pour acheter des armes. Ce sont des contradictions qu’il nous faut absolument dépasser », insiste le premier ministre.
Il a soutenu que l’action sécuritaire doit être accompagnée d’une autre démarche pour éteindre les foyers où ce phénomène est né. « Qu’on le veuille ou non, ce qui s’est passé en Irak, en Syrie, en Afghanistan ou en Libye a contribué à cette flambée de terrorisme. C’est ce qui a permis à ce phénomène de se développer ».
Pour Sellal, il est impératif de s’unir pour combattre Daech en mettant de côté les divisions politiques et religieuses. « Daech se nourrit de la lutte entre chiites et sunnites, des reliquats de la guerre d’Irak. Il faut avoir cette vision globale et se mettre d’accord pour que chaque pays fasse de la lutte contre le terrorisme sa priorité numéro un. Nous devons prendre conscience que le monde s’est mondialisé aussi sur le plan criminel », a-encore souligné le premier ministre.
L’Algérie est-elle aujourd’hui à l’abri d’attentats terroristes ?
A cette question le Premier ministre réponde sans hésitation: « Personne ne l’est ». Il a expliqué que « des groupes circulent, des djihadistes partis combattre, notamment en Syrie, risquent de rentrer dans leur pays d’origine. D’après les estimations internationales, le nombre d’Algériens concernés est nettement moins important que pour d’autres pays de la région [moins d’une centaine].
Cela s’explique notamment par la conscience de ce que nous avons vécu pendant la décennie 1990, par la politique de réconciliation qui a été menée. Pour autant, personne n’est à l’abri. Nous continuons à prendre des mesures pour combattre le terrorisme. Comme lors de l’attaque contre le site gazier de Tiguentourine [prise d’otages en janvier 2013, 37 otages tués]. Pour peu que vous alliez dans la complaisance, vous ne vous en sortirez pas, car vous n’avez pas à faire à un ennemi classique ».
« Si nous ne faisons rien en Libye, il y aura un autre Daech aux portes de l’Europe »
Sellal saisit cette tribune du Monde pour avertir une nouvelle fois contre le danger libyen. Il annonce que l’Algérie réunit le 1er décembre prochain tous les pays voisins, la Tunisie, le Niger, le Tchad, le Soudan, et l’Egypte.
« Il faut pousser à la mise en place de ce gouvernement de transition, et lui donner des moyens pour stabiliser le pays, sinon c’est un autre Daech qui sera aux portes de l’Europe. Depuis les bombardements en Syrie, certains djihadistes sont revenus en Libye », avertit-il en insistant sur le jeu de la sécurité et de la stabilité en Méditerranée auquel que joue l’Algérie aujourd’hui.
L’impératif de diversifier l’économie
Sur la situation économique du pays, le premier ministre a expliqué que malgré une chute drastique des recettes du pays [avec une perte de 40 % en dollars], « deux mesures prises par le président : la décision de rembourser notre dette par anticipation et celle de créer un fonds de réserve » permettent au pays « de passer le cap sur trois à quatre années. A condition de prendre des mesures pour réduire nos importations et réorienter l’économie pour créer de la richesse en dehors des hydrocarbures ».
Une situation qui nécessite une vigilance accrue. « Nous ne sommes pas dans la situation de crise des années 1980 où le pays était endetté et n’avait presque plus de réserves. Nous avons devant nous trois ou quatre ans. Il faut absolument que l’on réussisse le pari de la diversification économique », conclut-il.