Au Maroc, la corruption a la peau dure. Selon une enquête réalisée par un organe local de prévention de la corruption, plus de 75% des marocains pensent que la corruption perdure dans le pays. Le programme national de lutte et de prévention mis en place par le gouvernement, marque, quant à lui, un important retard dans son application.
Une enquête locale réalisée par l’Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC) en 2015 indique que 75% de la population marocaine estiment que »le phénomène de la corruption perdure ». Mieux, »89% des citoyens questionnés estiment que la situation se détériore et 72% se disent insatisfaits de l’action gouvernementale en matière de corruption. » Le gouvernement a bien lancé un vaste programme national de lutte et d’éradication de la corruption, mais, selon Transparency Maroc, il n’avance pas. C’est le 3 mai 2016 qu’a été lancée officiellement le programme, intitulé Stratégie nationale de lutte contre la corruption. Dix programmes comprenant 239 projets ont été ainsi lancés, le gouvernement prévoyant de réduire le taux de perception de la corruption à 45% à l’horizon 2025. La mise en oeuvre de ce vaste programme va mobiliser un budget de 1,8 milliard de Dirham, et un premier budget de 840 millions de Dirhams (MDH) avait été arrêté pour la 1èere phase qui s’étend jusqu’à fin 2016. La 2eme phase, qui va de 2017 à 2020 nécessite un budget de 937 MDH, alors que la 3eme (2021-2025) va mobiliser 18 MDH. La première phase de ce programme est la plus importante, car elle conditionne la réalisation des deux autres. Dans le pipe, il y a 174 projets, soit près de 73% du total du programme, et portent sur plusieurs domaines, dont la bonne gouvernance, la prévention, la répression, la communication et sensibilisation et la formation. De vastes chantiers, qui devraient être réalisés au niveau de tous les ministères (Industrie, Intérieur, Commerce, Fonction publique, Economie et Finance, Justice, Communication, …).
Un programme sans impact réel
La mise en oeuvre de ces projets devrait se traduire par une amélioration du service d’accueil et orientation dans les administrations. Et, surtout, la fin progressive de la corruption, qui gangrène l’administration marocaine. Mais, une année après le lancement du programme, »rien n’a été fait », estime Fouad Abdelmoumni, président de Transparency Maroc. »Le gouvernement n’a pas assumé la stratégie puisqu’il n’a pas respecté le calendrier et a fixé des délais exorbitants », estime t-il, affirmant qu’aucune réunion d’évaluation d’étape n’a été tenue par le chef de gouvernement. »Depuis la dernière réunion qui a eu lieu le 28 décembre 2015, aucune autre rencontre n’a été organisée et rien ne nous a été communiqué sur l’état d’avancement », explique M. Abdelmoumni. Un haut cadre de l’administration, qui a confirmé qu’ »aucune réunion n’a été organisée depuis fin 2015 », précise cependant que »les travaux avancent à un bon rythme ». Le chef de gouvernement doit même, a-t-il ajouté, recevoir avant la fin de l’année le rapport d’évaluation de la 1ère phase, en sa qualité de président de la commission nationale anti-corruption. Mais, une source proche du dossier a expliqué dans une déclaration à »La VieEco » qu »’il est difficile aujourd’hui d’atteindre les objectifs fixés dans les délais puisqu’il y a un important glissement dans le calendrier. 2016 étant une année électorale, tous les projets sont à l’arrêt depuis le mois d’août. Les lois qui devaient être votées ne sont pas encore adoptées par le Parlement et cela bloquera la mise en œuvre des principaux chantiers. » Bref, le programme de mise en oeuvre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption au Maroc a du chemin à parcourir.
Plus de 47.000 plaintes pour corruption
Sur les 47.000 plaintes reçues par le numéro vert du ministère de la justice concernant des affaires de corruption, depuis son lancement en 2012, rares sont celles qui ont abouti. »Ces affaires ont été transmises au parquet, mais rien n’a été communiqué sur le sort des personnes impliquées », estime une source proche du dossier. Transparency International (TI) a classé le Maroc dans son 21eme rapport annuel publié en janvier 2016 sur l’indice de perception de la corruption dans le monde à la 88eme place sur 168 pays, avec un score de 36 points sur 100. Le Maroc a perdu 8 places et 3 points par rapport à l’édition 2014. Le gouvernement a à plusieurs reprises annoncé sa volonté de lutter contre la corruption. Sans résultats. Au Maroc, la corruption dans les administrations publiques n’est un secret pour personne. La tentative de nettoyage opérée en 2010 sous le gouvernement d’Abbas El Fassi (Istiqlal) n’a rien donné.
Conséquence de la corruption: 55% de marocains sont analphabètes
Plus grave, un rapport de la Cour des Comptes pour l’année 2008 et rendu public en avril 2010 avait épinglé des entreprises publiques et des administrations, dont »la Marocaine des jeux et des sports », la »Société nationale de transport et de logistique » (SNTL), l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, l’Office national des aéroports (ONDA) ou encore le ministère de l’Energie et des Mines. Plus grave, le comité marocain ‘’pour la protection des deniers publics’’ estime que les détournements d’argent et la dilapidation des deniers publics au Maroc durant les 50 dernières années ont fait que 51,5 % de la population marocaine sont analphabètes, 46 médecins seulement pour 100.000 habitants, seulement 15 % de la population marocaine bénéficient de la couverture sanitaire et un quart des marocains vivent avec moins d’un dollar par jour. Quant à ‘’TI’’, elle estime dans un récent rapport que »les crimes économiques au Maroc ont provoqué le recul de la production intérieure brute de 5,6 % dans les années 70 et 2,4 % à la fin des années 90 et le début du troisième millénaire. »