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Subventions ciblées : Ce que l’Iran peut apprendre à l’Algérie (Opinion)

Par Saïd Djaafer
mai 31, 2017
Subventions ciblées : Ce que l’Iran peut apprendre à l’Algérie (Opinion)

 

L’Etat algérien dépense sans compter, subventionne un grand nombre de produits de premières nécessités, comme les céréales, l’eau et le lait, l’électricité et le carburant. Intenable. Et si on regardait l’expérience de l’Iran, suggère le Pr A.Mebtoul.

 

En Algérie, un chef d’entreprise nationale ou étrangère tout comme le salarie  qui gagne le SNMG, bénéficiet des prix subventionnés. Ces subventions généralisées sont régressives et manquent d’équité : plus vous êtes riche, plus vous en bénéficiez.  Conserver cette politique coûte de plus en plus cher.

 Un rapport de la Banque mondiale souligne qu’en moyenne dans le monde, 20% des plus riches bénéficient six fois plus que 20% des plus pauvres des subventions et recommande un ciblage des programmes d’aide sociale pour aider les ménages pauvres et vulnérables.

 Début 2016, le gouvernement algérien a augmenté le prix de l’essence et d’autres produits énergétiques pour la première fois depuis 2005.  Malgré une hausse sensible de 34 %, l’essence algérienne figure toujours parmi les moins chères au monde : son prix est un peu plus élevé que celui de l’eau minérale. Là également, il se trouve qu’une essence bon marché profite surtout aux ménages aisés.

 Selon la banque mondiale, les 20 % d’Algériens les plus riches consomment six fois plus de carburant que les 20 % les plus pauvres. De fait, les subventions des carburants et de l’électricité profitent de manière disproportionnée aux riches, qui ont plusieurs voitures. Ils ont également des maisons plus grandes équipées de la climatisation.

 Le prix du pain est subventionné depuis 1996. Sans subvention, le prix de la baguette fixé actuellement de manière officielle à 8,50-10 dinars, dépasserait 25/30 DA. Les boulangeries se rabattent sur les pâtisseries pour équilibrer leur budget avec souvent du gaspillage.

 Les subventions octroyées coûtent au Trésor public un différentiel qui reste mobile en fonction des fluctuations du prix d’achat de la matière première sur les marchés mondiaux.  Mais le Trésor public paie ce différentiel, quel que soit son niveau, ce qui favorise la contrebande aux frontières. 

La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du grand Sud.

 L’objectif stratégique 2017/2020 sera de concilier l’efficacité économique et la justice sociale en allant vers le ciblage pour les catégories les plus défavorisées et les segments que l’on veut promouvoir mais provisoirement.

Les subventions généralisées faussent l’allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d’avoir une transparence des comptes. Elles faussent les normes de gestion élémentaires et les prévisions tant au niveau micro que macroéconomique.

 Ce qui aboutit au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Elles découragent la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays.

 Une question essentielle se pose : qu’en sera-t-il avec après les trois années dégrèvement tarifaire avec l’Europe horizon 2020 ? Quid aussi de l’éventuelle adhésion à l’OMC où les produits énergétiques sont également concernés notamment par la suppression de la dualité du prix du gaz. Dans ce domaine, l’adhésion de la Russie et de l’Arabie Saoudite à l’OMC doit méditée par les autorités algériennes.

 

Pour une chambre nationale de compensation

 

L’Etat algérien n’a plus avec le niveau actuel du prix des hydrocarbures les moyens de continuer à subventionner certains produits. En 2008, j’avais préconisé la mise en place d’une, l’instauration d’une chambre nationale de compensation indépendante, au niveau du Premier ministre.

 Sa mission consiste à mettre en place un système de péréquation intra socioprofessionnelle et interrégionale ciblé (un audit a été réalisé sous notre direction pour la présidence de la république- 2007/2008- dossier emploi-salaires). Que de retards et de pertes de temps depuis.

L’expérience iranienne face à la baisse du cours des hydrocarbures des subventions ciblées peut être méditée par l’Algérie.   L’Iran a décidé de revoir les subventions généralisées non ciblées, source de gaspillage, de situations de rentes et de détournements de fonds.

 Cela constituait une cause d’une hémorragie permanente dans l’économie iranienne empêchant la canalisation des richesses dans le système de production intérieure et le développement du pays.

 Le dispositif de subventions indirectes, dont le coût était estimé à 27 % du PIB en 2007/2008 (soit approximativement 77,2 milliards de dollars), a été remplacé par un programme de transferts monétaires directs aux ménages iraniens.

 Le second volet de la réforme des subventions, lancé au printemps 2014, prévoyait un ajustement des prix pétroliers plus graduel qu’envisagé auparavant et un ciblage plus large des transferts au bénéfice des foyers à faible revenu

 Près de 3 millions de ménages à revenu élevé ont déjà été rayés des listes des bénéficiaires.  L’impact de ces mesures est chiffré : le taux de pauvreté a reculé de 13,1 à 8,1 % entre 2009 et 2013 (sur la base d’un seuil de pauvreté de 5,5 dollars en parité de pouvoir d’achat de 2011).

 Cette évolution, selon le FMI, est probablement à imputer à la mise en place, fin 2010, d’un programme universel de transferts monétaires, prélude à la suppression des subventions à l’énergie et au pain.

 

Une question de volonté politique

 

Le programme semble avoir plus que compensé la hausse attendue des factures d’énergie des ménages les moins aisés et contribué, ce faisant, à améliorer le pouvoir d’achat des 40 % les plus pauvres de la population. Cette démarche aurait conduit à une réduction des dépenses de l’Organisation des subventions ciblées (TSO) de 4,2 % du PIB en 2014 à 3,4 % en 2016.

 De manière plus globale, la grande question au niveau mondial sera de revoir la politique des subventions des énergies fossiles qui pénalisent la transition énergétique. Chaque année dans le monde, 5. 300 milliards de dollars (10 millions de dollars par minute) sont dépensés par les Etats pour soutenir les énergies fossiles, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI) rapport pour la COP21.

 Mais la plupart des dirigeants du monde prennent conscience de l’urgence d’aller vers une transition énergétique.  Qu’en est-il en Algérie ? Le problème posé par les subventions généralisées est celui de l’existence, ou non, d’une vraie volonté politique.  L’enjeu est économique mais aussi social et politique.  La concentration excessive du revenu national au profit d‘une minorité rentière, renforce le sentiment d’une profonde injustice sociale.

 

(*)Professeur des   universités, expert international

[email protected]

 

 

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