Une course contre la montre entre la solution politique et l’intervention militaire semble engagée. Tous les ingrédients semblent être réunis pour donner du poids aux appels à une intervention militaire étrangère en Libye*.
L’heure est à l’escalade en Libye entre les milices alors que la mission de mission de l’ONU en Libye (Unsmil) cherche à réunir lundi les protagonistes de la crise pour une réunion de dialogue.
Les perspectives politiques sont plutôt au pessimisme. Les différents protagonistes libyens, encouragés par leurs soutiens régionaux, ne vont pas dans le sens des concessions mutuelles.
Dans ce contexte, l’appel à l’intervention militaire lancé à la mi-décembre par le groupe de 5 pays du Sahel est désormais fortement relayé par la France alors que l’Algérie reste fortement opposée à une telle entreprise.
L’histoire semble ainsi se répéter. En 2011, dans une position défensive dans le contexte du « Printemps arabe », l’Algérie était hostile à l’intervention de l’Otan en Libye alors que la France de Sarkozy était en pointe pour une action militaire.
Début 2015, la même divergence d’appréciation sur ce qu’il faut faire en Libye s’exprime entre Alger et Paris. A la différence près que les conséquences catastrophiques de l’intervention occidentale en Libye permettent à l’Algérie de défendre sa vision de la solution politique avec plus de pugnacité.
Le ministre français de la Défense, très « interventionniste », a adapté son discours de sorte que « l’intervention internationale » ne paraisse pas comme antinomique avec la « solution politique ».
« Une issue n’est pas possible sans intervention internationale en Libye (…) [Elle] est indispensable à la réconciliation de tous les Libyens, y compris kadhafistes » a-t-il déclaré.
« Le rôle des institutions internationales consiste à aider et non pas à se substituer (dans les affaires internes des pays souverains). Par conséquent, nous ne pouvons accepter l’intervention militaire étrangère en aucune façon en Libye », a déclaré il y a encore peu le chef de la diplomatie algérienne.
Malgré l’escalade de la violence en Libye et l’accroissement des pressions en faveur de l’intervention, l’Algérie maintient sa vision.
« L’Algérie poursuivra, en dépit de l’adversité, sa mission qui consiste à accompagner les forces vives libyennes ayant marqué leur disponibilité à œuvrer pour une solution politique », a déclaré le ministre du Maghreb et des Affaires africaines Abdelkader Messahel le 28 décembre dernier.
Le contrôle du pétrole, un gros enjeu
Une course contre la montre entre la solution politique et l’intervention militaire semble engagée. Tous les ingrédients semblent être réunis pour donner du poids aux appels à une intervention militaire étrangère en Libye.
L’enlèvement d’une vingtaine de coptes égyptiens à Syrte vient donner une touche « religieuse » à une guerre qui n’épargne plus aucune région, ni aucun secteur. Même le domaine pétrolier, vital pour le Libyen, est désormais l’enjeu d’une féroce et destructrice bataille entre les protagonistes.
La seule bonne nouvelle a été l’annonce vendredi que l’incendie du terminal pétrolier libyen d’Al-Sedra, déclenché le 25 décembre dernier à la suite d’un tir de roquette, a été éteint. 7 réservoirs de stockage avaient été touchés par le feu. Le gouvernement de Tobrouk n’a pas eu à débourser 5 millions d’euros à une entreprise américaine pour l’envoi d’experts pour éteindre l’incendie. Les moyens locaux ont suffi.
La tendance reste à l’escalade entre le gouvernement, reconnu au plan international mais installé à Tobrouk, dans l’extrême-est du pays – et la coalition de Fajr Libya, une alliance dans laquelle les islamistes sont présents.
Mais la bataille pour le contrôle du « croissant pétrolier » engagée par Fajr continue. La chaîne qatarie al-Jazeera fait état de 5 morts et d’une cinquantaine de blessés dans les alentours du terminal al-Sedra dans des affrontements entre Fajr Libya et des miliciens en charge de la sécurité des installations.
Guerre totale
A Benghazi, les affrontements se poursuivent et auraient fait 6 morts selon Al-Jazeera, dans les rangs des forces du général Khalifa Haftar. Samedi, le gouvernement de Tobrouk, a annoncé que des éléments du Daech ont tué 14 soldats libyens, sur une route au nord de Sebha, la principale ville du sud du pays.
Le gouvernement de Tobrouk a officiellement réintégré le général Khalifa Haftar dont les avions ont entrepris ces derniers jours de mener des raids contre la ville portuaire de Misrata, d’où viennent les miliciens qui constituent la force principale de Fajr Libya.
L’escalade vers la « guerre totale » constitue un énorme obstacle à la reprise du dialogue politique, lancé le 29 septembre à Ghadamès (sud) sous l’égide de l’émissaire spécial de l’ONU en Libye, Bernardino Leon. Un dialogue politique que l’Algérie soutient fortement comme étant l’unique voie de salut pour la Libye.
Mais les différents protagonistes, soutenus par des alliés régionaux, se montent inflexibles. Fajr Libya exige la dissolution du parlement installé à Tobrouk en invoquant un arrêt de la cour suprême invalidant les élections de juin.
Le gouvernement de Tobrouk refuse de discuter avec Fajr Libya en invoquant la présence dans ses rangs du groupe Ansar Al-Charia, classé dans la liste des groupes terroristes.
La mission de soutien des Nations unies à la Libye (Unsmil) a souligné que les combats, très violents à Benghazi, ont gagné en intensité dans l’ouest et le Sud, faisant près de 800 morts en deux mois dans tout le pays ».
« Les raids aériens contre Misrata et les combats dans le « croissant pétrolier » font peser la menace d’une « guerre totale » a estimé l’Unsmil.
La Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) a appelé « toutes les parties à œuvrer en faveur d’une désescalade du conflit et les invite à prendre des mesures courageuses afin d’enrayer ce cycle de la violence qui, s’il se poursuivait, conduirait le pays au chaos et à une guerre généralisée ».
(*) Cet article a été publié initialement dans le Huffington Post algérie.