Attendue depuis quelques jours, la lettre d’Ahmed Taleb El Ibrahimi va probablement surprendre les adeptes du « wishful thinking » qui appelaient à l’instauration d’un pouvoir militaro-civil présidé par l’ancien ministre des Affaire étrangères sous Chadili et qui est devenu un emblème vivant pour les « anti-Hirak ».
Cette lettre a d’abord été cosignée avec Maître Ali Yahia Abdennour et le Général Benyellès et reconnait le caractère pacifique et pur des manifestations depuis le 22 février. « Les manifestations qu’a connu le pays durant treize vendredis consécutifs, ont suscité l’admiration de toutes les nations, par leur caractère pacifique et du fait du nombre impressionnant de marcheurs. Elles nous ont rendu notre dignité qui avait été piétinée. Et en plus du sentiment de fierté qu’elle a fait naître en nous, elle a renforcé l’unité nationale et le besoin de vivre ensemble en dehors de nos différents politiques ou nos sensibilités culturelles ou idéologiques » note le communiqué.
Et d’ajouter : » Les manifestants, dont le nombre a atteint un record inégalé, après avoir contraint le président à démissionner, réclament aujourd’hui un Etat de droit à l’ombre d’une véritable démocratie, qui soit précédée par une période de transition courte dirigée par des hommes et femmes qui n’ont pas participé au pouvoir ces 20 dernières années. Cette période est nécessaire pour prendre les mesures nécessaires afin que de permettre au peuple de s’exprimer démocratiquement ».
Le trio signataire de la lettre constate la situation de blocage dans lequel se trouve le processus politique et qui comporte un grand danger pour le pays, surtout si on y ajoute les tensions internationales. Il en conclue que l’entêtement à maintenir la date du 4 juillet pour les élections présidentielles relève du même danger. Allant jusqu’à se demander « comment imaginer alors que l’on organise des élections libres et transparentes alors qu’elles sont rejetées par la majorité de la population, car elles sont organisées par des institutions encore dirigées par des forces non-qualifiées et contre l’idée d’un changement politique en Algérie? »
Enfin, les auteurs de la lettre qui se présentent comme les auteurs de l’appel du sept octobre 2017, demandent à l’armée à ouvrir un dialogue franc et honnête avec les représentants du Hirak populaire, des partis politiques qui soutiennent le mouvement pour le changement et des forces sociales qui lui ont apporté son soutien, afin de trouver une solution politique consensuelle au plus vite pour répondre aux aspirations politiques légitimes du peuple réclamées depuis plus de trois mois.
Ainsi rédigé, ce document est une véritable claque aux supporters d’Ahmed Gaïd Salah, qui refusaient tout dialogue avec le Hirak en le réduisant à la simple conspiration internationale et en niant l’évidence du nombre d’algériens qui sortaient dans la rue pour réclamer le changement.
L’utilisation par Ahmed Taleb el Ibrahimi d’une terminologie comme : Hirak, nouvelle République, transition, va à l’encontre du lexique de ceux qui font partie de ce qui a été appelé « mouches électroniques » et de leurs idéaux proches du changement politique en Egypte.