Pour le consultant en transition énergétique Tewfik Hasni, le programme national de développement des énergies renouvelables souffre d’avoir été « mal cerné ». « Notre véritable point fort et notre vrai avantage comparatif, c’est le solaire thermique », martèle-t-il.
A Alger ces jours-ci, on ne parlera pas seulement de pétrole et de concertation entre producteurs OPEP et non OPEP. On parlera aussi de transition énergétique. A la veille de l’ouverture du Forum International de l’Energie, c’est Tewfik Hasni, un ancien vice président de Sonatrach et ex PDG de NEAL, la filiale commune de Sonatrach et Sonelgaz dans le domaine des énergies renouvelables qui est venu le rappeler sur la webradio Radio M. Il est depuis de nombreuses années l’avocat infatigable de l’option de l’énergie solaire.
Tewfik Hasni commence par rappeler que le gouvernement algérien a annoncé dès 2011 un programme colossal de développement des énergies renouvelables, révisé en hausse, et qui devrait permettre de produire la quantité considérable de 22 000 MW en 2030.Un programme qui a même été érigé récemment en « priorité nationale » par un Conseil des ministres réuni sous la présidence du Chef de l’Etat. Le problème c’est que « ce programme est malheureusement très en retard et seule la centrale expérimentale de Hassi R’mel est aujourd’hui fonctionnelle avec une capacité de 25 MW. Soit tout juste un millième du programme annoncé ». Un programme qui souffre aussi selon Tewfik Hasni d’une « focalisation excessive sur le photovoltaïque » et pour lequel des projets d’une capacité totale de 400 MW sont en cours de réalisation qui « seront équipés avec des panneaux importés de Chine ».
Un programme « mal cerné »
Selon l’expert algérien, ce programme souffre d’avoir été « mal cerné ». « Notre véritable point fort et notre vrai avantage comparatif c’est le solaire thermique » martèle-t-il, rappelant que l’ « espace saharien est l’un des seuls au monde à permettre la mise en œuvre d’une telle solution pour la génération électrique ». Dans ce domaine, il relève une série d’« avancées récentes » dont il crédite le nouveau ministre de l’Energie, M. Nouredine Bouterfa , qu’il qualifie de « personne aux idées pragmatiques ». La première de ces avancées a quasiment été passée sous silence par les médias algériens et concerne selon Tewfik Hasni un « rééquilibrage entre solaire thermique et solaire photovoltaïque au sein d’un programme national de développement des énergies renouvelables qui, jusqu’à une date récente, reposait presqu’exclusivement sur le photovoltaïque et l’éolien ».
Le monopole de Sonelgaz remis en question
Comme Beaucoup d’experts algériens,Tewfik Hasni ne comprend pas qu’on ait confié dans ce domaine un monopole à Sonelgaz « alors que la loi a consacré l’ouverture du secteur à l’ensemble des acteurs algériens ». Il se félicite donc de la demande adressée par M.Nouredine Bouterfa à Sonatrach de « s’impliquer dans le développement du renouvelable à l’image de ce que font toutes les grandes compagnies internationales ». Une déclaration suivie à peine quelques jours plus tard par un accord conclu entre Sonatrach et les Italiens de l’ENI sur le projet de construction d’une centrale solaire. Un projet qui ne soulève pas l’enthousiasme de Tewfik Hasni en raison de sa taille modeste, 10 MW, mais également de la filière adoptée. « Encore le photovoltaïque » .
Des « sociétés de développement » pour booster la filière
Compte tenu des coûts considérables du programme de développement des énergies renouvelables et de la situation actuelle des finances nationales, l’expert algérien n’est pas surpris par les propos récents de M. Bouterfa sur la nécessité du recours au partenariat international qui, précise-t-il, est « susceptible d’apporter le capital et la technique mais pourra aussi faire appel à des sources de financements nationales ». Tewfik Hasni, qui planche actuellement, avec un groupe d’experts algériens parrainés par le FCE, sur un projet d’organisation de la filière, propose notamment de confier d’abord à « des sociétés de développement » qui « pourraient ensuite être associée au tours de table des actionnaires » , le soin d’assurer la maturation et de concevoir l’architecture générale des programmes. Ils devront s’appuyer en priorité sur des partenariats publics-privés et des « organisations en technopoles » regroupées éventuellement au sein de zones franches, suggère l’expert algérien qui dans le même esprit, recommande « de lancer des appels d’offre pour des programmes et non pas pour des projets ».
Revoilà le 51 /49!
Dans le but de donner un maximum de chances à la réussite des programmes de développement de la filière, Tewfik Hasni considère « la prise en considération et la levée des risques sécuritaires, de marché et des contraintes administratives comme des préalables » . L’expert algérien regrette également que « les décrets pour les tarifs du solaire thermique qui seraient des incitations puissantes au développement de la production n’existent toujours pas ». Last but not least, il suggère enfin, toujours sur le chapitre de l’aménagement du cadre juridique, que la règle en vigueur du 51 /49 risque d’être un obstacle majeur en rappelant que dans le projet de centrale de Hassi R’mel, dont il a été le principal artisan, l’associé espagnol détient 65 % du capital. Un projet qui, ajoute-t-il, a fait d’ailleurs l’objet d’ « un copier – coller pur et simple de la part des autorités marocaines dans leurs projets récents de développement du secteur ».
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