La Tunisie a un nouveau premier ministre, chargé de former un gouvernement sous quinze jours.
Par petites touches, souvent dans la douleur, la Tunisie avance. Elle a franchi, vendredi, un nouveau pas vers une sortie de crise, avec la désignation d’un nouveau premier ministre, Mehdi Jomaa, chargé de préparer le pays à de nouvelles élections. La Tunisie et ses partenaires espèrent que la nouvelle étape, destinée mettre en place un pouvoir plus stable, permettra au pays de trouver de nouveaux équilibres après la chute de Ben Ali et la « révolution du jasmin », qui avait marqué le point de départ du « printemps arabe ».
Le consensus a été difficile à trouver autour du nouveau premier ministre. Le parti islamiste Ennahdha, large vainqueur des premières élections post-Ben Ali, a tenté de préserver ses positions, mais il a été contraint de céder du terrain, face aux demandes internes et externes. Maintenu sous une pression constante de l’opposition libérale, Ennahdha a rapidement admis qu’il ne pouvait gouverner seul, d’autant plus que le cas égyptien, où des islamistes sont arrivés au pouvoir par les urnes, a montré que l’expérience tunisienne pouvait tourner à tout moment. En Tunisie même, la conjoncture n’était guère favorable. L’assassinat de deux dirigeants de l’opposition a cristallisé les mécontentements, et place le parti de rached Ghannouchi dans une position intenable.
Les concessions d’Ennahdha
Ennahdha avait cédé, dans un premier temps, en acceptant de changer un premier ministre fortement décrié, Hamdi Jebali, pour le remplacer par son ministre de l’intérieur, Ali Laarayedh, appelé à sévir face aux islamistes radicaux. Mais Laaryedh était à son tour remis en cause, alors que le pays peinait à trouver un accord sur la nouvelle constitution.
Ennadha a finalement choisi d’éviter la confrontation. Le parti islamiste a cédé sur la constitution, en acceptant que la liberté de conscience soit reconnue. Dans le même temps, il acceptait de céder le gouvernement à une équipe moins marquée politiquement. Et c’est finalement Mehdi Jomma, 52 ans, ancien ministre de l’industrie, qui est chargé de former un gouvernement « neutre ». Mais celui-ci a aussitôt souligné le caractère empoissé du cadeau qui lui était offert. Il a promis de « faire tout ce qui est possible », mais a tout de suite prévenu : il ne faut pas attendre de miracles ».
Une marge très réduite
Cette prudence est liée à deux facteurs. La situation politique interne est encore confuse. Les négociations vont se poursuivre pour élaborer la nouvelle constitution, et il est probable qu’Ennahdha, qui poursuit sa mutation politique, lâchera encore du lest, en espérant reprendre la main lors des élections. Quant à la situation économique, elles est encore plus compliquée, avec un tourisme sinistré, une croissance en berne et des perspectives peu encourageantes.
A cela s’ajoute la menace d’un terrorisme qui plane sur la Tunisie. Pour l’heure, les actes terroristes semblent se limiter au mont Chaambi, près de la frontière algérienne, mais l’assassinat de deux opposants, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, a montré que la dérive est toujours possible.
La Tunisie peut toutefois compter sur deux atouts importants : l’habileté politique du président Moncef Marzouki, et le soutien de puissances influentes, intéressées par le succès de l’expérience tunisienne.