Tunisie - La Banque mondiale "découvre" le capitalisme des copains de Ben Ali - Maghreb Emergent

Tunisie – La Banque mondiale “découvre” le capitalisme des copains de Ben Ali

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Une étude de la Banque Mondiale intitulé “All in Family, State Capture in Tunisia” montre que le clan Ben Ali captait près du quart des bénéfices du secteur privé. Ce n’est pas un scoop. Mais la Tunisie si facilement présentée en “exemple” par le FMI et la BM est une illustration de ce qu’est le business en régime autoritaire. Un «capitalisme de copinage » dans un Etat privatisé par des intérêts restreints.

 

La Banque Mondiale (BM) semble découvrir ce que tout sait depuis longtemps. Les documents fuités par Wikileaks fin 2010 décrivaient, dans un câble daté du 23 juin 2008, intitulée « poétiquement » pour un document diplomatique « corruption in Tunisia : Whats’s yours is mine » les turpitudes attribuées à l’entourage de Ben Ali et à la corruption qui gangrène l’administration tunisienne. En 3000 mots, l’ambassadeur décrivait comment une partie était mise en coupe réglée et comment les privilégiés utilisent l’administration comme bon leur semble pour obtenir ce qu’ils désirent. Cela concerne aussi bien l’immobilier, le foncier que les opérations financières publiques (comme la privatisation de la Banque de Tunisie). Selon le câble qui a fait grand bruit à l’époque à la veille de la révolution, la frénésie d’accaparement n’épargne que les Investissements étrangers. L’étude réalisée par la Banque Mondiale en fait le constat. Le document, « Tout dans la famille, capture d’Etat en Tunisie) chiffre à plus de 21% la part de la famille de Ben Ali dans les profits du secteur privé à la fin 2010. Elle se base sur les données de 220 entreprises recensées par la Commission de confiscation créée après la fuite de Ben Ali. La commission s’était en effet chargée de recenser les biens appartenant aux proches de ben Ali.

Une législation pour monopoliser les secteurs juteux

L’étude fait un croisement entre les données de ces entreprises et la législation du pays. Elle montre que la législation a été asservie sur une période longue – 17 ans – aux intérêts du clan et à la protection de ses membres de toute concurrence. Et si les investissements étrangers étaient protégés contre les menées agressives du clan, cette législation qui protège le clan a eu pour effet de l’entraver. « Les données collectées font état de 25 décrets promulgués au cours de cette période qui introduisaient de nouvelles exigences d’autorisation préalable dans 45 secteurs différents et de nouvelles restrictions en matière d’investissements directs étrangers (IDE) dans 28 secteurs. Conséquence : plus d’un cinquième des bénéfices du secteur privé revenait aux entreprises des proches du régime” indique la Banque mondiale. Dans ces secteurs d’activité dont le bâtiment et la téléphonie, l’analyse des données des 220 entreprises montre que la part de marché d’une société détenue par le clan Ben Ali était ainsi en moyenne 6,3% plus importante que celle d’une société concurrente.  La politique industrielle de l’Etat n’était qu’un « écran de fumée dissimulant des situations de rente», souligne Bob Rijkers, un des auteurs du rapport.

Le système Ben Ali n’a pas «changé de façon significative »

Quant à l’ouverture économique de la Tunisie, si louée en Occident et par les institutions financières internationales, ce n’était qu’un « mirage ». En réalité, grâce à la mise en captivité de l’Etat, la législation mise en place permettait aux membres du clan de monopoliser les secteurs les plus juteux. Et pour cause, l’accès à ces secteurs était « protégé, principalement par un système d’autorisations préalables et le recours aux pouvoirs exécutifs pour modifier la législation en faveur du régime, créant ainsi un système à grande échelle de capitalisme de copinage”.  Le rapport recense la confiscation 550 propriétés immobilières, 48 bateaux et yachts, 367 comptes bancaires et près de 400 entreprises appartenant au clan Ben Ali. Mais avertit, Antonio Nucifora, un des auteurs du rapport, le « capitalisme de copinage » n’a pas disparu avec la fuite de Ben Ali. Il souligne que le système économique qui existait sous Ben Ali n’a pas changé de façon significative” trois ans après la révolution. “Les Tunisiens se sont débarrassés de l’ex-président Ben Ali et des pires aspects de la corruption, mais les politiques économiques restent largement intactes et sujettes à des abus. Le cadre de politiques publiques hérité de l’ère Ben Ali perpétue l’exclusion sociale et favorise la corruption”.

 

 

Lire aussi – “L’éléphant dans la pièce” : un câble accablant de l’ambassadeur Godec sur la Famille régnante Corruption en Tunisie : ce qui est à toi est à moi – Paru dans Maghreb Emergent le 12 décembre 2010

 

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