La loi de réconciliation administrative vient de faire l’objet d’un recours en inconstitutionnalité. En toute logique juridique, elle doit être retoquée, car la réconciliation dont il s’agit est fausse, étant basée sur une flagrante injustice.
Cette loi est vicieuse, en effet. Elle concerne des fonctionnaires ayant été auteurs de méfaits avérés. Or, on veut passer l’éponge sur ce passé honteux au prétexte que ces fonctionnaires n’étaient que des pions dans un système où ils ne pouvaient que s’exécuter.
Déjà, ce raisonnement n’est pas crédible, car de tels fonctionnaires, au lieu d’aller dans le sens des abus, sinon les devancer, pouvaient refuser de vendre leur âme au diable, ce qui le fortifiait. Or, il y a bien de tels fonctionnaires justes, et qui ont payé cher leur attachement aux valeurs et au droit.
Justement, et c’est le second argument contre cette loi vicieuse, ces fonctionnaires ayant été brimés par l’ancien régime, et continuant de l’être sans avoir été auteurs de méfaits, n’arrivent toujours pas à avoir, non pas réparation du mal qui leur a été et est fait, mais juste de rentrer dans leurs droits légitimes.
La réconciliation dont parle la loi aurait été crédible si elle s’était insérée dans le cadre d’une logique de justice pour tous, tenant compte d’abord de ces fonctionnaires innocents.
Ce qui est inadmissible, c’est qu’un grand nombre de tels fonctionnaires, auteurs de nul méfait, et qui ont été brimés injustement, n’arrivent surtout pas à obtenir la reconnaissance de leurs droits légitimes.
C’est, par exemple le cas au ministère des Affaires étrangères – et je suis bien placé pour en témoigner, étant un des cas de telles injustices qui ont toujours cours et que le ministre actuel, M. Jhinaoui, tout comme ses prédécesseurs, n’arrive pas à lever. D’ailleurs, l’un de ces cas, a fait l’objet d’une audience publique de l’Instance Vérité et Dignité.
Aussi, il aurait été juste soit de commencer par apurer de tels cas pendants de fonctionnaires propres avant de songer aux autres qui ont eu quelque chose à se reprocher, soit d’y étendre les dispositions de la loi afin de n’être plus aussi boiteuse qu’elle l’est, injuste même.
Des fonctionnaires innocents encore brimés
Le nombre de fonctionnaires innocents de tout méfait et donc insusceptibles de bénéficier de la loi est ahurissant dans nos administrations. Or, ils n’arrivent toujours pas à avoir droit à une justice qu’on offre à ceux qui ont fauté. C’est bien le comble !
Je l’ai dit, et même si j’ai choisi de ne pas faire comme l’ambassadeur Ahmed Ben Mustapha, saisissant l’IVD, je ne suis pas moins prêt à en témoigner: les injustices flagrantes existent, aux Affaires étrangères comme ailleurs, et il importe d’abord d’y songer.
Il s’agit de droits avérés, mais que la Fonction publique refuse de reconnaître pour régulariser leur situation pour divers prétextes fallacieux comme l’ancienneté des cas, le dépassement de l’âge de la retraite ou l’absence de jugement ou de loi l’y obligeant.
Ces fonctionnaires innocents de tout méfait, contrairement aux fonctionnaires bénéficiaires de la loi de réconciliation administrative, n’ont rien à se reprocher, ayant servi leur patrie en conscience. Ils étaient aussi dans un système de dictature, mais ne se sont pas aplatis sous sa botte. Ils ont ainsi fait la révolution, mais en silence et efficacement, sans chercher, comme d’autres, la renommée.
En effet, leur credo était de servir leurs concitoyens en respectant l’obligation légale de réserve, mais sans plus, sans surtout aller dans le sens des turpitudes du régime. Or, c’est ce qu’on leur reproche !
Comment se fait-il donc qu’on songe à amnistier les méfaits des serviteurs zélés du régime déchu avant ces véritables militants de l’ombre? C’est ce qui ajoute à la scélératesse de cette loi qui, au mieux, pour être valide, doit être étendue à tous les cas d’injustice flagrante encore pendants dans nos administrations.
(*) Nous republions les articles de Farhat Othman, avec son aimable accord. Cet article a été publié initialement sur son blog.