La décision du président tunisien de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) n’est pas du goût de l’ONU. Cette dernière a appelé hier mardi, par la voix du porte-parole de son secrétaire général, Stéphane Dujarric, Kaïs Saïed à y renoncer.
Kaïs Saïed avait annoncé dans la nuit de samedi à dimanche, lors d’une réunion au ministère de l’Intérieur, que le CSM « appartient au passé à partir de ce moment », appelant ses partisans à manifester en soutien à sa décision.
Selon un extrait vidéo mis en ligne sur le compte Twitter de la Présidence tunisienne, Saïed avait déclaré, lundi, lors de sa rencontre avec la cheffe du gouvernement, Najla Bouden Romdhane, que « le projet de décret portant dissolution du Conseil supérieur de la magistrature est prêt », soulignant que « cette dissolution était devenue nécessaire ».
En réaction à cette décision, le porte-parole de M. António Guterres, a déclaré aux journalistes présents au siège de l’ONU à New York : « nous exhortons le président tunisien à reconsidérer sa décision de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature ».
« Nous partageons les préoccupations exprimées par la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, concernant la fermeture du siège du Conseil supérieur de la magistrature, et nous la soutenons pleinement et exhortons le président Saïed à inverser ce processus », a ajouté le porte-parole de l’ONU.
Depuis Genève, la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a déploré ce mardi la dissolution du CSM, estimant que cette décision « porterait gravement atteinte à l’État de droit, à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance du pouvoir judiciaire dans le pays ».
Par voie de communiqué, Bachelet a souligné que « La dissolution du Conseil supérieur de la magistrature constitue une violation manifeste des obligations de la Tunisie en vertu du droit international des droits de l’homme (…) c’est un grand pas dans la mauvaise direction ».
Créé en vertu de la Loi organique n°2016-34 du 28 avril 2016, le Conseil supérieur de la magistrature est « une institution constitutionnelle garante, dans le cadre de ses attributions, du bon fonctionnement de la justice et de l’indépendance de l’autorité judiciaire, conformément aux dispositions de la Constitution et des conventions internationales ratifiées », d’après l’article 1 de ladite Loi.
Cet organe judiciaire indépendant est chargé également de nommer les juges.
Farhan Haq, porte-parole adjoint du Secrétaire général des Nations Unies avait déclaré lundi, lors d’une conférence de presse à New York, « Nous surveillons ce qui va se passer en Tunisie, et il est clair que ce sera un sujet de préoccupation si les autorités judiciaires ne sont pas respectées par les autres acteurs politiques (sans les nommer) ».
La Tunisie est en proie à une crise politique aiguë depuis le 25 juillet dernier. À cette date, Kaïs Saïed, avait pris une série de mesures d’exception, portant notamment suspension des travaux du Parlement et levée de l’immunité dont bénéficiaient les députés.
Il avait également suspendu l’Instance de contrôle de la constitutionnalité des lois et décidé de légiférer par voie de décrets, de même qu’il a limogé de son poste le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, prenant ainsi la tête de l’exécutif, assisté d’un gouvernement dont il a nommé la cheffe en la personne de l’universitaire Najla Bouden Romdhane.
Plusieurs forces politiques et civiles tunisiennes rejettent les décisions de Saïed, qu’elle considère comme étant « un coup d’Etat contre la Constitution », tandis que d’autres partis les soutiennent, estimant qu’il s’agit d’une « restauration du processus de la Révolution » de 2011.
R.I./Agences