La Tunisie célébrait hier le quatrième anniversaire de la Révolution. Un certain 17 décembre 2010, Mouhamed El Bouazizi, jeune vendeur ambulant, s’immole par le feu en protestation à la confiscation de sa marchandise par la police. Ce qui a provoqué de grandes manifestations de rue qui ont amené à la chute du régime de Ben Ali en janvier 2011 et conduit la Tunisie à consulter l’ensemble de sa composante sociale et politique pour tenter de construire ensemble une nouvelle société.
Quatre ans après la Révolution, la jeunesse tunisienne semble prendre, de plus en plus, part à la discussion politique et citoyenne. « Ils sont 13% à s’être impliqués dans des associations et 6 % à être intégrés dans des partis politiques », nous explique Achraf Aouadi président et fondateur de l’organisation citoyenne I Watch, lors du débat organisé hier soir par six associations de jeunes tunisiens à la salle du cinéma Parnasse à Tunis.
Ce débat intitulé « Achabab Youkarir (la jeunesse décide) » se voulait être une rencontre entre des représentants d’El Merzouki, ceux de Béji Caid Essebsi et de jeunes électeurs. «Les débats publics sont un acquis précieux de la révolution », selon une représentante du collectif organisateur composé des associations Saouty, Ana Yakid, I Watch, I debate, Jeunesse des sites et Al Chabab Youkarir.
Premier débat politique
A 18 heures 30, la salle Parnasse du 63 Avenue Habibi Bourguiba est déjà archicomble, la jeunesse bouillonnante attendait le commencement du débat. « Ce sera le premier débat politique public en Tunisie entre les représentants des protagonistes. Il vise à pousser les jeunes à déterminer leur choix électoral avec conviction et à s’impliquer davantage dans la gestion de la vie collective », nous dit Achraf Aouadi. Et d’ajouter : « On voudrait aussi démontrer le contraire de ce que disaient les médias étrangers sur le désintérêt des jeunes tunisiens face aux élections et à la vie politique en général ». Vers 19 heures, une représentante du collectif d’associations qui animait le débat annonce l’absence des deux représentants de Béji Caid Essebsi, en raison de la charge du travail pour l’un et un souci soudain de santé pour l’autre. Des raisons qui ont provoqué les ricanements et les huées de la salle composée dans son écrasante majorité de partisans d’El Merzouki. Seules trois ou quatre mains des centaines de jeunes présents, s’étaient levées pour répondre à la question de l’animatrice du débat, ‘’Ya -t-il ici des jeunes qui veulent voter Béji Caid Esebsi ?’’.
Les ricanements et les moqueries passés, un froid s’installe dans la salle, et une déception s’empare des organisateurs, des jeunes présents et des journalistes. Ce premier débat politique qu’on annonçait fièrement n’aura finalement pas eu lieu. « Ils ont peur de nous affronter car ils n’ont pas d’arguments », lance un participant. « Ni les vieux ni les jeunes de Nidae Tounes n’ont le courage d’aller vers un débat », rétorque un autre. Pour rappel, le candidat Béji Caid Essebsi a formellement refusé l’appel à un débat télévisé, formulé à plusieurs reprises depuis le 24 novembre dernier, par le candidat Moncef El Merzouki. Le jeune Merouan Behbita représentant de Moncef El Merzouki dans ce débat prévu, prend alors le micro. « Nous commémorons aujourd’hui le 17 décembre, date du début de notre révolution. Faisons en sorte, nous les jeunes, que cette révolution ne se termine pas ce 17 décembre. Votons El Merzouki parce que la moyenne d’âge de son cabinet est de 43 ans ». Des applaudissements retentissent et interrompent le locuteur. Il poursuit : « Les défis économiques et politiques ne seront relevés que par un homme vigoureux de santé proche de la jeunesse ». Allusion faite à l’âge avancé du candidat de Nidae Tounes (88 ans), arrivé premier lors des dernières législatives et au premier tour des présidentielles de novembre.
« Tous les jeunes sont avec El Merzouki »
L’âge des candidats et des électeurs semblent être un facteur de taille en Tunisie. « La moyenne d’âge chez nous est de 42 ans, les jeunes ne sont pas dominant. Et les générations des plus de 45ans votent Béji Caid Essebsi, mais tous les jeunes sont avec El Merzouki », nous dit Khaled Bendjamaa 31 ans, venu participer à ce débat. « Ce système pour se maintenir en place a créé le terrorisme, pour nous faire chanter. Soit retourner à l’ancien système et ils nous assurent la paix. Ou ils partent et la Tunisie s’embrase. C’est donc pour nous, la liberté contre l’espoir », l’interrompt Nabil Zaidi 24ans.
Mohamed Cherif El Kadi, informaticien de 28ans est venu débattre de son choix pour El Merzouki par ce qu’il estime que Béji Caid Essebsi symbolise la dictature dont ils se sont défaits difficilement. « On ne doit pas retourner aux RCD-istes, on ne peut pas faire marche arrière, et je suis d’accord pour qu’on dialogue avec les islamistes qui ont souffert de plus de 30 années de répressions », explique-il. A 19h40 les portes de la salle Parnasse qui se désemplissait à mesure à que les minutes passaient, sont maintenant sur le point de fermer. La déception de la non tenue de ce débat n’a pas pour autant eu raison de l’enthousiasme des jeunes qui programment déjà dans les couloirs et les escaliers les prochaines rencontres. Dehors, les affiches de compagne ne sont pas légion sur l’Avenue Habib Bourguiba et les discussions des tunisois qui défient le froid sur les terrasses de l’Avenue ne sont pas non plus dominées par la question politique. Foot, réveillons, travail, shopping, ce sont les sujets que nous avons perçues des voix les plus portantes.