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Tunisie – Théâtrocratie, pouvoir du spectacle (contribution)

Par Yacine Temlali
janvier 19, 2017
Tunisie – Théâtrocratie, pouvoir du spectacle (contribution)

Alors, jusqu’à quand continuer à se voiler la face et mentir au peuple, sinon se mentir à soi-même ? N’est-il pas temps d’en finir avec un tel opéra bouffe du politique et sortir de cette «théâtrocratie», le pouvoir du spectacle dont parlait Platon en ses Lois et qui est la norme dans le monde ? Ne nous faut-il pas innover en politique grâce à la richesse de nos traditions ?

 

  

Non seulement les attentes populaires issues de ce qui, mentalement, est bien devenu révolution n’ont pas été satisfaites, mais aussi les exigences constitutionnelles. Voilà, en effet, un texte supposé supérieur et qui est toujours lettre morte tenu en échec par des textes inférieurs.

Aussi, les droits et les libertés ne sont que des principes creux en l’absence de réforme législative, surtout du Code pénal. Par ailleurs, le pouvoir législatif est paralysé sinon dénaturé, tout comme le pouvoir exécutif redevenant présidentiel, et le pouvoir judiciaire une coquille vide avec des institutions défaillantes ou absentes.

Il en va de même pour les instances indépendantes mises en place par la constitution : une seule a vu le jour, mais fonctionne au ralenti. Bien pis, le pouvoir local qui se voulait un acquis majeur de la nouvelle démocratie est resté un vœu même pas pieux.

Alors, jusqu’à quand continuer à se voiler la face et mentir au peuple, sinon se mentir à soi-même ? N’est-il pas temps d’en finir avec un tel opéra bouffe du politique et sortir de cette «théâtrocratie», le pouvoir du spectacle dont parlait Platon en ses Lois et qui est la norme dans le monde ? Ne nous faut-il pas innover en politique grâce à la richesse de nos traditions ?

Comment pourrait-on le faire sans avoir le courage de tenir, en lieu et place de la sempiternelle langue de bois, un langage de vérité. N’est-ce pas un impératif catégorique à la fois juridique et éthique ?

 

Vérités à dire

 

D’abord et avant tout, il nous faut admettre qu’il n’y a pas eu révolution en Tunisie au sens technique du terme, mais bien un coup du peuple. Il est de notre devoir d’en finir avec cette tromperie, issue au mieux d’une confusion des concepts, que même les milieux académiques se permettent, ainsi qu’on l’a vu récemment en colloque à la Bibliothèque nationale.

Ensuite, on doit avoir l’honnêteté de reconnaître que c’est l’alliance du capitalisme sauvage et d’un islam rigoriste, non moins sauvage, qui est derrière le Printemps arabe auquel la Tunisie a donné le coup départ. Cela a donné lieu à un « capitalislamisme »sauvage qui a eu, entre autres visées, de redessiner la carte du monde arabe, à commencer par la Syrie. Que la responsabilité de la troïka dans une telle visée occidentale soit donc éclaircie pour être affirmée ou infirmée !

En troisième lieu, et en relation avec la question actuelle du retour des jihadistes, il n’y pas de choix, si l’on est véridique, que d’oser dire tout haut et en haut lieu, surtout dans les milieux religieux, que le jihad mineur est obsolète et est même illicite aujourd’hui en islam où ne demeure que le jihad majeur, akbar, cet effort sur soi.

Dans la foulée, il serait salutaire de faire toute la lumière sur les filières d’envoi jihadistes en Syrie à partir de notre pays. On aurait voulu transformer la Tunisie en une base maghrébine de croisade occidentale en ce nouveau Proche Orient voulu par l’Occident qu’on n’aurait pas agi autrement, abattant le régime de la dictature, le remplaçant par un islam belliqueux. C’est du moins ce qu’affirment certaines voix avec, semble-t-il, assez de preuves; il est bien temps de les démentir ou de les confirmer. Ce serait faire œuvre de salubrité publique ou mettre fin à une néfaste désinformation ! 

 

Initiatives internationales

 

Il est également légitime de tenir à l’Occident, l’Allemagne et l’Italie notamment, le langage de l’éthique et de la responsabilité. À ceux qui se voilent la face sur leurs propres turpitudes dans le soutien aux terrorismes, voulant faire porter à la Tunisie la responsabilité des vagues de clandestins, il faut rappeler que c’est le visa, survivance d’un monde fini, qui fait la clandestinité.

Qu’on leur réclame donc de substituer au visa actuel cette panacée qu’est le visa biométrique de circulation, respectueux des réquisits sécuritaires et des droits de nos jeunes à circuler ! Qu’on formalise aussi la dépendance informelle actuelle de la Tunisie vis-à-vis de l’Europe par une entrée dans l’UE en tant que membre qu’elle mérite amplement afin de compenser ce qu’elle perd de cette dépendance avec les avantages d’État membre de plein droit !

Or, au vu des impératifs de haute stratégie mondiale, aucun État de droit ne saurait naître en Tunisie s’il n’est articulé à un système juridique ayant fait ses preuves; et c’est l’Union européenne et l’option fatale de l’adhésion. Dans cette perspective, il importe de s’enhardir aussi à agir pour la paix en Méditerranée et d’entreprendre d’en finir sérieusement avec la cause des malheurs du monde qu’est l’impasse actuelle du conflit palestinien.

Il faut avoir l’audace de demander qu’on arrête avec l’hypocrisie arabe en matière de reconnaissance d’Israël, les contacts discrets ne manquant pas entre Arabes et juifs, y compris de la part des islamistes qui, pourtant, n’osent afficher la fatalité de la reconnaissance de cet État. Ce faisant, ils ne font que servir sa stratégie de ne pas se résoudre à accepter la légalité internationale de 1947 en se jouant du prétexte que les Arabes ne la reconnaissent, ne voulant pas normaliser leurs relations avec leur propre État. Or, reconnaître ce dernier, c’est fatalement reconnaître son frère jumeau monozygote, l’État de Palestine. Le moment est venu pour une paix des braves sur cette terre.

 

Initiatives nationales

 

Voilà autant d’initiatives à prendre sur le plan international; mais faut-il déjà, sur le plan national, commencer par les mesures à la fois éthiques et juridiques qui s’imposent absolument, étant impératives pour attester la bonne volonté démocratique chez toute la classe politique, prouvant une saine conception du vivre-ensemble serein et paisible en Tunisie. Cela ne saurait que se faire par la loi.

Or, il est des projets qui sont actuellement en discussion ou qui vont l’être. Qu’on ose, à cette occasion, avoir le courage et l’honnêteté d’agir à ces trois niveaux pour commencer :

1/ dépénaliser totalement la consommation du cannabis, drogue douce, nullement plus nocive que la cigarette. C’est ce que recommandent, au reste, tous les experts, dont ceux de l’ONU !

 2/ abolir la violence majeure faite aux femmes qui est l’inégalité successorale qui alimente toutes les autres violences, malgré leur gravité. Car tout se passe dans les têtes et rien ne sera fait de positif si on ne les toilette pas de cette flagrante erreur de croire que l’inégalité est justifiée par la religion. Elle ne l’est point, c’est même l’égalité parfaite qu’impose la religion.

3/ éradiquer l’homophobie ainsi que l’a d’ailleurs récemment demandé le parlement européen. La société civile a proposé un texte consensuel en la matière rappelant que l’islam n’a jamais été homophobe, qu’on l’adopte donc pour en finir avec ce honteux article 230, une survivance de la colonisation. Ce ne serait, en plus, que faire acte de souveraineté nationale !

 

(*) Cet article a été publié initialement sur le blog de son auteur, Tunisie Nouvelle République. Nous le republions ici avec son aimable accord.

 

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