La lecture dominante dans la presse algérienne voit dans l’actuelle crise au sein du régime une simple confrontation entre les services de renseignements et le « clan présidentielle » au sujet d’un éventuelle quatrième mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Le politologue Mohamed Hachemaoui fait une lecture différente où le « clan présidentiel » n’est qu’un acteur secondaire.
Pour lui, le bras de fer politique oppose « deux groupes prétoriens entre eux ». En clair, c’est l’armée et les services qui sont les acteurs de ce bras de fer. Pour Mohamed Hachemaoui, qui s’exprimait dans les colonnes du journal El Watan, il est faux de dire que le général Toufik était contre un 4ème mandat. Il en voit pour preuve que les organisations politiques et syndicales « contrôlées » par la police politique comme le RND et l’UGTA ont pris position en faveur d’un nouveau mandat de Bouteflika. Pour lui, le positionnement de l’UGTA et du RND donne une indication claire de « l’orientation de la police politique ». Il développe un long argumentaire au sujet de la charge d’Amar Saadani contre le patron du DRS pour démontrer ou suggérer qu’elle n’est pas liée au 4ème mandat éventuel de Bouteflika. En définitive, il suggère que la sortie du Secrétaire Général du FLN n’exprime pas le point de vue du clan présidentiel. Mais qu’Amar Saadani exprime surtout le point de vue du général Gaïd Salah ou, de manière plus institutionnelle, de l’état-major. Hachemaoui estime révélateur que les « relais médiatiques du DRS » pressent le chef d’état-major de condamner la sortie de Saadani contre le général Toufik.
Le silence du chef d’état-major
Il est intéressant, note-t-il, d’observer que « cinq jours après la diatribe de Saadani contre le DRS, le chef d’état-major, habituellement si prompt à dénoncer les critiques adressées à l’Armée, observe un silence assourdissant et se défend de déposer plainte contre l’auteur du réquisitoire ad hominem prononcé contre le général des corps d’armée Mohamed-Lamine Mediene ». Conclusion : le clan présidentiel est un spectateur en attente dans une bataille entre deux « groupes de prétoriens ». Le mot prétorien renvoie clairement aux militaires et englobe aussi bien les militaires en tenue ou en « civils ». Ces deux groupes de prétoriens explique-t-il ne « sont manifestement pas parvenus pour autant à dégager un « nouveau consensus » post-Bouteflika, même après que le puissant patron du DRS ait consenti, en guise d’apaisement, à retirer (temporairement ?), en septembre dernier, deux de ces principaux lieutenants, les généraux-majors Bachir Tartag et Mhenna Djebbar ».
Le choc de Tiguentourine
« Alors que l’onde de choc de Tiguentourine continue de résonner et que le conflit autour du nouveau partage du pouvoir redouble d’intensité, le « quatrième mandat » s’est imposé in extremis au collège des prétoriens comme la solution par défaut : mieux vaut un ancien consensus, aussi précaire soit-il, qu’un dissensus qui risquerait d’être fatal à la veille d’une élection présidentielle ». Le politologue insiste à cet effet sur l’impact tellurique qu’a eu l’attaque terroriste sur le système en place. « . Le groupe prétorien émergent, s’appuyant sur l’onde de choc de Tiguentourine qui a cristallisé des mécontentements enfouis, a réussi à faire reculer le groupe -jusque-là hégémonique- de Mediene en septembre dernier ; il escompte, avec le tir lâché par Saadani, prendre de vitesse le patron du DRS ». Mais, en définitive, conclut-il de manière pessimiste, « L’enjeu réel de cette « nouvelle guerre de clans » n’est ni l’instauration d’un « Etat civil » en lieu et place d’un « Etat-DRS », ni le « refus du DRS d’un quatrième mandat », mais davantage plutôt le partage du pouvoir (et non plus seulement de la rente comme on le répète souvent) entre prétoriens en vue de préparer l’après-Bouteflika ».