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Une vidéo ciblant Saïd Chengriha aggrave la crise de la hiérarchie militaire

Par Ihsane El Kadi
janvier 12, 2022
Une vidéo ciblant Saïd Chengriha aggrave la crise de la hiérarchie militaire

La vidéo attribuée à l’adjudant chef Garmit Bounouira aurait fuitée de la prison militaire de Blida. Choc.

La vidéo qui circule depuis prés d’une semaine sur les réseaux sociaux est choquante. L’adjudant chef Garmit Bounouira, ancien secrétaire particulier du chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah, extradé de Turquie en août 2020, s’attaque au successeur au poste, Saïd Chengriha, dans un récit sur les enquêtes engagées en 2018 par l’homme fort de l’armée, décédé en décembre 2019.

Une sidération a frappé les réseaux sociaux algériens partagés sur l’authenticité d’une telle vidéo. Si elle est réellement le fait de Garmit Bounouira, et qu’elle a été exfiltrée de la prison militaire de Blida, cela signifierait qu’il a bénéficié de complicités importantes dans le but de nuire au nouveau chef d’état-major en fonction. Le décalage perceptible entre le son et l’image a introduit le doute sur cette vidéo chez de nombreux commentateurs. Dans le même temps il y a peu de doute sur le fait qu’il s’agit bien de Garmit Bounouira qui paraît s’auto-enregistrer dans un espace sombre qui laisse penser à une cellule de prison.

Les accusations que la vidéo porte contre Saïd CHengriha sont du même type de celles qui ont conduit, en 2018, à la mise sous mandat de dépôt de quatre chefs de régions militaires, le commandant en chef de la gendarmerie et le directeur central des finances au MDN. Ces affaires n’ont toujours pas été jugée et personne ne peut savoir réellement s’il ne s’agissait pas d’un règlement de compte personnel de Ahmed Gaïd Salah avec comme enjeu la capacité de garder la main sur la case présidentielle en avril 2019.

Garmit Bounouira affirme, selon la vidéo, que le dossier d’accusation de Saïd Chengriha concernant sa gestion à la tête de la 3e région militaire était prêt en septembre 2019 et que le chef d’état-major avait préféré ne pas l’incarcérer à ce moment là à cause de la proximité sensible des élections présidentielles et de la pression du Hirak. La vidéo révèle que Garmit Bounouira aurait intercédé en faveur de Saïd Chengriha auprès de son chef, Gaïd Salah, afin qu’il le relève de ses responsabilités dans le Sud à cause de son âge et de ses problèmes de santé.

Le récit supposé de Garmit Bounouira n’explique pas les raisons de la nomination du général-major Saïd Chengriha au poste de commandant en chef des forces terrestres en août 2018, un poste qui le désignait comme le successeur potentiel de Gaïd Salah à la tête de l’état-major.

 Le sort inconnu de Mohamed Kaïdi

Cette affaire de la vidéo supposée avoir fuitée de la prison militaire de Blida est très inquiétante. Elle révèle, notamment au cas où elle s’avère ne pas être un faux, une aggravation dans la crise au sein de la hiérarchie de l’ANP. Une purge contre les anciens collaborateurs de l’homme fort de l’armée, aujourd’hui disparu, s’est poursuivie tout au long de ces deux dernières années. Dernier épisode resté inexpliqué de cette purge : la fin de mission surprise du général-major Mohamed Kaïdi de la tête du département emploi-préparation le 07 novembre dernier.

Le journaliste Youtuber en exil, Hichem Aboud, a affirmé que l’ancienne étoile montante de l’ANP aurait été mis aux arrêts à la prison de Blida depuis peu, avec de lourdes accusations, y compris d’intelligence avec l’ennemi. Aucun démenti sur la situation du général Mohamed Kaidi n’est survenu.

Le contexte de son éviction paraît cependant plus lié à des divergences de vue sur la réaction algérienne à l’attaque marocaine qui a fait trois victimes algériennes à Bir Lahlou, en territoire sahraoui libéré, le 1er novembre 2021. Il demeure que si son incarcération, non démentie, venait à se confirmer, elle agrandirait les rangs de la contestation au leadership naissant de Saïd Chengriha.

Le chef d’état-major n’a pas assaini la crise à son arrivée. Il a, de manière surprenante, maintenu inchangé le statut judiciaire de ses collègues chefs de région militaire, victimes de la purge de son prédécesseur de l’été 2018. Il a ajouté sa propre liste de « victimes » en faisant envoyer en détention des hommes forts de la période Gaïd Salah, à l’instar des généraux Lachkham et Bouazza.

La liste de ceux qui dans les rangs de la hiérarchie militaire n’ont pas intérêt à voir Saïd Chengriha s’installer dans la fonction s’est donc allongée ces derniers mois. L’affaire de la vidéo Garmit Bounouira serait donc un retour de manivelle prévisible. Ses dégâts sont sérieux.

 Le « retour » de Toufik illisible

Dans le contexte des luttes claniques à la tête l’ANP, une évolution de 2020-2021 n’a pas aidé les observateurs à la lisibilité de la crise en cours. La réhabilitation du général Toufik et le retour de ses hommes sont très commentés – plus sur les réseaux que dans les médias, sans donner lieu à un schéma explicatif satisfaisant de ce qui se déroule.

Un des fidèles collaborateurs de l’ex patron du DRS, le général Mehenna Djebbar, a été nommé à une fonction transversale de coordination de la lutte contre la subversion auprès de la présidence de la République. Il devient à ce titre une sorte de patron du secrétariat du Haut Conseil de Sécurité (HCS), selon le nouveau décret présidentiel qui en redéfinit la composition et le fonctionnement. Le général Hassan, autre officier du DRS réhabilité après ses cinq années de prison, a repris de hautes responsabilités.

L’influence de ce « contre feu » des anciennes figures des services, pour mettre de l’ordre dans la maison ANP, est totalement illisible dans le chaos actuel. Elle est sans doute surévaluée. Le général Mohamed Mediene (Toufik) est lui même très malade. Ses lieutenants ont déjà montré par le passé –Bachir Tertag- qu’ils étaient prêts à sacrifier à une carrière personnelle, leur attachement à un esprit de corps, qui ferait des ressources humaines du DRS un recours politiquement lucide pour éteindra la crise et opérer une vraie ouverture sur la société.

La vidéo Garmit Bounouira est surtout le leg de la période de Abdelaziz Boutefika. Accroché à son siège présidentiel, le défunt Raïs a perdu la main sur les équilibres au sein de l’ANP et maintenu un homme totalement inconvenant, pendant 15 ans, a la tète de l’état-major. La guerre déclenchée contre ses pairs de la hiérarchie militaire par Ahmed Gaïd Salah n’a pas fini d’affaiblir l’ANP.

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