Plus de 200 000 personnes ont marché, aujourd’hui, dans les rues de Béjaïa. La rue reste donc mobilisée.
Ceux, qui ont tablé sur le fléchissement de la volonté populaire après que le général-major, Ahmed Salah-Gaïd, a suggéré l’application de l’article 102 de la Constitution, risquent d’attendre longtemps avant de voir la rue fléchir.
Pour le sixième vendredi de la colère, qui n’est pas accompagné, bien évidement, d’agressivité, comme on pourrait le craindre mais au contraire de l’expression de joie, de liesse, de sourires, d’une population, assoiffée de liberté, les manifestants ont rejeté unanimement l’offre du chef de l’Etat-major de l’armée, qui appelle à appliquer l’article 102 de la Constitution, qui consiste à destituer le président Bouteflika, diminué, physiquement et intellectuellement, depuis son AVC en avril 2013.
Sur une banderole géante, on a répondu à la proposition de Gaïd Salah : « Le numéro 102 que vous avez demandé est hors-service, veuillez appelez le numéro 7 : le peuple vous répondra». D’ailleurs, si globalement le chef d’Etat-major a été relativement épargné par une bonne partie des manifestants – « Gaïd Salah ne soyez pas naïf » -, on y a scandé encore et à tue-tête : « Djeïch, chaab, khawa, khawa » – que l’on pourrait traduire par « Armée, peuple, demeurent frères ». Une façon de l’amener à revoir sa copie en tenant compte de la volonté populaire qui souhaite, rapidement, tourner la page des années Bouteflika et de ses affidés.
D’ailleurs, l’un des slogans, les plus scandés par les différents carrés, qui se sont formés aujourd’hui pour le 6ème vendredi de la colère, « Ya serakine, klitou lebled » (Voleurs, vous avez pillé le pays). Ceci pour dire que les manifestants ne comptent pas baisser les bras avant que le système n’ait dégagé. En témoignent les pancartes, exhibées par les manifestants : « Système dégage. » ; « System, (the) game (is) over » ; « Le match est fini. Pas de prolongations. » ; « Non à l’application de l’article 102. Le peuple est l’unique source de pouvoir. »
Et cela en insistant sur le pacifisme des manifestations, qui se sont déroulées jusque-là ou à venir. Le peuple ne compte pas s’arrêter avant d’avoir arraché ses droits dans la nouvelle Algérie, qui se fera sans les gens du régime. Même si beaucoup retournent la veste aujourd’hui. Les manifestants n’oublient, quasiment jamais, de scander : « Selmia, selmia».
La présence toujours aussi nombreuse des femmes mais aussi des enfants est un autre gage de la volonté du peuple d’arracher ses droits sans répondre aux provocations, si provocations il y a bien sûr. Un service d’ordre, efficace, veille discrètement au bon déroulement de la manifestation.
Les différents carrés de manifestants qui se sont formés depuis le premier point de ralliement : l’esplanade de la maison de la culture, ont notamment scandé : « Djazaïr houra, dimokratia » – Algérie libre et démocratique – mais aussi « Y en a marre de ce pouvoir. » Il y a lieu de signaler qu’une partie des manifestants a répondu sèchement à Gaïd-Salah, qu’elle considère qu’une partie du problème : « Bouteflika, rayah, rayah. Edi maak Gaïd-Salah » – « Bouteflika, puisque vous êtes partant, prenez dans vos bagages, Gaïd-Salah».
Nabil Zenache