L’audition des témoins dans le procès de l’affaire Khalifa s’est poursuivie ce mardi au Tribunal criminel près la cour de Blida. Pour son troisième jour, l’audition des témoins a tourné essentiellement autour déroulement des procédures avant d’aboutir au retrait d’agrément à la banque Khalifa.
« Lorsque M. Terbache a été nommé ministre des Finances à la place de Mourad Medelci, le rapport de l’inspection bancaire de la Banque d’Algérie avait disparu depuis 5 mois», raconte M. Lakhal, l’ancien SG du ministère des Finance du temps de Mourad Medelci. « Le gouvernement lui avait adressé une lettre lui demandant le sort du rapport. J’ai dû saisir la Banque d’Algérie pour qu’elle m’envoie une copie et j’en ai fait un rapport à la Chefferie du gouvernement », a-t-il ajouté au juge Antar Menouar. Tout comme ses prédécesseurs à la barre, M. Lakhal a affirmé que c’est M. Touati, alors vice président de la Commission bancaire de la Banque d’Algérie, qui a signé l’ordre de suspension du commerce extérieur pour la banque Khalifa, puis du retrait d’agrément à cette banque.
Aucune mesure disciplinaire n’a été prise à l’encontre de Khalifa Bank
M. Akhrouf Kamel, l’ancien SG de la Commission bancaire de la Banque d’Algérie, explicite au juge le rôle de la Commission bancaire. Selon lui, la tâche de cette commission consiste en l’estimation des infractions et contraventions relevées par l’Inspection générale des finances et veille au respect de la réglementation prudentielle et de la législation bancaire à travers les rapports qui lui parviennent et les enquêtes sur le terrain. « Cette commission composée de sept membres après 2003 n’a pris aucune mesure disciplinaire à l’encontre de Khalifa Bank, mais elle a plutôt demandé la réalisation de plus d’investigations suite au constat d’anomalies et d’infractions, notamment l’arrivée très tardive des bilans annuels et des déclarations mensuelles de la banque », a-t-il expliqué, précisant que la Commission qu’il a menée n’a reçu que 7 des 10 rapports réalisés entre mars 1997 et mai 2002 par l’inspection de la Banque d’Algérie.
La responsabilité de la faillite de la banque puis du groupe Khalifa incombe aux commissaires aux comptes et aux membres du Conseil d’administration de la banque, selon le rapport de la Commission bancaire. Les commissaires aux comptes (exemptés de toutes sanctions disciplinaires), transmettaient très tardivement leurs rapports à la commission bancaire, regrette M. Maachou Ben Amar, ancien magistrat et membre de la Commission bancaire de 1991 à 2003. Les comptes n’étaient pas certifiés selon lui, et les commissaires aux comptes qui jouissent de toute latitude pour saisir le ministère public lors de constatation d’anomalies, d’infractions, de manquements ou d’irrégularités, ne l’ont pas fait. « Bien au contraire, ils ont fait rétraction sur les anomalies mentionnées dans leurs rapports, et cela est très curieux », a-t-il considéré. Cet ancien magistrat à la Cour suprême tient également à préciser que le gel des activités du commerce extérieur et du transfert de devise vers l’étranger, est en réalité « une suspension ». « Car, a-t-il expliqué, la décision de gel est réversible contrairement à la décision de la suspension qui est définitive ».
Suspension et non gel des activités de commerce extérieur
Le rapport de la Commission bancaire a été rendu public en juillet 2003, soit trois mois après la fin de la mission de Mohamed Djellab. La défense de Abdelmoumene Khalifa estime que cette information fut révélée tardivement pour priver son mandant de procéder à un pourvoi, les délais de 60 jours étant dépassés. M. Maachou affirme qu’avant la prise des décisions de suspensions des activités de commerce extérieur et du retrait d’agrément, la commission bancaire a adressé une convocation aux principaux actionnaires de Khalifa Bank pour tenter de la sauver. Personne n’a répondu à la convocation, à l’exception de Guelimi Omar, (père de Guelimi Djamel, clerc du notaire Me Rehal), et Khalifa Lakhdar Abdelaziz, (frère de Abdelmoumene Khalifa).
Aucune sanction pour les commissaires aux comptes
Aucune sanction n’a été prise à l’encontre des commissaires aux comptes, relève M. Maachou. Me. Lezzar, défenseur de Abdelmoumene Khalifa intercepte ces déclaration et lance à M. Maachou : « Mon mondant se trouvait à l’étranger à ce moment là, et a demandé le report de l’audience par le biais de son avocat à l’époque Me Belghel, mais vous avez refusé ce report ». M. Maachou, explique que ce refus est motivé par la non signature d’une procuration de Abdelmoumene Khalifa à son avocat. « Mais depuis quand on demande une procuration écrite à un avocat ? », le saisit Me Lezzar. Le juge Antar Menouar intervient et demande à l’avocat de laisser ses commentaires pour la plaidoirie. Répondant aux questions du ministère public sur l’augmentation du capital minimum exigé à la création d’une banque, de 5 millions à 12.5 milliards de dinars, après cette « mauvaise expérience d’une banque privée ». M. Maachou explique que « cela avait pour but de donner plus de garanties bancaires, protéger les déposants et professionnaliser les banques ».
Abdelmoumene Khalifa se lève pour poser une question à M. Maachou : « Puisque M. Djellab confirme qu’il ne figurait pas dans la liste des experts agréés par le ministère de la Justice, donc, il n’avait pas le droit d’être nommé administrateur de la banque Khalifa par la Commission bancaire. Est-ce que cette nomination est soumise au code du commerce algérien ? ». Ben Amar Maachou répond que « la commission bancaire est souveraine dans sa prise de décision. De plus, M. Djellab n’a pas été désigné comme expert au niveau de la banque Khalifa, mais plutôt comme administrateur provisoire, et cela n’a rien d’illégal ».