Dans ses confessions, Mohamed Meziane relève que tous les contrats pour lesquels il est poursuivi ont été traités et étudiés par le comité exécutif et les commissions des marchés. « Je n’ai fait qu’appliquer la procédure interne… », dit-il.
A moins d’un mois de la tenue de son procès au tribunal criminel près la cour d’Alger, l’ex PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, poursuivi dans l’affaire dite Sonatrach I, sort de sa réserve et se confie à notre confrère El Watan. D’emblée, Mohamed Meziane relève que tous les contrats pour lesquels il est poursuivi « ont été traités et étudiés par le comité exécutif et les commissions des marchés. Je n’ai fait qu’appliquer la procédure interne, qui est la R15 ». Pour lui, « aucun des 247 témoins interrogés par le juge d’instruction n’a trouvé à redire sur ma gestion, qui était la plus transparente mais aussi celle qui faisait participer les cadres dans toutes les décisions ». Et de s’interroger : « Comment se fait-il qu’aujourd’hui, je me retrouve chef d’une association de malfaiteurs ?» Sur sa relation avec l’ancien ministre de l’Energie Chakib Khelil, Meziane déclare : «Je suis du genre qui respecte beaucoup sa hiérarchie. Même si je ne m’entendais pas avec le ministre, je lui vouais tout le respect. Je savais qu’il ne voulait pas de moi puisqu’en 2008, on m’a clairement signifié qu’il avait l’intention de me remplacer ». Il donne le profil du bon soldat qui ne désobéit pas à sa hiérarchie. « Mais je faisais mon travail normalement. Je recevais ses directives (de Chakib Khelil, Ndlr) et ses instructions par écrit et par téléphone. Il était informé de tous mes actes de gestion, par les courriers que je lui adressais, mais surtout par les comptes rendus qui lui parvenaient de mon chef de cabinet, Réda Hameche.» À Propos justement de Hameche présenté comme l’homme de confiance de Chakib Khelil, et qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé par le tribunal d’Alger, dans le cadre du dossier Sonatrach 2, Meziane affirme qu’« Il (Hameche, Ndlr) a été nommé par le ministre et n’avait de compte à rendre qu’au ministre. Son bureau, au fond du couloir, lui permettait d’avoir l’œil sur toutes mes allées et venues, mais aussi sur toute personne qui venait me voir ».
« À Sonatrach on se fait démissionner… »
Concernant Farid Bedjaoui qui fait l’objet de plusieurs mandats d’arrêt internationaux, l’ex-PDG de Sonatrach est catégorique : «Je ne l’ai jamais connu ». Evoquant le marché GK3 avec Saipem, Meziane distille quelques détails : «Au début il y avait plusieurs offres, mais à la fin seules deux étaient restées, dont celle de Saipem, qui était de 60% plus cher. Il y avait une différence de l’ordre de 6 milliards de dinars. Fallait-il refaire l’avis d’appel d’offres ou continuer ? Nous étions devant un dilemme parce que le projet était urgent. J’ai demandé une négociation autour du prix en tablant sur une baisse d’au moins 25 à 30%. Le ministre n’était pas d’accord. Il a proposé par écrit un niveau de 12,5% de baisse de prix. J’ai dit au vice-président de l’activité transport que l’offre était trop chère et qu’il fallait arriver à une baisse. Tullio Orsi, le responsable de Saipem Algérie, a dit qu’il ne pouvait pas aller au-delà de 12% de rabais. Il a même menacé de se retirer en cas où nous insistions. Il était très sûr de lui. Pour nous, le projet était une urgence ». Tout en relevant n’avoir aucun pouvoir sur le choix des vice-présidents, l’ex PDG de Sonatrach révèle qu’à un moment donné, il a émis le vœu de démissionner à la suite des incidents qui ont coûté la vie à des employés de la raffinerie de Skikda. Une requête à laquelle il s’est fait rappeler à l’ordre lorsque, dit-il, des cadres supérieurs du groupe « m’ont dit clairement qu’à Sonatrach on ne démissionne pas, on se fait démissionner….».
Lutte d’intérêt à un très haut niveau
L’ancien PDG estime que les autorités ont accepté la «décapitation» de Sonatrach pour une affaire «aussi banale si l’on prend en compte ce qui s’est passé à Rome». Une décision qui «a eu de lourdes conséquences» sur la compagnie. Pour lui, « l’affaire Saipem est de loin plus grave, avec un préjudice évalué à plus de 200 millions de dollars. Le nom du ministre est revenu à plusieurs reprises sans que le mien n’apparaisse. La compagnie a été décapitée pour un préjudice évalué, faut-il le rappeler, par ceux-là mêmes qui avaient pris part à l’étude des contrats objets de l’enquête, d’un montant de 4 millions de dollars. Est-ce normal ?». «Nous avons fait les frais d’une lutte d’intérêts à un très haut niveau. Les enjeux peuvent être autant politiques que financiers. Nous sommes victimes d’un règlement de comptes, peut-être pour avoir annulé des marchés d’équipement des unités du Sud en matériels de protection et véhicules dotés de GPS, que devaient prendre certaines sociétés qui ont pignon sur rue», conclut M. Meziane.