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Hydrocarbures

Algérie – Le gaz de schiste : une aubaine économique ou une malédiction écologique ?

Par Yacine Temlali
janvier 12, 2015
Algérie – Le gaz de schiste : une aubaine économique ou une malédiction écologique ?

Selon une étude américaine, c’est la mauvaise étanchéité des puits qui serait derrière la pollution des nappes phréatiques lors de l’extraction de gaz de schiste et non les techniques de forage horizontal et de fracturation hydraulique. Cependant, les risques induits par l’exploitation de ces ressources non conventionnels ne se limitent pas à la pollution des ressources hydriques. Les phases de production (forage, torchage, stockage et transport) ne sont pas sans incidences écologiques.

 

 

Les manifestants dans le sud algérien, notamment de In Salah, refusent l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels à cause de ce qu’elle est soupçonnée d’engendrer comme pollution des nappes phréatiques. Cependant, selon une étude publiée en septembre dernier dans la revue de l’Académie américaine des sciences Pnas, « la principale cause de diffusion des hydrocarbures qui empoisonnent l’eau potable serait à trouver dans la qualité du ciment et l’uniformité du revêtement des puits de production, par lesquels s’échappe le gaz vers la surface ».

Dans cette étude menée par des chercheurs américains sur 133 échantillons d’eau dans des nappes aquifères, prélevés dans deux zones d’extraction de gaz de schiste, au Texas et entre la Pennsylvanie et le nord-ouest de l’Etat de New York, 7 des 8 pollutions mesurées dans ces deux champs sont liées à l’intégrité des puits et le huitième à une faille dans un puits provoquée par une erreur de forage.

« Le forage horizontal en soi ne constitue aucunement un danger pour l’environnement. Le danger proviendrait des erreurs, des déviations et des non-précisions qui pourraient survenir lors du forage », affirmait, il y a quelques jours, à Maghreb Emergent, M. Nazim Zouiouèche, l’ancien PDG de Sonatrach. http://www.maghrebemergent.com/energie/hydrocarbures/la-production-du-gaz-de-schiste-en-algerie-sera-aussi-couteuse-que-non-rentable-avant-15-ans-nazim-zouioueche.html. Selon M. Zouiouèche les nappes phréatiques algériennes sont situées entre 800 et 1.200 mètres de profondeur et si on va fracturer au niveau de 2.000 ou 3.000 mètres de profondeur, cela ne représentera aucun inconvénient pour nos nappes phréatiques elles.

 

Appauvrissement des ressources hydrauliques

 

Le ministre de l’Energie, M. Yousef Yousfi, s’est voulu également rassurant sur ce sujet lors de son déplacement à In Salah, jeudi dernier, affirmant que « l’exploitation de cette énergie ne comportait aucun danger ». Une déclaration loin d’apaiser les manifestations anti-gaz de schiste, qui redoublent de vigueur.

La technique de fracturation hydraulique des roches, reconnue actuellement comme l’unique technique fiable par les grandes entreprises qui opèrent dans le domaine des énergies non conventionnelles (des techniques d’extraction alternatives sont à l’étude : remplacement de l’eau par du gaz, stimulation par arc électrique ou chauffage de la roche) n’est pas mise à l’index seulement à cause de la pollution des nappes phréatiques qu’elle est soupçonnée de provoquer. En effet, elle nécessite, à côté de fluides chimiques dont certains sont qualifiés de cancérigènes, de plus grandes quantités d’eau qu’un forage classique : pour un puits, on en injecte en moyenne de 10.000 à 20.000 m3. Il faut donc disposer d’importantes ressources en eau pendant les opérations de fracturation qui durent en moyenne trois semaines. Selon le type de réservoir, 20 à 80% de l’eau injectée ressort lors des premières années de production.

Etant donné les quantités astronomiques d’eau que requiert cette technique, elle « nuira immanquablement et lourdement à la nappe albienne fossile et non renouvelable et sujet de problèmes dans certaines régions du pays », estiment la militante écologiste algérienne Sabrina Rahmani, pour qui cette eau « pourrait servir au développement d’autres secteurs tels que l’agriculture, le tourisme, pourvoyeurs d’un plus grand nombre de postes de travail pour les populations locales, de façon durable ».

 

Des risques sismiques, toxicologiques…

 

Ainsi, la pollution ne constitue qu’une partie des risques qu’encourt l’environnement à cause de l’exploitation très controversée du gaz de schiste. Les différentes phases de production (forage, torchage, stockage et transport) ne sont pas sans incidences environnementales graves.

Le processus de fracturation implique des premiers rejets irréguliers (bulles de gaz et « rots de production ») que les sociétés gazières rejettent dans l’air au début. En fin de vie, d’autres fuites plus diffuses peuvent survenir : 9% du gaz perdu durant la durée de vie d’un forage s’échappe du puits lui-même à la suite de la fracturation et cela contaminerait grandement l’air. En plus des risques toxicologiques, il y a des risques liés à une plus grande difficulté de contrôler les forages verticaux, mais surtout horizontaux, très profonds, et ce en raison d’une température qui détruit tous les capteurs électroniques de mesures. Il y a, enfin, des risques liés au besoin d’augmenter la pression hydraulique de fracturation (risque sismiques et d’affaissement de terrains) ainsi que ceux liés à la production de dépôts encroutant dans les tuyauteries.

A tout cela, s’ajoutent les coûts de production généralement plus élevés que ceux des gisements traditionnels, en raison des coûts élevés du forage horizontal et de la fracturation hydraulique, et du cycle de vie très court des puits. Cet investissement colossal risque de n’être même pas rentable pour l’Algérie à court terme, comme le souligne l’ancien PDG de Sonatrach Nazim Zouiouèche, qui préconise à cette occasion, de mettre le paquet sur l’énergie solaire. 

 

Les réponses du ministère de l’Environnement

 

L’exploitation de cette énergie non fossile « sera soumise à des études spécifiques (déjà faites), notamment celles relatives à l’impact sur l’environnement, en suivant des procédés basés sur de nouvelles technologies moins polluantes. » C’est là une déclaration de la ministre de l’Environnement, Dalila Boudjemeaa, lors de sa visite de travail et d’inspection effectuée le 20 juillet dernier dans la wilaya de Tizi Ouzou. Une instance nationale des ressources biologiques chargée de l’octroi des permis d’exploitation de ces ressources de manière « rationnelle et organisée » sera créée prochainement, avait-elle annoncé le 9 juillet 2014, lors d’une séance plénière de l’APN.

La capacité de récupération du premier périmètre d’exploitation du gaz de schiste au bassin d’Ahnet est de 20.000millairds de m3, d’un total de réserves estimé à 200.000 milliards de m3, selon le département américain de l’Energie.

L’Algérie se place à la troisième place mondiale en matière de réserves de gaz de schiste récupérable, derrière la Chine et l’Argentine et devant les Etats Unis. Ses réserves sont estimées à environ 19.800 milliards de mètres cubes, alors que les réserves mondiales non prouvées de gaz de schiste ont été estimées en 2013 à 207.000 milliards de m3 (32% des réserves totales de gaz naturel), selon le Département Américain de l’Information sur l’Energie. Pour Nazim Zouiouèche, ces chiffres ne sont pas d’une grande précision étant basés sur des images satellitaires. Le potentiel algérien, préconise-t-il, doit être mieux exploré avant que la décision de son exploitation ne soit prise.

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