Selon l’enseignant à l’Ecole polytechnique d’Alger, les bouchons dans les trois grandes villes du pays font perdre 150 millions de dollars au pays. Pour chaque heure passée dans les embouteillages, c’est environ 0,5 litre d’essence qui est perdu.
La situation énergétique du pays est qualifiée de délicate par le professeur Chemseddine Chitour, docteur ès sciences et directeur du Laboratoire de valorisation des énergies fossiles à l’Ecole polytechnique d’Alger (ENP), qui s’est exprimé aujourd’hui sur les colonnes du quotidien francophone, Le Soir d’Algérie. L’Algérie dont les exportations hydrocarbures représentent 98% de ses recettes a subi de plein fouet la baisse drastique des cours de pétrole depuis un peu plus d’une année. Résultat : le pays perdu l’équivalent de 60 dollars depuis un an. « Actuellement, nous sommes, à peu près, à 58 dollars le baril. Nous avons perdu l’équivalent de 60 dollars depuis un an. Ce qui veut dire que, dans le meilleur des cas, nos recettes tourneraient, à la fin de l’année, autour de 40 milliards de dollars », prévoit cet expert pour qui le pays ne peut pas, de cette façon, continuer à dépenser comme par le passé. « Avec une facture des importations qui tourne autour de 60 milliards de dollars, il y aura forcément un déficit. Comment on compense ce déficit ? En puisant évidemment dans le Fonds spécial (Fonds de régulation des recettes). La Banque d’Algérie vient de tirer la sonnette d’alarme en nous informant que 19 milliards de dollars ont été nécessaires pour équilibrer les dépenses. C’est normal qu’on dise que si nous continuons à ce rythme, dans trois ans nous serons en butée », a souligné Pr Chitour. Et l’accord nucléaire conclu récemment par l’Iran et les puissances occidentales à leur tête les USA n’est guère annonciateur de bonnes nouvelles pour le pays. L’enseignant à l’Ecole Polytechnique estime qu’avec l’arrivée d’au moins 1 million de barils/jour iranien qui vont tirer encore plus le pétrole vers le bas, « ce serait un miracle si le niveau des prix se stabilise à 55-60 dollars le baril ».
« Rien n’est irréversible si on s’y prend à temps ! »
L’Algérie est-elle condamnée ? Non à condition de s’y prendre à temps, estime le professeur émérite. Pour lui, il faut dire la réalité aux Algériens. Une réalité qui veut que « nos ressources énergétiques ne sont pas infinies ». Expliquer simplement la situation, recommande-t-il. « Nous avons 12 milliards de barils de pétrole d’après BP 2014, et au rythme de consommation moyen de 1 million de barils/jour en l’absence de découvertes majeures, nous en avons pour 15 ans. Nous avons 4000 milliards de m3 de gaz naturel, dont on a consommé quelque 2000 milliards. A la cadence actuelle, si on continue sur le même rythme, nous consommerons 100 milliards de m3 par an, sans prendre en considération ce qui peut être exporté. Nous en avons pour 20 ans », explique le professeur.
Or, le rythme de consommation est qualifié par le professeur de « trop effréné », en l’absence totale d’efficacité énergétique. L’Algérien « gaspille beaucoup parce que c’est gratuit ! », fait-il observer. L’expert prend en exemple les embouteillages. « Nous avons noté que les bouchons dans les trois grandes villes font perdre 150 millions de dollars au pays ! Pour chaque heure passée dans les embouteillages, c’est quelque 0,5 litre d’essence qui est perdu. Soit un litre perdu en deux heures d’attente. Il y a 500.000 véhicules qui circulent de manière continue, soit 500.000 litres d’essence qui partent en fumée chaque jour », relève l’enseignant à l’Ecole Polytechnique.
L’Algérien consomme en moyenne 1200 litres d’essence par an
L’automobiliste algérien consomme annuellement une moyenne de 1200 litres d’essence soit une tonne de pétrole, le tout à des tarifs administrés, selon une étude des élèves ingénieurs de l’Ecole polytechnique. L’étude a noté que « l’Algérien consomme en moyenne 20.000 km par an en carburant. Avec 7 litres aux 100 kms, pour une voiture qui roule normalement, cela représente une consommation de 1200 litres d’essence (1 tonne d’essence), soit une tonne de pétrole », a indiqué Pr. Chitour. Il y a lieu de signaler que ces 1200 litres, l’automobiliste les paye à un prix administré « dérisoire » de moins de 25 dinars/litre. Ces subventions ont eu pour conséquence fâcheuse un gaspillage des hydrocarbures, outre le fait que les carburants font l’objet d’une contrebande à grande échelle aux frontières Est et Ouest. Le gouvernement a décidé, dans l’optique, de réduire ce gaspillage et de combattre la contrebande des carburants, l’institution d’une carte de consommation de carburants. Une mesure que le professeur émérite refuse de qualifier d’innovante, comme on tend à le penser, l’exemple égyptien étant déjà là.