Algérie :« L’endettement n’est pas un signe de malaise mais une question de logique »(Ali Benouari) - Maghreb Emergent

Algérie :« L’endettement n’est pas un signe de malaise mais une question de logique »(Ali Benouari)

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 « Aucun projet dans le monde n’est autofinancé à 100% », assure Ali Benouari.

Le recours à l’endettement extérieur est-il une mise à genou du pays comme le dit le Premier ministre ? « Il est hors de question de recourir à l’endettement extérieur et nous ne voulons même pas y penser. Nous refusons d’hypothéquer notre souveraineté quelle que soit la situation, et ce sont là les instructions du président de la République », a déclaré dernièrement  Abdelmadjid Tebboune à l’issue de la réunion de préparation de la Tripartite qu’il a tenue avec le patronat et l’UGTA. Mais, à force d’insister sur ce point, le gouvernement donne l’impression de ne pas être sûr de ces choix. 

« Aucun projet dans le monde n’est autofinancé à 100 »

Ali Benouari, ex-ministre du Budget et expert international en finance,  qualifie d’ « étranges » les propos de Tebboune sur l’endettement extérieur. « Le monde entier et toutes les entreprises saines s’endettent. La Suisse n’est pas en reste. Ce qui n’a rien à voir avec l’aisance ou l’absence d’aisance financière. C’est juste une question de logique et de calcul économique. On s’endette pour un projet censé assurer une certaine rentabilité, en engageant les banques à le financer. Ce qui est plus prudent que d’engager ses fonds propres à 100% . Si le projet est rentable, en effet, il dégagera de quoi le rembourser et si un incident de parcours, non prévu, se produit, c’est le prêteur qui perd le plus », explique-t-il en précisant que cette façon de faire est une sorte de « partenariat, qui est résumé par le ratio debt/equity ». « Pratiquement aucun projet dans le monde n’est autofinancé à 100%. Un projet financé par de la dette est entouré par plus de garde-fous. Car là, les règles de calcul de rentabilité et de suivi de l’investissement s’appliquent dans toute leur rigueur. Par contre, aucun projet n’est financé par les banques si son objet est de produire des biens non marchands », a-t-il ajouté.

L’endettement extérieur, « un gage de transparence »

Ali Benouari  évoque, pour rejeter la diabolisation du recours à l’endettement extérieur, nombre d’éléments. « Si la rentabilité est à long terme et/ou si l’utilité sociale est prédominante, ce sont des établissements spécialisés (Banque mondiale, banque africaine, Banque Européenne de développement…) qui entrent en jeu. Le prêteur examinera son impact sur la rentabilité globale du projet sur le pays (impacts macro-économiques, environnementaux ou sociaux notamment), de nature à accroître à long terme l’efficacité et la croissance du pays. Pour avoir négligé ce bon sens élémentaire, on a eu une autoroute mal conçue, mal réalisée, avec des surcoûts qui auraient été évités si celle avait été financée par la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement ou une autre institution financière spécialisée », affirme-t-il en soulignant que l’Algérie aurait pu avoir recours à ce mode de financement dans la réalisation des barrages, des chemins de fer, des ports, ainsi que les projets industriels privés. Mais pas seulement, car, en plus des  opportunités économique que l’endettement extérieur peut offrir, il garantit une certaine « transparence » puisque, « dans le financement par endettement, il y a appel d’offres contrôlé par le prêteur, ce qui élimine les pots-de-vin ».

Encadrer l’endettement au lieu de le diaboliser

Tout en considérant que l’endettement extérieur est une option tout à fait défendable, Ali Benouari estime qu’il existe un minimum de règles à observer pour ne pas se faire conduire à l’échafaud.  « L’endettement doit être encadré dans certaines limites, ce qui réduit le risque d’aboutir à un endettement excessif. Pour un particulier, la règle universelle est 1/3 des revenus. Pour un pays, l’endettement extérieur doit être contenu dans ce qu’on appelle le debt service ratio ou ratio du service de la dette. C’est à dire qu’un pays ne doit pas consacrer plus de 25 à 30% de ses recettes en devises au remboursement du principal et des intérêts annuellement dus sur sa dette extérieure », recommande-t-il.

 

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