Six agences bancaires de l’Algérois, interrogées sur « le programme de conformité fiscale volontaire » en vue d’attirer l’argent informel vers les banques parlent de résultats « faibles ». Dans le sud du pays, quelques opérations ont été enregistrées. Le nombre reste toutefois limité, et très en deçà de ce qui était attendu.
L’opération lancée en Algérie pour attirer vers les circuits bancaires l’argent circulant dans les réseaux officiels a débouché sur des résultats « très modestes », a appris Maghreb Emergent auprès de plusieurs sources bancaires. Un économiste a même parlé de « fiasco », alors qu’un banquier évoquait des résultats « insignifiants ».
L’opération a été lancée officiellement début août. Elle devait permettre à des personnes disposant de fonds au noir de les déposer auprès des banques contre le paiement d’un montant de 7%. La disposition a été introduite par l’ordonnance portant loi de finances complémentaire pour 2015, prônée par le nouveau ministre des Finances Abderrahmane Benkhalfa. Pour lui, l’argent circulant dans les circuits parallèles pouvait compenser partiellement la baisse de la fiscalité pétrolière, à la suite de la chute des prix des hydrocarbures.
M. Benkhalfa a beaucoup misé sur cette mesure pour combler partiellement le déficit budgétaire et offrir des ressources financières pour l’investissement. Pour le gouvernement en effet, la préoccupation la plus urgente est le déficit budgétaire, du moment que les réserves de changes, autour de 150 milliards de dollars, devraient permettre de tenir deux ou trois ans.
« Pas de mandataire »
Selon des informations recueillies auprès de six agences bancaires à Alger et sa périphérie, « aucun dépôt n’a été effectué » durant le mois d’août. Pourtant, toutes les agences bancaires ont reçu des directives, et la plupart ont affiché les modalités pratiques pour le dépôt éventuel de l’argent. La procédure mise en place prévoit l’ouverture d’un compte bancaire dédié à l’opération, après indentification du déposant, qui doit se présenter lui-même. Aucun mandataire n’est autorisé : on ne peut se faire représenter par son avocat ou son comptable.
Dans l’Algérois, de grosses agences à Chéraga et à Alger-Centre ont reçu des dépôts, a-t-on appris par ailleurs. Dans le sud du pays, quelques opérations ont été enregistrées. Le nombre reste toutefois limité, et très en deçà de ce qui était attendu. Une jeune cadre dans une agence bancaire avoue qu’elle « n’a pas eu vent d’une seule opération ». A l’intérieur du pays, le même rythme est observé, selon un banquier de Sétif. Ces résultats sont, en tous les cas, très loin des rumeurs enregistrées.
Les banques : « Ce ne sont pas nos clients traditionnels »
Sur l’identité de ces rares déposants, peu de choses ont filtré. « Ce ne sont pas nos clients traditionnels », affirme un banquier. De manière générale, il s’agit de personnes « qui n’avaient pas de compte bancaire ». Ce qui soulève son inquiétude. « On ne sait pas d’où provient cet argent. Accepter de payer une amende forfaitaire de sept pour cent montre que l’argent ne provient probablement pas de commerce informel mais peut-être d’activités répréhensibles », estime-t-il.
L’opération, baptisée « programme de conformité fiscale volontaire» semble aussi souffrir d’une approche erronée de l’argent circulant au noir. L’argent est, en effet, soit dans les banques, soit placé, notamment dans l’immobilier, ou changé au noir et transféré à l’étranger. Peu de gens détiennent de très grosses sommes chez eux, pour des raisons évidentes de sécurité. Par contre, une catégorie de commerçants, soucieux d’éviter le fisc, et d’avoir la souplesse nécessaire dans les transactions, est contrainte de détenir de grosses sommes. Mais cet argent est destiné à leur activité et ne sera pas déposé dans les banques.