L’un des aspects les plus importants du texte du projet de loi de finance pour 2017 concerne la stratégie financière de l’Etat algérien pour la période 2016 -2019 qui a commencé à être dévoilée. Autant le dire tout de suite, les années à venir seront clairement des années d’austérité budgétaire.
C’est une vraie nouveauté. La loi de finances 2017 ne nous parle pas seulement des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’année à venir mais également de la stratégie financière adoptée par l’Etat algérien pour éliminer progressivement le déficit colossal de nos finances publiques qui représentera cette année encore près de 15 % du PIB. On commence donc enfin à connaître le contenu de cette « trajectoire budgétaire » sur 3 ans évoquée depuis plusieurs mois à propos du « nouveau modèle économique algérien ».
Le communiqué officiel du Conseil des ministres qui s’est réuni mardi dernier souligne très significativement que le projet de Loi de finances est « le premier jalon de la programmation budgétaire arrêtée pour les années 2017 à 2019. Il ajoute que le chef de l’Etat a invité le Gouvernement « à poursuivre l’effort pour la maîtrise des finances publiques et la rationalisation des dépenses » Ce texte, précise le communiqué, « engage la mise en oeuvre du premier segment de la « Trajectoire budgétaire 2017 à 2019 » adoptée par le Conseil des ministres et qui accompagne le « Nouveau modèle de croissance ».
Eliminer le déficit en « 3 à 5 ans »
Les autorités financières algériennes évoquent depuis plusieurs mois, notamment à travers les ( très ) rares interventions publiques du nouveaux ministre des finance M. Baba Ammi, « une période de 3 à 5 ans » au cours de laquelle sera réalisée « graduellement la maîtrise des dépenses et leur adaptation à nos ressources financières». Une démarche d’autant plus nécessaire que le financement des déficits du budget de l’Etat a été essentiellement réalisé au cours des dernières années par le recours aux réserves financières accumulées pendant plus de 10 ans dans le Fonds de Régulation des Recettes, le fameux FRR , et que ce dernier est en voie d’épuisement ; même si, contrairement à ce qu’on peut lire ici et là, il devrait continuer encore à jouer ce rôle en 2017.
C’est ainsi que dès l’année prochaine, si on en juge par les projections contenues dans l’avant projet de loi de finance pour 2017, le déficit du budget de l’Etat, qui atteindra un pic historique proche de 15 à 16 % du PIB en 2016, devrait être réduit de moitié et représenter moins de 8% du PIB. Pour l’année suivante, le déficit budgétaire de l’État (notons qu’on parle désormais du solde du Trésor sur la base d’un baril à 50 dollars et non plus de l’ancienne définition du déficit sur la base d’un prix de référence de 37 dollars ) a été chiffré précisément à 1248 milliards de dinars, soit l’équivalent de près de 12 milliards de dollars, sur la base d’un taux de change de 110 dinars pour un dollar. La réduction du déficit devrait se poursuivre en 2018 et 2019 avec un objectif chiffré de 400 milliards de dinars de déficit en 2019 soit à peine 2% du PIB .
Une Progression rapide des recettes dans les prochaines années
La réalisation de ces objectifs devrait être facilitée par la croissance rapide des recettes de l’Etat au cours des prochaines années.Le gouvernement compte en effet sur une hausse sensible des recettes dès l’année prochaine. Elles passeront à 5 635 milliards de dinars en 2017 contre 4925 milliards en 2016. Ce qui représente une variation de 13 % sur un an. Une progression qui devrait se poursuivre plus modérément avec des recettes globales de 5 798 milliards de dinars en 2018, avant d’augmenter de nouveau fortement à 6424 milliards en 2019.
Les premiers éléments d’une « réforme de la fiscalité » ordinaire
En 2017, la fiscalité ordinaire rapportera 2845 milliards DA, en progression de 3,5%. Selon les projections du gouvernement, les recettes de la fiscalité ordinaire augmenteraient très sensiblement (de près de 20%) et seraient de 3438 milliards en 2018. Elles devraient connaître une nouvelle hausse, plus modérée, en 2019, à 3780 milliards de dinars.
Cette croissance accélérée des recettes de la fiscalité ordinaire au cours des prochaines années devrait s’appuyer sur les premiers éléments d’une « réforme de la fiscalité. Les orientations les plus apparentes de cette réforme semblent être d’abord le renforcement de la fiscalité sur la consommation d’énergie à travers à la fois l’augmentation des taxes sur les carburants et la création d’ une nouvelle « taxe d’efficacité énergétique », très bienvenue, qui frappera les équipements énergivores .
Une deuxième orientation concerne le développement progressif de la fiscalité sur les produits de luxe, ou considérés comme nocifs pour la santé, à travers l’augmentation des taux de la taxe intérieure sur la consommation(TIC) qui va également concerner plus de produits et augmenter sensiblement pour le tabac.
Une dernière orientation, parmi ce recensement non exhaustif, concerne enfin le développement de la fiscalité et des finances locales sur lequel insiste le dernier communiqué du Conseil des ministres dans le but d’ « accompagner les missions nouvelles dévolues aux collectivités locales en matière de promotion de l’investissement et d’accompagnement de l’activité économique ». Pour l’heure les recettes des collectivités locales, fortement impactées par la réduction de la TAP intervenue en 2016, devraient surtout retrouver des couleurs grâce au versement annoncé d’une partie du produit de l’augmentation de 2 points de la TVA prévu en 2017.
On peut relever enfin que l’impact de ces nouveaux impôts sur les recettes de la fiscalité ordinaire continuera d’être contrarié par la baisse des rendements des droits de douanes et de la TVA sur les produits importés qui vont continuer à diminuer sensiblement en raison de la réduction en cours des importations
Un baril entre 50 et 60 dollars d’ici 2019
Dans le projet de loi de finances pour 2017, les recettes budgétaires provenant de la fiscalité pétrolière sont évaluées à 2200 milliards DA pour l’année prochaine. Elles devraient être de 2359 milliards de dinars en 2018, avant d’atteindre 2643 milliards de dinars en 2019. Des chiffres qui confirment la cible, relativement conservatrice, d’une augmentation par pallier de 50 à 60 dollars retenue par les autorités financières algériennes pour le prix du baril au cours des 3 prochaines années.
Une forte réduction des dépenses d’équipement en 2017
L’autre volet de la stratégie financière de l’Etat au cours des prochaines années concerne l’évolution des dépenses. Dans ce domaine, le gouvernement semble décidé à faire un effort substantiel. En 2017, il annonce d’abord une réduction de 13,8% des dépenses par rapport à 2016. Au total, elles passent de 7983 milliards en 2016 à 6 883.milliards pour l’année prochaine.
Dans le détail, même le budget de fonctionnement, dont les dépenses sont pourtant réputées « incompressibles », est en recul. Les dépenses au titre du budget de fonctionnement se chiffrent ainsi à 4591 milliards de dinars, selon le PLF 2017, contre un niveau de 4807 milliards en 2016 en diminution de près de 5 %. Mais ce sont surtout les dépenses d’équipement qui font les frais de l’austérité budgétaire avec un budget d’équipement qui est en très net repli, à 2291 milliards de dinars au lieu de 3176 milliards programmés pour l’année en cours, soit une diminution de près de 28%.
…..Et un « gel » des dépenses en 2018 et 2019
Outre cet effort particulièrement sensible de réduction des dépenses en 2017, il est intéressant de noter que le gouvernement mise sur un gel des dépenses pour les deux années suivantes. C’est ainsi que le niveau du budget de fonctionnement restera fixé à 4 500 milliards de dinars pour 2018 et 2019.
De son côté, le budget d’équipement devrait, lui aussi, rester stable à 2 300 milliards de dinars pour ces deux années. Au total, les dépenses de l’Etat pour 2018 et 2019 devraient donc s’élever à 6 800 milliards de dinars. Un niveau très proche de celui atteint en 2017. On doit bien sûr souligner que ce gel des dépenses de l’Etat en terme nominal équivaut à une nouvelle et forte réduction des dépenses en terme réel au cours des prochaines années .
Des règles budgétaires plus vertueuses
Cette démarche de « consolidation budgétaire » dans le jargon de finances publiques, qui passe à la fois par un accroissement sensible des recettes fiscales et une diminution importante des dépenses de l’Etat au cours des prochaines années, est « encadrée » par un certain nombre de principes et d’objectifs en rupture avec les pratiques des dernières années et qui sont également intéressants à relever .
Le premier d’entre eux est désormais représenté par la prépondérance des recettes ordinaires de l’Etat. Depuis des décennies, c’était devenu un poncif de tous les commentaires sur l’économie algérienne :La fiscalité pétrolière représentait « plus de 60 % des recettes du budget de l’Etat algérien ». Ce n’est déjà plus vrai depuis l’année dernière et ce sera de moins en moins vrai au cours des prochaines années. A telle enseigne que, dès 2017, c’est la fiscalité ordinaire qui représentera 60 % des recettes de l’Etat et que cette proportion devrait passer à près des 2/3 en 2019 si les prix du baril évoluent comme prévu.
Un autre objectif, également considéré comme très vertueux et recommandé par beaucoup d’économistes au cours des dernières années, est associé au premier dans les projections du gouvernement pour les prochaines années. Il concerne la couverture totale des dépenses courantes de l’Etat par la fiscalité non pétrolière. C’est dire que la fiscalité pétrolière devrait à l’avenir servir uniquement à financer les dépenses d’équipement de l’Etat. Un objectif qui sera cependant encore assez loin d’être réalisé en 2019.