Le projet de loi de finances 2017 a été approuvé par le Conseil des ministres, réuni sous la présidence du Président de la République Abdelaziz Bouteflika le 04 octobre 2016. Pour la première fois, le gouvernement a retenu la moyenne du marché pour le prix du baril de référence et un important déficit du Trésor.
1- L’Algérie étant une économie rentière où les recettes en devises avec les dérivées représentent 97%, les exportations hors hydrocarbures étant marginales, le cours a été établi sur la base d’un baril de pétrole à 50 dollar. Le plus inquiétant le gaz traditionnel représentant un tiers des recettes de Sonatrach avec une révision de 50% en 2020, selon le FMI, a atteint son cours le plus bas en douze ans en raison certes de la chute des cours du pétrole, mais également de la vigueur de l’offre russe en gaz naturel et par l’affaiblissement de la demande asiatique. Malgré cela, la loi des finances 2017 prévoit des recettes de 5.635,5 milliards de dinars (mds DA) de recettes, soit une hausse de près de 13% par rapport celles de l’exercice 2016, la fiscalité ordinaire étant évaluée à 2.845,4 mds DA, en progression de 3,5%, et les revenus de la fiscalité pétrolière à 2.200 mds A, et les dépenses évaluées à 6.883,2 mds DA réparti entre 4.591,8 mds DA pour le volet fonctionnement et 2.291,4 mds DA en crédits de paiements pour le volet équipement, le solde global du Trésor devrait selon cette loi clôturer fin 2017 à 1248 milliards de dinars soit au cours du 04/10/2016 de 109 dinars un dollar avec un déficit 11,44 milliards de dollars soit de 8%, contre un déficit de 15% en 2016.
2.- Avec l’épuisement du Fonds de régulation des recettes que faire car tout accroissement des dépenses par rapport aux recettes prévues accroitra le déficit budgétaire avec un impact inflationniste? Il faudra distinguer la part des dépenses en dinars (solutions internes) de la part en devises et distinguer les actions conjoncturelles de facilité, des actions structurelles qui seules sont une réponse appropriée aux défis futurs du pays.
Premièrement, il y a urgence d’aller vers une allocation ciblée des ressources financières et une rationalisation des dépenses (économies de gestion) tant pour la partie devises que dinars, supposant lutter contre les surcouts et la corruption. Mais il existe des limites économiques que sociales quitte à étouffer toute l’économie, puisque 83% du tissu économique repose sur le petit commerce/services, le secteur productif, excepté l’agriculture, étant embryonnaire et environ 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dépendent de l’extérieur.
Deuxièmement, continuer le dérapage du dinar pour la partie dinar, pour ne pas dire dévaluation, le cours étant passé de 75 dinar sun dollar il ya trois années à 110 dinars un dollar et de 85 dinars un euro à 120 dinars un euro fin 2016, constituant une épargne forcée, tant par rapport au dollar gonfle la fiscalité pétrolière (vente en dollars) et par rapport à l’euro la fiscalité ordinaire, les taxes à al douane s’appliquant à un dinar dévalué. Avec un cours de 75 dinars un dollar, et 85 dinars un euro, le déficit du trésor dépasserait 20 milliards de dollars.
Troisièmement, continuer à puiser dans les réserves de change pour la partie devises avec un répit de quatre années, une économie productive mettant du temps à l’instant T0 de sa mise en œuvre (minimum cinq années) le temps ne se rattrapant jamais en économie.
Quatrièmement, aller vers un endettement extérieur ciblé pour la partie devises uniquement pour les segments concurrentiels productifs.
Cinquièmement, mettre en place une politique a de subventions et transferts sociaux ciblés inter socioprofessionnelle et inter régionale. Mais n’ayant pas une vision de sinistrose, la justice sociale, pas l’égalitarisme, n’est pas antinomique avec l’efficacité économique impliquant une plus grande moralisation de la société et des dirigeants, supposant un partage équitable du sacrifice et dont les responsables doivent donner l’exemple et avoir un langage de vérité. Dans ce cadre, le conseil des ministres insiste que depuis plus de deux années nous assistons à une chute sévère des prix des hydrocarbures, plusieurs propositions de mesures législatives ont été adaptées avec pour finalité l’amélioration des recettes de l’Etat, l’encouragement de l’investissement, ainsi que davantage de simplification et d’allègement des procédures fiscales et .que 1.630,8 mds DA seront alloués aux transferts sociaux (23,7% du budget de l’année 2017) essentiellement destinés au soutien aux familles, essentiellement à travers la subvention des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huiles alimentaires), au soutien à la santé et aux programmes nationaux de logement. A l’avenir si le cours se maintient entre 45/55 dollars, cette généralisation des subventions, injuste par définition, sera intenable financièrement impliquant un ciblage pour les plus démunis et les secteurs que le gouvernement veut encourager transitoirement.
Sixièmement, pour éviter le scenario dramatique des impacts de la baisse du cours du pétrole des années 1986, et de horizon 2020 la solution la plus durable est d’avoir une vision stratégique afin d’asseoir une économie diversifiée dans le cadre des valeurs internationales. Car il faut interpréter cette loi des finances avec toutes les précautions pour éviter des surprises. Il ne faut plus se faire d’illusions, un cours de pétrole entre 80/100 dollars est improbable rendant urgent, pour l’Algérie, si elle veut éviter sa marginalisation, l’émergence d’une économe diversifiée dans le cadre de la mondialisation. Sans réformes structurelles profondes, supposant un minimum de consensus politique et social et une visibilité et cohérence dans la démarche des réformes, il ne faut pas s’attendre à des miracles. L’Algérie n’ pas d’autres choix possédant les potentialités. Faute de quoi, retarder les réformes conduira inéluctablement à la cessation de paiement horizon 2020 ce qu’aucun patriote algérien ne souhaite. [email protected]
(*)Professeur des Universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL