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Algérie : Pourquoi face à la crise du climat il faut nommer Vincenzo Nesci au tourisme

Par Yazid Ferhat
juin 9, 2017
Algérie : Pourquoi face à la crise du climat il faut nommer Vincenzo Nesci au tourisme

La chronique hebdomadaire de El Kadi Ihsane sur El Watan suggère une connexion audacieuse entre le réchauffement climatique, la transition énergétique et la promotion du tourisme en Algérie.

 

L’Algérie n’a pas réagi à la décision de Donald Trump de retirer son pays de l’Accord de Paris sur le climat. Alger n’a pas de religion sur le sujet. Ou alors ses apôtres sont tièdes. Vu en instantané, une sortie accélérée de l’économie mondiale de la dépendance à l’énergie carbonée est une mauvaise nouvelle pour un pays exportateur d’hydrocarbures. Ce qui vient, à l’inverse, entraver cette sortie volontariste, comme la défection de la seconde nation la plus grande émettrice de gaz à effet de serre (GES), serait, selon ce survol instantané, une bonne nouvelle. Sauf que les prix du brut ont perdu près de deux dollars vendredi dernier à la suite de l’annonce du président américain. Quelle est donc cette lecture qui affaiblit le cours du brut dans le court terme ? Elle est simple. Le permis d’émettre plus de GES est un permis de produire plus de pétrole – notamment- et donc d’en maintenir encore le prix bas pour quelque temps. Dans la même semaine où Donald Trump commettait cet acte souverain dégénératif, une commission d’experts –parmi lesquels un autre Américain, mais très différent, le prix Nobel d’économie Joseph Stigliz– recommandait à la COP22 de Marrakech, d’évaluer à au moins 40 dollars le juste coût de la tonne de CO2 émise dans l’atmosphère. Pour un citoyen français réputé émettre 10 tonnes par an (et par individu), cela reviendrait à payer une taxe carbone de 400 dollars par an. C’est cette taxe que le président Trump trouve injuste.  Au point de tourner le dos à la communauté internationale sur un sujet, l’avenir de la planète, qui engage sensiblement tout le monde. L’Algérie ne s’est donc pas associée au concert des réactions courroucées pour dénoncer l’attitude du président américain. Pourtant, la décarbonisation des systèmes énergétiques mondiaux est une opportunité pour l’économie algérienne. Elle a le plus grand potentiel au monde de production d’électricité verte. L’accord de Paris veut rendre cher l’acte d’émettre du CO2 dans l’atmosphère. Afin de le bannir économiquement. C’est un processus objectivement allié de la transition énergétique algérienne. Elle peut s’autofinancer par l’exportation de l’électricité solaire dès qu’elle n’aura plus assez de gaz naturel à exporter pour générer de l’électricité en Europe du Sud. 

Fin des grands binômes de l’énergie

Nourredine Boutarfa était-il l’homme qui allait mettre en route la sortie algérienne du tout carbone par la production massive d’énergie verte  ? Il en a eu les velléités avec son projet d’appel d’offres en trois tranches pour 4050 Mégawatts de solaire photovoltaïque. Sa démarche était certes fort critiquée par les acteurs privés algériens, qui trouvent que la part belle était, sur ce nouveau marché,  réservée à Sonatrach et Sonelgaz et aux partenaires étrangers. Elle présentait le mérite de mettre, de fait, pour la première fois, la production des énergies renouvelables en tête de l’agenda. Son successeur au poste,  Mustapha Guitouni, vient juste confirmer que la problématique montante du secteur se décline de plus en plus sous l’angle de l’offre d’électricité. Mais qui connaît la religion de Guitouni sur la nature de cette électricité  ? De plus en plus verte ou toujours d’origine carbonée? En réalité, le départ inattendu de Boutarfa consolide la crise de gouvernance du secteur de l’énergie. Si l’Algérie n’arrive pas à afficher une identité forte dans sa trajectoire sur le climat et sur l’accélération de la sortie du carbone, c’est largement parce qu’elle est sortie en 2011 de son modèle fétiche de gouvernance de son secteur économique-clé. Elle est basée sur une relation de confiance forte entre le président de la République et le ministre de l’Energie. Trois binômes ont animé ce mode de gouvernance : Boumediène-Abdeslam, Chadli-Nabi, Bouteflika-Khelil. L’Algérie a affiché des convictions fortes durant ces périodes-là. Bonnes ou mauvaises est une autre question. Elles étaient lisibles. Ce mode de gouvernance par binôme aurait pu se reconstituer avec l’avènement de Youcef Yousfi à la tête du secteur en 2011. Il a échoué à cause du manque de courage politique du successeur de Khelil qui a ménagé, avec beaucoup de zèle, le système rentier carboné au lieu d’engager sa réforme par les prix et le basculement vers le renouvelable. La gouvernance du secteur de l’énergie qui fera rentrer l’Algérie dans l’esprit de l’Accord de Paris n’est pas prête de se remettre en place. Faute de bon ministre de l’Energie ? Non. Faute de président disponible et actualisé. Dans le binôme historique, c’est le résident qui manque.

Faire découvrir Alger à Veon

C’est à un récit touchant qu’ont assisté les acteurs de la presse, invités du iftar de Djezzy la semaine dernière.  Viscenzo  Nesci,  le PDG de l’enseigne algérienne de téléphonie mobile, a raconté l’aventure insolite de son équipe.  Elle a obtenu d’organiser à Alger la conférence annuelle du réseau mondial de Veon l’actionnaire international (ex-Vimpelcom) aux commandes du management de Djezzy. Une victoire  par le vote de haute lutte, qui a finalement souri à la capitale algérienne  «grâce à notre bon lobbying». Le bonheur du patron de Djezzy était communicatif d’avoir réuni à l’hôtel Aurassi une centaine de personnes du top management de Veon dans le monde.  «Cela s’est très bien passé. Ils ont pu voir combien cette ville est belle», a-t-il déclaré, ajoutant qu’il avait intercédé pour que tous ses collègues qui le souhaitaient puissent se promener librement dans les rues de la ville «c’est plus sûr qu’Islamabad»,  rapporte-t-il après avoir lancé à ses amis pakistanais que la sécurité de l’événement voulait confiner. Bien sûr il y a eu, auparavant, la galère de l’obtention des visas. Pour laquelle des interventions lourdes ont été nécessaires au ministère des Affaires étrangères. Mais tout le monde y a mis du sien et tous les invités à la conférence du réseau ont pu venir en temps et en lieu. Une prouesse administrative qui confirme bien que l’Algérie n’a pas encore décidé d’être une destination pour le reste du monde. L’épisode du visa n’existe pas dans les autres récits des villes concurrentes d’Alger dans le réseau mondial de Veon. Pas avec cette intensité. Finalement, le pétillant PDG de Djezzy a eu raison de toutes les difficultés. Il a surmonté les hésitations en interne de Veon et gagné le vote, il a convaincu ses co-actionnaires algériens (FNI) de l’aider à réussir l’événement avec les autorités algériennes, il a fait aimer à ses hôtes Alger, que visiblement en italien méridional, il apprécie particulièrement. Le président Bouteflika patauge avec le département du tourisme  ? Il devrait envisager de nommer à sa tête Vincenzo Nesci. Il a déjà fait bien mieux que beaucoup de ministres à ce poste depuis longtemps. Un lien avec l’accord de Paris sur le climat ? Bien sûr. Les pays à énergie verte seront les plus fortes destinations touristiques en 2040. Dans le monde éco-citoyen qui arrive.   

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