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Finances

Algérie- Sur le risque d’échec de l’emprunt obligataire de l’Etat (contribution)

Par Yazid Ferhat
mai 14, 2016
Algérie- Sur le risque d’échec de l’emprunt obligataire de l’Etat (contribution)

Après les résultats mitigés  pour ne pas dire échec de l’opération d’attirer le capital- argent de la sphère formelle au sein de la sphère réelle moyennant le paiement d’un impact forfaitaire de 7%, le ministre des Finances a appelé le 13 mai 2016 à une mobilisation massive pour l’emprunt obligataire. Je me permets de rappeler quelques vérités économiques.

 

1.-Pour la réussite de cette opération, outre une préparation sans failles avant le lancement de l’opération, l’on doit stabiliser la valeur du dinar  et le taux d’intérêt doit être supérieur au taux d’inflation. Or, le  dinar algérien  était coté en 1970 à  4,94 dinars un dollar- 1980 à  5,03 dinars un dollar- 1995 à 47,68 dinars un dollar, suite au  rééchelonnement,   et le 13 mai 2016 à 124,2514  dinars un euro   et  109,4950  dinars  un dollar avec un cours sur le marché parallèle qui est de 180 dinars un euro. Pour éviter de fausses interprétations, pour la période 1970 à 1995, le dinar a  été coté administrativement, comme à l’ère soviétique ; sa cotation ayant peu de signification. Depuis, 1994/1995 à 2016,  sa cotation fluctue entre une  gestion administrative et une gestion répondant aux normes du FMI, puisque le dinar algérien n’est pas convertible. Cela  renvoie  au couple contradictoire rente/marché. Ce n’est pas une  question de lois,  mais  à l’approfondissement de la réforme globale, condition sine qua non  d’une économie productive dans le  cadre des valeurs internationales. Dès lors réflexe naturel de tout agent économique,  les ménages ou opérateurs privés se réfugieront dans l’achat de devises fortes, de l’or ou de l’immobilier afin de préserver le pouvoir d’achat de leur épargne.  Il ne s’agit nullement, fausse solution, de transférer  le même montant du capital argent au niveau de la sphère réelle avec en plus des taux d’intérêts additionnels. Bon nombre d’entreprises et ménages à excédents financiers au sein de la sphère réelle, qui déposaient leur argent dans les banques  pour un intérêt de 2/3% vont  retirer cette épargne pour les placer à un intérêt variant entre 5 et 5,75%. Le risque est l’assèchement des liquidités et le recours à la banque d’Algérie pour avoir des liquidités accroissant la masse monétaire en circulation, pouvant avoir à terme, en cas de non  accroissement de la production et de la productivité proportionnelle  à un processus inflationniste. A des fins de spéculations, certains  d’entrepreneurs privés et  des entreprises publiques, soit  en déficit ou à découverts bancaires, peuvent utiliser,  une fraction du capital argent emprunté   pour avoir la rémunération  de  5 à 5,75% et ce au détriment du trésor public. Par ailleurs, cet  emprunt étant canalisé  par le Trésor public pourrait servir  à  combler  le déficit budgétaire afin d ‘éviter que le Fonds de régulation des recettes   en épuisement  fin 2016, début 2017.  Or pour  plus de transparence, j’avais préconisé au gouvernement  la création d’un fonds d‘investissement où serait canalisé cet emprunt.

2.- Le  reliquat après prélèvement du Fonds de régulation des recettes  a été de 5633,752 milliards de dinars en 2012, 5563,512 en 2013, 4408,465 milliards de dinars  2014, et la loi de finances 2016 prévoit un montant de 1.797 milliards de dinars à fin 2016, avec un solde global du Trésor déficitaire de 2.452 mds DA. Mais beaucoup plus si l’on s’en tient aux dernières tendances  des deux premiers mois de 2016 avec un déficit du trésor de 14 milliards de dollars  et en plus calculé sur la base d’un baril supérieur à 50 dollars. L’explication du ministre des Finances le 11 mai 2016 pour le reliquat des budgets d’équipement sectoriels pourrait tenir, sous réserve que ce ne soit pas  des surcouts,  mais pas pour le budget de fonctionnement en nette augmentation,  puisque nous n’avons pas  assisté à une augmentation des salaires  et de l’emploi  pendant les deux premiers mois.  En réalité, le  calcul en dinars dévalués du  Fonds  voile l’importance du déficit budgétaire, biaisant les comptes publics. En dévaluant le dinar par rapport au dollar, nous aurons une augmentation artificielle de la fiscalité des hydrocarbures, et la fiscalité ordinaire. Les besoins des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% sont importés, les taxes douanières se calculant sur la partie en dinars, avec une amplification (cascade de taxes en plus des marges de profit)  sur les prix des équipements, matières premières et produits finis importés. Cette dévaluation accélère  l’inflation intérieure que l’on essaie d’atténuer par les subventions généralisées (27% du PIB en 2014), source de gaspillage et d’injustice sociale. Du fait de l’importance du déficit budgétaire évalué à 35/36 milliards de dollars dans la loi de finances 2016 sur la base d’un cours de 98 dinars un dollar  (avec un cours de 75 dinars un dollar il aurait dépassé 45 milliards  de dollars), ce fonds, au rythme de la dépense actuelle,  risque de fondre fin 2016, début 2017. L’inflation étant la résultante, cela renforce la défiance vis-à-vis du dinar où le cours officiel se trouve déconnecté par rapport au cours du marché parallèle  se cotant en ce mois le 13 mai  2016 à environ 180 dinars un euro et à terme un taux d’inflation supérieur au taux d’intérêt des emprunts obligataires  de trois ou cinq ans (entre 5 et 5,75%).

 3.-Qu’en est-il de l’évolution des réserves de change qui tiennent la cotation du dinar à 70% ? Avec    des recettes en devises  de 2000 à fin 2015 dépassant 800 milliards de dollars, les réserves de l’Algérie ont été estimées à 56 milliards de dollars en 2005, 77,78 milliards en 2006, 110 milliards en 2007 à 138,35 milliards de dollars en 2008, à 147,2 milliards en 2009, à 157 milliards de dollars fin 2010 ,  2011 avec 188,8 milliards de dollars en 2011, 190, 66  en 2012, 194 milliards de dollars en 2013, 179,9 milliards de dollars en 2014, 152 milliards de dollars fin 2015,  et selon le rapport du FMI d’avril 2016,113,3 mds usd en 2016  ( couvrant 22,2 mois d’importation)  et 92,3 mds usd en 2017. Toujours selon ce même rapport,  pour avoir un équilibre budgétaire toujours selon le FMI, l’Algérie aura besoin, en 2016, d’un prix de pétrole de 87,6 dollars/baril contre 109,8 dollars/baril en 2015.   Avec la tendance à la diminution   des réserves de change, la banque d’Algérie sera contrainte  de continuer à dévaluer le dinar  et il sera impossible de continuer à verser des salaires sans contreparties  productives, et consacrer  le montant faramineux de subventions et transferts sociaux, non ciblés qui ne s’adressent pas essentiellement aux plus démunis, représentant 27/28% du PIB quitte à conduire le pays au suicide collectif. Aussi, il s’agit  d’éviter  de fausses solutions à des problèmes mal posés en s’attaquant aux apparences et non à l’essence.  L’Algérie avec l’amenuisement de ses recettes d’hydrocarbures  peut-elle continuer à dépenser sans compter ? Toutefois évitons la sinistrose. La situation est différente  de la crise   de 1986 avec le  niveau relativement élevé des réserves officielles de change, bien qu’en baisse  et le niveau historiquement bas de la dette extérieure pouvant  surmonter les «chocs» externes, mais transitoirement , sous réserve d’une nouvelle gouvernance centrale  et locale et d’une réorientation urgente de toute la politique socio-économique  actuelle. En bref, sans des  objectifs stratégiques précis, le retour à la confiance et la moralité supposant   une autre gouvernance reposant sur des institutions réalisant la symbiose Etat-citoyens, et sans de profondes réformes structurelles, micro-économiques et institutionnelles, certes difficiles, car déplaçant d’importants segments de pouvoir assis sur la rente, devant évite l’illusion monétaire, l’opération de  l’emprunt obligataire du fait de la  dépréciation   du dinar,  de la baisse du fonds de régulation des recettes  et des réserves de change risque d’avoir un impact limité. 

(*)Dr Abderrahmane MEBTOUL : Professeur des Universités et expert international

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